Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le mince héritage politique de Barack Obama, fait de réalisations incomplètes et de guerres provoquées : Que s’est-il passé ? (Mondialisation.ca)

par Rodrigue Tremblay 8 Juin 2016, 08:59 Obama USA Politique etrangere Neoconservateur Impérialisme

« Le mal que font les hommes vit après eux. »

William Shakespeare (1564-1616), dans la pièce “Jules César”

« La Constitution [étasunienne] postule, ce que l’histoire de tous les gouvernements démontre bien, à savoir que le pouvoir exécutif est la branche la plus intéressée à se lancer en guerre et la plus disposée à le faire. C’est pourquoi, conséquemment, elle stipule clairement que la décision d’aller en guerre ou non relève de l’Assemblée législative …

— Aucun pays ne peut préserver sa liberté dans un contexte de guerres continuelles. »

James Madison (1751-1836), lettre à Thomas Jefferson, 1798, (reprise dans « Observations politiques », 1795)

« … La guerre est parfois nécessaire, mais la guerre à une certaine échelle est une expression de la folie humaine. »

Barack H. Obama (1961-), Prix Nobel de la paix, discours d’acceptation, décembre 2009

« En tant que puissance nucléaire, et en tant que seule puissance nucléaire à avoir utilisé l’arme nucléaire, les États-Unis ont une responsabilité morale d’agir … aujourd’hui, je prends solennellement et avec conviction l’engagement que les États-Unis rechercheront la paix et la sécurité dans un monde sans armes nucléaires. »

Barack H. Obama (1961- ), discours prononcé à Prague, République tchèque, le 5 avril 2009, [N.B. : Le 27 mai 2016, le Président Obama a répété essentiellement le même engagement au ‘Peace Memorial Park’ d’Hiroshima, au Japon, souhaitant un « monde sans armes nucléaires »]

« En tant que commandant en chef, je n’ai guère hésité à employer la force, quand c’était nécessaire. J’ai ordonné que des dizaines de milliers de jeunes Américains aillent au combat …

J’ai ordonné des interventions militaires dans sept pays. », [L’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie, le Pakistan, le Yémen et la Somalie]

Barack H. Obama (1961- ), discours à l’American University, le 5 août 2015

Depuis que les néoconservateurs ont pris le contrôle effectif de la politique étrangère étasunienne, suite à l’effondrement de l’empire soviétique en 1991 et à la fin de la Guerre froide, rejetant ainsi le « dividende de paix » que plusieurs avaient logiquement espéré, avec la réduction des dépenses militaires, l’intention dominante à Washington D.C. a été d’imposer un Nouvel Ordre Mondial hégémonique sous égide étasunien et cela, principalement, en recourant à la force militaire.

Une succession de gouvernements étasuniens, dirigés tant par des démocrates que par des républicains, se sont employés à poursuivre la même politique d’hégémonie mondiale en lançant une série de guerres d’agression unilatérales, directes ou indirectes, à travers le monde, en violation du droit international. Cela explique pourquoi les États-Unis ont plus de 1400 bases militaires à l’étranger, dans plus de 120 pays, et pourquoi ils accroissent sans cesse le nombre de ces installations.

Tout d’abord, il y a eu la guerre du Golfe de 1990-1991, lorsque le régime irakien de Saddam Hussein est tombé dans un piège, pensant qu’il avait l’accord tacite de Washington de procéder à l’intégration du petit état du Koweït, un territoire qui a fait partie de l’Irak tout au long du XIXe siècle, jusqu’à la Première Guerre mondiale. Ensuite, ce furent les interventions militaires étasuniennes, sous le couvert de l’OTAN, dans les conflits ethniques de la Yougoslavie, en 1998-1999, afin de saper l’influence russe dans cette région. Ensuite, survint cette attaque du 11 septembre 2001, rappelant celle de Pearl Harbor en 1941. Certains hauts dirigeants étasuniens avaient implicitement souhaité une telle attaque, un an auparavant. Le 9/11 fut une sorte d’événement « divin » pour implanter le nouvel ordre mondial, car il justifiait à lui seul d’énormes augmentations du budget militaire étasunien, en plus de servir de justification pour lancer une guerre en Afghanistan, à compter de 2001, et pour aboutir finalement à la « guerre préventive » lancée par George W. Bush pour « libérer » l’Irak, en 2003.

