Alors que des débats se tenaient ce mardi au Parlement européen à Strasbourg sur la question des réfugiés et de Schengen, en Belgique, la chambre recevait Fabrice Leggeri, le directeur de Frontex, l'agence qui coordonne la surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne. Fabrice Leggeri est venu répondre aux questions des députés belges.
La police qui, selon l'UE, protégera du flux des réfugiés
Cette année, en plus de la surveillance, Frontex aura aussi pour mission d'aider les Etats membres à rapatrier chez eux les réfugiés dont l'Union ne veut pas. Pour le patron de Frontex, le salut de Schengen viendra d'un meilleure contrôle aux frontières, d'une protection accrue pour ceux qui en ont besoin mais aussi de rapatriements accélérés.
D'après Frontex, en 2015, il y a eu 1,8 million d'entrées irrégulières sur le sol européen. Fabrice Leggeri évoque une situation historique : "Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et même pendant la guerre de Yougoslavie dans les années 90, on n'a pas connu un tel phénomène migratoire et de réfugiés". Et même si 1,8 million d'entrées irrégulières ne signifient pas 1,8 million de personnes, puisque certains sont entrés plusieurs fois sur le territoire européen mais par différents pays, il n'en reste pas moins que ces chiffres sont historiques et constituent un record, précise-t-il.
Si les conflits ne sont pas réglés, la situation va perdurer
Fabrice Leggeri prévient aussi, il faudra s'attendre à ce que ce record soit encore dépassé dans les prochaines années, tant que les situations géopolitiques qui provoquent ces migrations n'auront pas changé :
L'impression générale est que l'Europe est dépassée par ces flux migratoires, continus et inhabituels. Mais l'Union a-t-elle les moyens financiers d'assumer ce qui a été couché sur papier ? Pour Fabrice Leggeri, qui admet que les questions financières dépassent les compétences de Frontex, la réponse est oui :
Alors évidemment, pour assurer le bon fonctionnement des structures mises en place, il faut des effectifs. En octobre 2015, Frontex a demandé aux États membres de lui fournir 775 gardes-frontières supplémentaires pour pouvoir les déployer comme suit : 600 en Grèce, 60 en Italie et un peu plus d'une centaine le long des frontières terrestres des Balkans. Mais, regrette Fabrice Leggeri, Frontex n'en a obtenu que la moitié :
"Cela veut dire que les États membres eux-mêmes n'ont peut-être pas suffisamment de moyens à partager au niveau européen. Et c'est le sens je crois de la proposition de la Commission, faite en décembre 2015, de créer une réserve de 1500 gardes-frontières qui devraient être disponibles à tout moment pour les opérations de Frontex. Je crois que cette proposition de la Commission européenne va tout à fait dans le bon sens parce qu'aujourd'hui, nous avons besoin d'unir nos forces de manière plus cohérente".
Au delà du traitement des réfugiés, la création d'une agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes, qui coordonnerait l'arrivage de ces réfugiés, recrédibiliserait l'action de l'Union européenne, notamment auprès de ses citoyens : "Si nous arrivons à montrer que tous ces flux sont traités de manière ordonnée, avec des contrôles et des auditions qui fonctionnent bien, ça permettrait de rendre à nouveau crédible la frontière extérieure Schengen. L'enjeu pour moi, c'est la viabilité de Schengen".
Quant à la question de la Grèce, et les menaces de certains États membres d'exclure le pays de l'espace Schengen, Fabrice Leggeri l'affirme, aucun pays n'aurait pu faire face : "Aucun État membre de l'Union n'aurait pu faire face tout seul à une multiplication par 18 du nombre d'arrivées de clandestins sur son territoire. Et puis n'oublions pas que la Grèce au printemps 2015 était également dans une situation de crise financière. Donc on a les deux crises qui se sont déroulées au même moment".
En plus de la dimension opérationnelle de l'accueil des réfugiés, gérée en partie par Frontex, Fabrice Leggeri rappelle que l'Union européenne est un projet politique qui repose sur la solidarité et la responsabilité des États membres. "L'année 2015 c'est un peu une espèce de 'crash test' grandeur nature, et j'espère que l'Union européenne saisira cette occasion pour repartir plus forte dans ces domaines. En tout cas, quand je vois les propositions faites par la Commission européenne, cela m'inspire beaucoup de confiance et beaucoup d'espoir".
Participation accrue de Frontex dans les rapatriements
Parmi les missions de Frontex à l'avenir, l'agence devra participer de manière plus soutenue aux rapatriements des candidats réfugiés déboutés.
"La Commission européenne a prévu cela dans le budget de Frontex. En 2016, nous avons plusieurs dizaines de millions d'euros supplémentaires pour faire de la politique de rapatriement. (...) La responsabilité [du rapatriement, ndlr], elle appartient aux États membres et l'agence Frontex apporte un soutien opérationnel. Si une personne demande l'asile, sa demande est examinée et Frontex n'a plus rien avoir avec ça. Si une personne ne demande pas l'asile et qu'elle est dans une situation irrégulière, elle peut faire l'objet d'une décision de rapatriement, mais c'est une décision nationale. Frontex ne peut pas prendre de décision en ce domaine. Ce sont les États membres qui décident et ensuite, Frontex aide les États membres à exécuter cette décision".
La Belgique de son côté compte participer à l'effort. Le secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration Theo Francken (NV-A), a récemment proposé l'appui d'un avion de la flotte militaire belge pour le transport des personnes qu'il faudrait rapatrier.