
Le 10 novembre 1987 meurt Seyni Kountché, militaire nigérien parvenu au pouvoir en 1974 et qui a dirigé le pays d'une main de fer. Sa mort est synonyme de retour à la vie constitutionnelle. En 1989 est ainsi proclamée la IIe République du Niger.
Ce premier processus de décrispation est rapidement rattrapé par la grande vague de La Baule de 1990 : Mitterrand déclare que l'aide internationale de la France serait assujettie à la démocratisation des régimes africains. Commence dès 1990 une « marche forcée vers un processus démocratique », selon les termes d'un diplomate spécialiste du Niger.
A la fièvre politico-sociale et aux violences de 1990 succède, en 1991, la Conférence nationale souveraine (CNS). Ces états généraux africains doivent garantir la transition politique. La CNS se tient à Niamey du 29 juillet au 3 novembre 1991 : elle abroge la IIe République et redessine les pouvoirs politiques et institutionnels. Les doléances des différents représentants sont compilées dans le « cahier des charges » qui constitue la feuille de route de la CNS, mais que la vox populi rebaptise aussitôt « cahier des surcharges ». En effet, certains aspects se révèlent très délicats à réaliser dans le cadre de la crise économique : refus des programmes d'ajustement structurel, interdiction de réduire le nombre de fonctionnaires et de réduire les salaires.
Transition sur fond de rébellion touareg
Dans ces conditions, le Niger s'engage en 1992 dans une périlleuse année de transition. Son issue est, malgré tout, consacrée à une série de scrutins électoraux qui respectent le calendrier et les principes de la transition : un référendum constitutionnel (26 décembre 1992), des élections législatives (14 février 1993) et présidentielle (27 février et 27 mars 1993).
Pour Michel Lunven, ambassadeur de France à Niamey de 1988 à 1993, la priorité réside dans le respect du processus de transition et la tenue des élections. Il considère qu'au lendemain de la mort de Kountché, la marche vers la démocratisation constitue la principale feuille de route politique du Niger, elle doit primer sur toute autre considération ou problème. L'ambassadeur est conscient de la difficulté autant que de l'importance de ce processus : aussi y engage-t‑il toute son énergie.
Cette attitude est d'autant plus à souligner que Lunven, ancien de la Coopération, a été de 1986 à 1988 collaborateur de Jacques Foccart pour les affaires africaines à Matignon auprès de Chirac. Aussi, qu'elle n'est pas la surprise de l'ambassadeur lorsque en 1992, en plein processus de transition, l'armée nigérienne informe l'attaché de la défense près l'ambassade de France que le feu a été ouvert sur un avion Transall de la DGSE dans le désert du Ténéré, au nord du pays. Que faisait cet avion des services secrets français en pays touareg, à l'insu de l'ambassade ?
Depuis 1990, dans les plis de la transition, émerge la question touareg qui constitue aux yeux de la DGSE la priorité politique du Niger. Après quelques premiers signes de tension et de troubles, la crise éclate réellement le 7 mai 1990 avec l'attaque du poste de Tchin-Tabaraden par des rebelles touareg. L'armée nigérienne réplique par une répression brutale sur l'ensemble de la population touareg : exécutions sommaires, arrestations arbitraires, tortures et exactions de toutes formes s'abattent sur les populations du Nord.
Au lendemain de cette répression, la presse française dénonce les abus et les crimes de l'armée nigérienne. L'affaire touareg se développe désormais sur un nouveau front : les médias et l'opinion internationale, en premier lieu française.
En 1990, Danielle Mitterrand, l'épouse du président français, se rend au Niger au titre de sa fondation France Libertés. La même année, Bernard Kouchner le célèbre french doctor devenu secrétaire d'Etat à l'action humanitaire et partisan affiché du « devoir d'ingérence », se penche sur le dossier touareg. A cela, il convient d'ajouter qu'en 1991, loin de régler ou d'apaiser la situation, la CNS aggrave le problème touareg.
Dans sa recherche de compromis, la CNS ne parvient pas à tracer les grandes lignes d'une réconciliation nationale. Sans doute pour ménager une armée politiquement affaiblie et en partie méfiante envers la transition, la CNS ne prend aucune mesure de sanction ni aucune punition à l'encontre des responsables de la répression brutale dans le Nord, à la seule exception du capitaine Maliki...