Tout cela fut suivi d’une série d’opérations clandestines dans le but de déstabiliser et renverser des gouvernements nationaux, élus ou non, et d’imposer des changements de régime dans des pays indépendants, tels la Syrie, la Libye, l’Ukraine, le Honduras, Haïti, la Somalie … etc., comme cela a été fait dans d’autres pays auparavant.

L’élection du sénateur Barack Obama, en 2008, promettait de mettre un terme à ces ingérences et à ces vendettas militaires étasuniennes dans le monde, la plupart d’entre elles entreprises à l’initiative de la Maison-Blanche, avec un minimum de participation du Congrès, contrairement à ce qui est stipulé dans la constitution des Etats-Unis. Ainsi, en octobre 2009, le président Obama reçut le Prix Nobel de la paix, doté d’une allocation d’environ 1,4 million $, pour sa promesse de créer un « nouveau climat » dans les relations internationales et pour celle de promouvoir le « désarmement nucléaire ». Il faut le dire. L’héritage politique que laisse le président américain derrière lui ne reflète nullement les espoirs que son élection et ses promesses de changement avaient fait naître. Au cours de ses deux mandats consécutifs, en effet, M. Obama n’a réglé aucun conflit, mais il en a allumé plusieurs autres.

Lors de son discours d’acceptation du Prix Nobel de la paix, le Président Obama, se référant à la théorie de la « guerre juste », plus ou moins discréditée pour les temps modernes, déclara que les guerres doivent être menées « en dernier recours ou en cas de légitime défense; et, si la force employée est proportionnelle; et si, chaque fois que possible, on épargnait les populations civiles. »

On notera, cependant, que Obama prit bien soin de reconnaître qu’il y avait des gens « bien plus dignes que moi de mériter cet honneur », ajoutant que ses propres « réalisations étaient minimes ». —En cela, il avait raison. Car le candidat Obama « anti guerre » n’a pas été à la hauteur des attentes élevées qu’on avait placées en lui, en 2008: Il n’a pas apporté la paix au monde; il n’a pas mis un terme aux guerres d’agression étasuniennes à travers le monde ; il n’a pas mis fin à la politique des États-Unis de renverser les gouvernements des autres pays indépendants qui ne leur plaisent pas ; et, il n’a pas fait avancer la cause du « désarmement nucléaire ». Sur ce dernier point, il a fait tout le contraire, comme nous le verrons plus loin.

Voilà pourquoi, après un double mandat à la Maison Blanche, la démonstration peut être faite que l’héritage politique du président Barack Obama est très mince, voire même négatif net. Regardons les choses de plus près, en commençant par le côté positif de l’héritage du président Obama, et ensuite, faisons un relevé des défaillances graves de son administration.

• La Loi d’assurance santé de Obama: un pas timide dans la bonne direction vers la justice sociale

Avant d’identifier lacunes de l’administration Obama les plus criantes, il est juste de souligner un certain nombre de réalisations de son gouvernement, même si on peut déplorer que celles-ci ont été peu nombreuses et espacées dans le temps. En affaires intérieures, par exemple, le président Obama a réussi à faire adopter une Loi sur la protection des patients et des soins abordables, connue sous le vocable de « Obamacare », laquelle fut adoptée par le Congrès étasunien, en 2010. Cette loi étendit la couverture d’assurance santé à près de quelque 20 millions d’Étasuniens qui ne pouvaient pas profiter des soins de santé assurés par les employeurs. Un projet semblable, piloté par Mme Hillary Clinton en 1993, avait échoué.

