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En Australie, une centrale exploitée par Engie confronte les habitants à un cruel dilemme : la pollution ou le chômage Par Olivier Petitjean Bastamag
En Australie, la multinationale française Engie possède une centrale électrique au charbon, Hazelwood, qui figure parmi les plus polluantes du monde. Il y a deux ans, la mine qui l’alimente a subi un immense incendie, qui a ouvert les yeux des habitants sur les risques environnementaux et sanitaires importants que ces activités industrielles font peser. Mais la peur d’une fermeture abrupte de la mine et de la centrale, dans une région économiquement sinistrée, reste forte. Après des années à subir des conséquences de l’exploitation du charbon, les travailleurs et les riverains vont-ils se retrouver une nouvelle fois victimes, cette fois de la transition pour sortir des énergies fossiles ?
« C’était abominable », se souvient une habitante. Il y a deux ans, un gigantesque incendie a ravagé pendant 45 jours la mine à ciel ouvert Hazelwood, dans l’État de Victoria en Australie. Un événement marquant dans l’histoire du site et de la centrale électrique adjacente, toutes deux propriétés du groupe énergétique français Engie (ex-GDF Suez). Cette centrale au lignite, la forme la plus « sale » du charbon, figure parmi les plus polluantes de monde. Et beaucoup s’accordent à dire que le sous-investissement imposé à Hazelwood par sa société mère est responsable de l’énorme incendie de la mine.
Les dernières braises ont été éteintes en mai 2014. Les dégâts se chiffrent en dizaines de millions de dollars. La petite ville voisine de Morwell, à 150 kilomètres de Melbourne, a été plongée dans la fumée, mais plusieurs semaines se sont écoulées avant que les autorités n’encouragent les habitants à partir. Les gens se sont plaints de difficultés respiratoires, de maux de tête, de problèmes de peau. « Les taxis refusaient de venir à Morwell », se souvient Wendy Farmer, habitante de Morwell qui a fondé le groupe « Voices of the Valley » suite à l’incendie de la mine. « La plupart des enfants ont été évacués, mais de nombreuses personnes âgées ont refusé de partir. Elles mettaient des serviettes humides autour de leurs portes et de leurs fenêtres pour empêcher la fumée d’entrer. »
Chacun à son histoire à raconter : « D’abord, ce sont les petits animaux qui ont commencé à mourir, puis les gros. Mes voisins, une famille avec des enfants en bas âge, ont abandonné leur maison et ne sont toujours pas revenus un an après : les enfants ont trop peur à cause de leur chat et de leur chien qui sont morts. » « La cendre était partout : mon ordinateur a cessé de fonctionner, je l’ai ouvert pour regarder dedans, il en était plein. » Presque tous dénoncent la lenteur de la réaction, les problèmes de coordination et l’absence de communication des dirigeants locaux d’Engie et des autorités de l’État de Victoria. Pendant que la mine brûlait, la centrale continuait à opérer.
Un incendie aux conséquences minimisées
Une fois l’incendie maîtrisé, les autorités s’empressent d’en minimiser les conséquences, alors même que des taux extrêmement élevés de particules fines et de monoxyde d’azote sont mesurés dans l’air. Une responsable des services de santé de l’État va même jusqu’à dire que son avis personnel est que le feu a eu un bilan globalement positif sur la mortalité dans la zone — une affirmation démentie par les études partielles réalisées depuis ! Engie estime pour sa part qu’il n’y a pas de preuve que l’incendie ait entraîné une surmortalité dans la région.
« Ils nous ont dit que l’exposition aux fumées et aux particules fines ne poserait pas de problèmes de santé, mais ils nous ont quand même donné de l’argent. Pendant quelques semaines, il y avait foule chez les marchands d’alcool de Morwell, à cause de tout cet argent liquide distribué. » En termes de compensation concrète, les mesures sont dérisoires : le conseil municipal distribue à tous les habitants un seau, un masque et des gants pour nettoyer leur maison, avec un bon d’achat pour le pressing et un autre pour le lavage de leur voiture...