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“Épingler et relâcher” : Programme terroriste occidental (NEO)

par Tony Cartalucci 20 Avril 2016, 09:10 Terrorisme France Belgique Occident USA Syrie Instrumentalisation OTAN

“Épingler et relâcher” : Programme terroriste occidental  (NEO)
“Épingler et relâcher” : Programme terroriste occidental 
Par Tony Cartalucci
New Eastern Outlook

Article original en anglais : The West’s Terrorist “Catch and Release” Program, 13 avril 2016

Traduit de l’anglais par Dominique Arias pour Mondialisation.ca

Tony Cartalucci est un analyste géopolitique, chercheur et auteur basé à Bangkok, qui écrit principalement pour le magazine online “New Eastern Outlook”.
 
brussels-belgium-europe

Pratiquement tous les suspects liés aux récents attentats de Bruxelles et Paris avaient antérieurement été placés sous surveillance, arrêtés, placés en garde à vue – soit par les services de police européens, soit par ceux de leurs alliés – puis inexplicablement relâchés et autorisés à poursuivre leurs activités terroristes aussi bien à Paris qu’à Bruxelles. Et c’est si incontestablement flagrant que même les médias occidentaux le reconnaissent, se contentant d’éluder dédaigneusement les implications évidentes et bien plus profondes qui en découlent, en plaidant l’incompétence systémique des services de police.

D’après le Wall Street Journal, “l’homme au chapeau”, alias Mohamed Abrini, arrêté récemment, avait lui-aussi été suspecté d’activités terroristes et arrêté dans ce cadre – en plein inventaire de cibles potentielles au Royaume-Uni – mais avait finalement été inexplicablement relâché ainsi que ses complices. Son frère était parti en Syrie combattre aux côtés du prétendu « Etat islamique », et s’y était d’ailleurs fait tuer. Il semble en outre qu’Abrini lui-même avait aussi fait un séjour en Syrie.

L’article du Wall Street Journal (Brussels Suspect Mohamed Abrini: What We Know) explique : « Après l’Angleterre, Abrini s’était rendu à Paris, puis à Bruxelles, où il avait été arrêté, puis relâché – ce que confirment deux témoignages. Selon ces témoins, les autorités belges auraient alors transmis aux Britanniques les informations concernant son voyage en Angleterre, notamment les images découvertes sur son I-Phone ».

« Epinglé puis relâché » à la veille de perpétrer une série d’attentats sanglants à travers l’Europe, le cas de M Abrini n’est manifestement que le dernier en date.

 Aéroport de Bruxelles après les attaques terroristes

Epingler et relâcher : programme occidental pour Daech

La plus grande agence de presse d’Allemagne, la Deutsche Presse-Agentur, soulignait dans son article (Reports: Brothers known to police were among Brussels suicide bombers) que « selon les médias locaux, deux frères habitant Bruxelles et connus des services de police, comptaient parmi les terroristes qui ont perpétré les attentats à la bombe dans l’aéroport international et le métro de la capitale belge ».

Selon Belga news, Khalid El Bakraoui « avait été condamné, début 2011, à cinq ans de prison ferme pour attaque de véhicules, après avoir été arrêté en possession de fusils d’assaut Kalashnikov au cours d’un hold-up ».

Dans le New York Times, on apprend au sujet d’un autre suspect lié aux attentats, Brahim El Bakraoui, et de son arrestation et extradition hors de Turquie, que : « la justice belge et le ministère de l’intérieur de ce pays reconnaissaient que leurs départements respectifs auraient dû tenir compte de la mise en garde des services turcs concernant un criminel belge sous mandat d’arrestation, brièvement arrêté en Turquie l’année dernière et soupçonné d’activités terroristes, lequel devait plus tard s’avérer être l’un des membres du commando suicide. Le barreau belge ajoute que le frère de cet individu – lui aussi membre du commando suicide – était recherché depuis décembre dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Paris ».

Ce sont donc bien quatre suspects qui étaient connus des services de renseignement européens recherchés pour crimes d’agression et/ou terrorisme, chacun d’entre eux ayant été arrêté et momentanément détenu avant les attentats.