L’Obamacare était la copie conforme d’un programme semblable mis de l’avant par le gouverneur républicain Mitt Romney dans l’état du Massachusetts, en 2006, en collaboration avec des compagnies d’assurance privées. L’objectif initial était d’adopter un programme public et universel d’accès aux soins de santé, selon le modèle du programme de sécurité sociale appelé ‘Medicare‘, lequel fut adopté en 1965, pour les personnes de plus de 65 ans. Cependant, l’opposition systématique des membres du Congrès rendit cette option impraticable. On estime qu’un peu plus de 30 millions d’Étasuniens demeurent privés de l’accès à une assurance maladie complète. Néanmoins, on peut dire que le programme de l’Obamacare, même si il était incomplet, fut un pas dans la bonne direction.

Il faut dire que l’appui à un système public et universel d’accès aux soins de santé se maintient aux États-Unis. De nombreux médecins étasuniens sont, en effet, favorables à l’implantation d’un système de santé à payeur unique. En mai dernier, par exemple, un groupe impressionnant de 2231 médecins étasuniens se sont prononcés publiquement en faveur de l’adoption d’un tel système pour couvrir tous les Étasuniens en matière d’accès aux soins de santé. Dans la présente course à la présidence, le seul candidat qui propose un système de santé à payeur unique universel est le sénateur démocrate Bernie Sanders.

• Le président Obama a parfois su tenir tête aux pressions guerrières

En matières de politique étrangère, le président Obama a posé quelques gestes pour se distancer de son prédécesseur George W. Bush, entre autres, en résistant aux pressions qui s’exerçaient sur lui pour accroître l’implication étasunienne dans un certain nombre de conflits militaires. À titre d’exemple, en 2012-2013, les gouvernements d’Israël, de la Turquie et de l’Arabie saoudite, désireux de provoquer le renversement du gouvernement syrien de Bashar al-Assad, avaient ourdi un plan sous « faux pavillon » pour faire porter le blâme au gouvernement Assad d’utiliser des armes chimiques contre la population. Le but était de forcer la main au président étasunien d’intervenir directement dans le conflit syrien. Un tel stratagème avait fonctionné, en 1986, quand le président Reagan s’était laissé persuader de bombarder la Libye.

À son crédit, le président Obama ne tomba pas dans le piège, et il résista aux pressions « intenses » des néocons étasuniens, et en particulier il sut résister à celles qu’exerçait la secrétaire d’État Hillary Clinton dans son propre gouvernement, en faveur d’une intervention militaire directe des Etats-Unis en Syrie. Il accepta plutôt une proposition russe pour évacuer les armes chimiques de la Syrie, évitant ainsi la mort de milliers de personnes.

• L’accord de 2015 avec l’Iran a été une victoire de la diplomatie sur la guerre

Le président Obama a aussi subi des pressions néoconservatrices pour d’autres interventions militaires. En effet, le gouvernement israélien incita fortement le président étasunien à lancer une attaque militaire contre l’Iran, un pays de 80 millions de personnes. Le prétexte avancé cette fois-ci était que l’Iran menaçait le monopole nucléaire d’Israël au Moyen Orient avec son programme nucléaire.

Même si le gouvernement iranien affirmait que son programme nucléaire visait à produire de l’énergie et était essentiellement pacifique, de nombreuses pressions s’exerçaient quand même sur le président Obama pour que les États-Unis attaquent l’Iran de manière « préventive » afin de détruire ses installations nucléaires. À son crédit, le président Barack Obama résista aux pressions de se lancer dans une guerre d’agression illégale, semblable à celle que George W. Bush lança contre l’Irak, en 2003.

Le président Obama s’en remis plutôt à la diplomatie, et le 14 juillet 2015, un contingent de six pays (Chine, France, Allemagne, Russie, Royaume-Uni et États-Unis) conclut un accord avec l’Iran, lequel accord éliminait toute possibilité que l’Iran développe des armes nucléaires dans un avenir prévisible. Là encore, on évita une guerre inutile et on épargna des milliers de vies.

• Fin du boycottage de plus d’un demi siècle de Cuba par les États-Unis

Le président Barack Obama a aussi le mérite d’avoir accepté la médiation du Pape François, en 2014, afin de mettre un terme aux hostilités latentes depuis plus de 50 ans entre le gouvernement étasunien et celui de Cuba, deux pays voisins. En effet, le Pape avait fait appel à la bonne volonté des présidents Barack Obama et Raul Castro pour lancer des négociations secrètes entre les responsables des deux pays.

Comme de fait, le président étasunien et le président cubain annoncèrent, le 17 décembre 2014, qu’ils entendaient normaliser les relations diplomatiques entre les deux pays. Quelques mois plus tard, soit le 11 avril 2015, le président Obama et le président cubain Castro se sont rencontrés à Panama pour finaliser la nouvelle réalité et se sont déclarés prêts à « tourner la page et à développer de nouveaux rapports entre nos deux pays », selon les termes employés par M. Obama.

Depuis lors, les deux gouvernements ont rouvert leurs ambassades dans leurs pays respectifs et ont normalisés leurs relations. Le président Obama s’est même rendu à Cuba en mars dernier.

Par conséquent, il est juste de dire que le président Obama a le mérite d’avoir mis fin à un triste chapitre de l’histoire du 20e siècle, eu égard à la politique étrangère étasunienne, d’autant plus que le gouvernement étasunien entretenait déjà des relations diplomatiques complètes avec des pays tels que la Chine et le Vietnam, deux pays avec des régimes communistes dits totalitaires.

Cependant, la liste des réalisations du gouvernement Obama n’est pas très longue. Malheureusement, la liste des promesses trahies et des espoirs déçus est beaucoup plus longue.

• Le président Obama a accru les pouvoirs de la Maison-Blanche de lancer des guerres impériales illimitées

Comme la citation de James Madison ci-haut l’indique bien, les Pères fondateurs étasuniens étaient bien conscients du danger de donner à un roi ou à un dictateur le droit de lancer le pays en guerre, de son propre chef. Ils craignaient que cela ne soit source importante de tyrannie et d’oppression.

Le président George W. Bush, au pouvoir de 2001 à 2009, a effectivement agi d’une manière que les pères fondateurs des États-Unis auraient fortement désapprouvée, car il fit tout en son possible pour s’approprier le droit personnel de décider quand son pays entrerait ou non en guerre, ne consultant le Congrès étasunien seulement une fois la décision déjà prise et seulement pour la formalité.

On aurait pu penser que Barack Obama, président nouvellement élu, dans un esprit démocratique, aurait tenté d’inverser ce mouvement dangereux vers la transformation de la présidence étasunienne en un centre initiateur de guerres étrangères. Malheureusement, le président Barack Obama a fait l’inverse, en accroissant plutôt qu’en réduisant les pouvoirs discrétionnaires du président des États-Unis de mener des guerres.

En effet, Barack Obama, détenteur du Prix Nobel de la paix, ne perdit guère de temps pour argumenter qu’il avait, en tant que président des États-Unis, l’autorité de bombarder n’importe qui, n’importe quand, sans l’approbation du Congrès étasunien. Il prétendit que les ‘autorisations précédentes du Congrès d’utiliser la force’ demeuraient en vigueur indéfiniment. En effet, le président Obama prétendit, tout comme le président George W. Bush l’avait fait avant lui, que ‘l’autorisation d’utiliser la force militaire’ pour combattre le terrorisme, adoptée par le Congrès étasunien après le 11 septembre 2001, et celle adoptée en 2002 pour attaquer l’Irak, ne comportaient aucune date d’expiration et qu’elles autorisaient le président des États-Unis à agir comme un empereur ou un roi, et d’utiliser la force militaire de son pays de son propre gré.