 

Le suspect des attaques terroristes à l’aéroport de Bruxelles : l’homme au chapeau. Chacun de ces hommes étaient déjà sous haute surveillance par les agences de sécurité occidentales (crimes et terrorisme)

Dans les pêcheries, partout dans le monde, l’idée « d’attraper et relâcher » permet aux plaisanciers de jouir à la fois du plaisir de la pêche et de l’assurance que la quantité et la bonne santé des populations de poissons sera ainsi préservée. Manifestement, le concept serait sensiblement identique pour les services de sécurité et de renseignement occidentaux – ce qui leur permet de préserver l’illusion d’authentiques opérations antiterroristes, tout en maintenant le vivier planétaire des organisations terroristes à un niveau constant, en bonne santé comme en nombre. Quant à savoir dans quel but l’Occident permettrait à des terroristes de perpétrer des attentats sanglants contre des cibles occidentales, la réponse est simple : cela permet de justifier à la fois le renforcement en Occident de l’appareil répressif et sécuritaire [ou contre-insurrectionnel], et la conduite à l’étranger de guerres perpétuelles extrêmement lucratives.

Mais de l’aveu même de leurs instigateurs, la création et la pérennisation d’organisations terroristes comme Al-Qaïda ou Daech par les Occidentaux et leurs alliés a aussi un autre objectif. Il a été reconnu depuis [par Zbigniew Brzezinsky notamment] que la création d’Al-Qaïda dans les années 1980, avait pour but de pouvoir mener une « proxy-war » [guerre par procurationguerre indirecte, par l’intermédiaire de forces mercenaires locales] contre l’Union soviétique en Afghanistan. En 2011, les USA et leurs alliés de l’OTAN et du Golfe persique ont aussi fait appel à des terroristes liés à Al-Qaïda en Libye puis en Syrie dans le but de renverser les gouvernements respectifs de ces deux pays. Et aujourd’hui, Daech [l’EI, dernier avatar d’Al-Qaïda] sert à la fois d’armée mercenaire pour mener une guerre pleine et entière contre les gouvernements de Syrie et d’Irak, et une guerre indirecte contre l’Iran et la Russie. Mais dans le même temps, la menace de Daech permet de durcir l’appareil coercitif de n’importe quel pays, dans le monde entier [Côte d’Ivoire, Inde, Thaïlande, dernières menaces en date contre le Brésil].

Dans le Sud-Est asiatique, les impasses politiques – qui tournent généralement autour de la perte d’influence des USA dans la région – sont subitement devenues secondaires face à la soudaine émergence (assez inexplicable autrement) de l’Etat Islamique. L’Indonésie, par exemple, venait de signer avec la Chine un important contrat ferroviaire et visait aussi divers accords de partenariat économiques et militaires, lorsque sa capitale, Jakarta, a subit son premier attentat revendiqué par Daech. La Thaïlande avait pour sa part été mise en garde par les USA sur l’imminence d’attentats de Daech au moment où Bangkok engageait des démarches contre les organisations politiques de Thaksin Shinawatra, soutenues indirectement par les USA. Bangkok avait en outre manifesté une certaine réticence à signer le très impopulaire accord de libre-échange Trans-Pacific Partnership (TPP).

Bangkok avait d’ailleurs déjà été la cible d’attentats terroristes l’année dernière, après avoir extradé à la demande des autorités judiciaires chinoises des individus suspectés d’activités terroristes, en dépit d’insistantes protestations US. Quelques mois plus tard, des groupes liés au réseau paramilitaire turc des Loups Gris, notoirement lié à l’OTAN, perpétraient dans le centre de Bangkok un sanglant attentat à la bombe.

Daech et ses divers équivalents ou avatars annexes, comme les Loups Gris de l’OTAN, remplissent diverses fonctions au service des intérêts occidentaux. Ils servent de prétexte à l’invasion et à l’occupation d’autres nations, ils servent d’armée mercenaire (proxy) pour mener sur le terrain des guerres contre leurs ennemis, et ils sont le meilleur moyen d’institutionnaliser la peur et l’obéissance au sein même des nations occidentales par le biais d’un Etat policier de plus en plus omniprésent. Difficile d’imaginer l’Occident capable de maintenir ce type de politique intérieure et extérieure sans le prétexte de Daech. Cette menace est désormais partie intégrante de la stratégie géopolitique occidentale.