On ne parle pas ici d’une question triviale. C’est en fait une question très grave, parce que si cette théorie devait être confirmée et devenait ancrée dans la pratique, sans un amendement constitutionnel formel, ce précédent signifierait que la Constitution des États-Unis a de facto été mise au rancart et les États-Unis sont devenus moins une république démocratique et davantage un empire autocratique. [Cela tendrait à confirmer le titre de mon livre « Le Nouvel Empire américain »]

Qui plus est, le président Obama s’est servi de sa théorie des pouvoirs présidentiels de faire la guerre. En effet, il a lancé huit fois plus de frappes militaires dans d’autres pays à l’aide de drones que le président George W. Bush avant lui ; et, il s’est même vanté qu’il avait « ordonné des actions militaires contre sept pays ». Ce n’est certes pas un héritage dont il peut être fier.

• La destruction des pays indépendants que sont l’Iraq, la Libye et la Syrie, et le chaos au Moyen-Orient

Si on considère les actions étasuniennes au Moyen-Orient, le président Barak Obama n’a pas rompu sensiblement avec la politique impériale néoconservatrice du gouvernement de George W. Bush et de Dick Cheney.

On prétend parfois que la décision du président Obama de retirer les troupes étasuniennes de l’Irak, en 2011, a marqué une rupture avec l’administration précédente. En fait, l’administration Bush-Cheney avait déjà décidé d’un tel retrait en 2008, lorsque le gouvernement irakien refusa d’accorder l’immunité juridique aux troupes américaines dans ce pays.

Avec le retrait des troupes étasuniennes de l’Irak, en 2011, l’administration Obama a tout simplement mis en œuvre un accord à cet effet conclu entre les deux pays, et signé en 2008. Selon cet accord, les troupes de combat étasuniens devaient être hors de l’Irak avant le 31 décembre 2011.

Par conséquent, nonobstant une ou deux exceptions déjà mentionnées (l’Accord avec l’Iran et la normalisation des relations avec Cuba), le président Obama n’a pas vraiment rompu avec les théories néoconservatrices de recourir aux moyens militaires, pour faire face à des problèmes, soit au Moyen-Orient, soit ailleurs.

En fait, si l’on peut dire que le président George W. Bush a détruit le pays de l’’Irak, le président Barack Obama quant à lui, avec ses politiques et ses initiatives, la plupart du temps sans l’autorisation du Congrès, a détruit deux autres pays au Moyen-Orient, à savoir la Libye et la Syrie. Il a aussi prolongé la mission militaire étasunienne en Afghanistan, et il a appuyé un allié embarrassant, l’Arabie Saoudite, quand ce dernier pays a entrepris de détruire le Yémen. Tôt ou tard, M. Barack Obama devra s’expliquer sur ces questions.

• Le président Obama a soutenu l’Arabie saoudite et d’autres pays Islamiques à répandre l’extrémisme Wahhabite dans le monde

En ce début du 21ème Siècle, le monde et tout particulièrement l’Europe sont confrontés à la menace de l’islamisme le plus virulent, soit l’extrémisme wahhabite, une idéologie théo-fasciste, promue par le Royaume d’Arabie saoudite et d’autres pays islamiques, et laquelle est, dans une large mesure, la source du terrorisme islamique mondial. Au lieu de dénoncer ce dangereux fléau, le président Obama s’en est facilement accommodé, allant même jusqu’à presque se prosterner devant les dirigeants de l’Arabie saoudite, lors de nombreux voyages dans ce pays.

Il n’y a aucun pays dans le monde qui viole plus ouvertement les droits humains que le Royaume d’Arabie saoudite. On pourrait penser que les États-Unis seraient à l’avant-garde pour dénoncer de telles violations. Les wahhabites, soit à partir de l’Arabie Saoudite ou d’autres pays islamiques, ont utilisé des centaines de milliards de pétrodollars pour construire des madrassas [écoles Islamiques] et d’énormes mosquées dans les pays occidentaux, y compris aux États-Unis, pour promouvoir leur idéologie corrosive. À titre d’exemple, l’administration Obama n’a soulevé aucune objection lorsque la plus grande mosquée aux États-Unis a été construite récemment, à Lanham, au Maryland. Il est intéressant de noter qu’en 2010, la Norvège a refusé la construction de mosquées dans ce pays avec de l’argent étranger.