Une confession signée vous convaincrait-elle ?

Nombre d’entre nous sont prompts à écarter d’office la capacité de certaines institutions occidentales (ou groupes d’intérêts particuliers) à recourir à des terroristes et au terrorisme, tant en termes de projection de puissance géopolitique à l’étranger, qu’en termes de stratégie contre-insurrectionnelle chez nous. Et cela en dépit de la reconnaissance par les responsables occidentaux de leur propre rôle dans la création et l’utilisation d’Al-Qaïda en Afghanistan dans les années 1980, et de l’existence attestée de documents datés et signés, comme le rapport « Which Path to Persia » [Quel chemin vers la Perse ?] de la Brookings Institution (2009). Ce document défendait ouvertement le recours à une organisation reconnue comme terroriste par l’ONU, Mujahedin-e Khalq (MEK), pour lancer une campagne de violence contre la population iranienne et son gouvernement. Rappelons que l’organisation MEK a été notamment reconnue responsable de l’assassinat de civils et de militaires américains, ainsi que d’une campagne terroriste menée contre des cibles civiles et politiques en Iran. En fait, Brookings [think-tank US proche de la Maison Blanche] reconnait explicitement tout cela mais n’en préconise pas moins le recours à cette organisation pour mener à bien les objectifs de la politique extérieure US dans la région. Or, si Mujahedin-e Khalq est un candidat légitime au soutien des Occidentaux, pourquoi pas Daech ?

Bien au-delà d’une simple spéculation, dans un rapport de 2012, la DIA (Defense Intelligence Agency [les services de renseignements du ministère de la Défense US]) atteste explicitement que la création d’une principauté (Etat) salafiste (islamique) dans l’Est syrien – précisément là où l’Etat Islamique (EI, alias Daech) est désormais installé – était clairement un objectif des USA et de leurs alliés.

Textuellement : « Si la situation se démêle, reste la possibilité d’établir une principauté salafiste [sunnite], déclarée ou non, dans l’Est syrien [Hasaka et Deir ez-Zor], et c’est exactement ce que souhaitent les puissances qui soutiennent l’opposition, de manière à isoler le régime syrien, considéré comme le cœur stratégique de l’expansion chiite [Iran, Irak] ».

Le document de la DIA énumère ensuite nommément les principaux soutiens de cette « principauté salafiste » et ses principaux adversaires : « L’Occident, les pays du Golfe et la Turquie soutiennent l’opposition ; tandis que la Russie, la Chine et l’Iran soutiennent le régime ».

Et tant qu’à faire, il ne reste littéralement plus au Pentagone qu’à déclassifier par exemple les bulletins de pays des leaders de Daech ou les documents logistiques concernant les opérations de ravitaillement de Daech en armes et munitions à travers la frontière syro-turque. Mais même la publication de tels documents ne suffirait probablement pas à convaincre certains Occidentaux que les intérêts particuliers représentés par leurs propres dirigeants sont effectivement complices non seulement de la création de Daech, mais d’avoir prémédité et favorisé le chaos lié à son expansion dans nos pays non moins qu’ailleurs, quand ils en avaient besoin, où qu’ils en aient besoin.

Le fait que littéralement chaque suspect des attentats de Paris et Bruxelles ait été connu des services police et de renseignements de ces pays, et dans de nombreux cas détenus par ces services, et qu’ils aient néanmoins été relâchés et se soient vu offrir sur un plateau la possibilité de mener à bien leurs attentats, prouve bel et bien que les grandes puissances occidentales, tout en s’offrant le luxe de mener leur croisade contre le terrorisme, en bons gestionnaires, veillent aussi à préserver la population et la bonne santé de leurs précieux viviers.

 Tony Cartalucci

 

 

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