• Le gouvernement Obama a étendu la politique néoconservatrice du chaos à l’Ukraine et à la Russie, et il a relancé la guerre froide avec la Russie, en encourageant l’expansion de l’OTAN

Pourquoi le gouvernement étasunien de Barack Obama a-t-il été si prompt à susciter une nouvelle guerre froide avec la Russie, avec sa politique d’expansion de l’OTAN ? On observe ici une autre contradiction entre ce que dit le président Obama, et ce qu’il fait. Pour un lauréat du prix Nobel de la paix, est-ce que l’encerclement militaire d’un pays et l’envoi de forces militaires à ses frontières sont des actes de paix ou des actes de guerre ? Pourquoi est-ce précisément la politique que M. Obama poursuit envers la Russie ? Pourquoi est-il disposé à risquer une confrontation nucléaire avec la Russie ? Cela défie toute logique.

Le seul élément de logique pour expliquer un tel bellicisme serait que c’est là une tentative du gouvernement étasunien de saboter toute coopération économique et politique entre la Russie et les pays européens, afin de maintenir l’Europe sous une sorte de protectorat étasunien.

Ce ne sont là que quelques unes des questions qui viennent à l’esprit. Il y en a d’autres. Pourquoi le président Obama se sent-il prisonnier du plan néoconservateur d’agression militaire ? Pourquoi a t-il choisi Ashton Carter en tant que Secrétaire de la Défense, alors que ce dernier est un belliciste notoire, en plus d’être l’ancien acheteur d’armes en chef du Pentagone, et qu’il s’est déjà prononcé en faveur d’une confrontation militaire avec la Russie ?

Ce sont là des questions cruciales auxquelles M. Obama se doit de répondre, et cela d’autant plus que la candidate démocrate à la présidentielle, Mme Hillary Clinton, a publiquement indiqué qu’elle intensifierait même les politiques du président Obama dans ce domaine, si elle était élue présidente étasunienne.

Il ne faut pas oublier qu’en février 2014, le gouvernement Obama s’est empressé de soutenir un coup d’état en Ukraine, afin de renverser le gouvernement élu de ce pays. Il a également armé les putschistes, et les a encouragés à commettre des atrocités contre la population ukrainienne d’origine russe. Une telle ingérence dans les affaires internes d’un autre pays fait partie du programme néoconservateur qui consiste à militariser l’Europe de l’Est, sous le couvert de l’OTAN.

• Le président Obama a personnellement contribué à la course à l’armement nucléaire et au risque d’une guerre nucléaire

Même si le président Barack Obama a pris l’engagement de travailler en faveur d’un monde sans armes nucléaires, dans un discours prononcé à Prague, le 5 avril 2009, se disant alors prêt « à rechercher la paix et la sécurité d’un monde sans armes nucléaires » et à « réduire le rôle des armes nucléaires armes dans notre stratégie de sécurité nationale », propos qu’il a répétés à Hiroshima, le vendredi 27 mai dernier, ses paroles n’ont été suivies d’aucun geste concret en ce sens. Au contraire, M. Obama s’est plutôt contenté de poursuivre le même programme étasunien de « modernisation nucléaire », lequel consiste à développer une nouvelle génération d’armes nucléaires, programme mis de l’avant sous l’administration précédente de George W. Bush.

En fait, le président Obama semble avoir fait sien le programme nucléaire de George W. Bush, au lieu de l’arrêter. Il a poursuivi le développement d’une nouvelle gamme d’armes nucléaires, afin de rendre leur utilisation plus acceptable (étant plus petites, plus précises, moins mortelles). En d’autres termes, M. Obama a préparé les États-Unis à se lancer dans l’avenir dans de « petites guerres nucléaires », comme si cela était possible sans déboucher sur une guerre nucléaire totale. C’est là un drôle d’« héritage » que laisse Barack Obama derrière lui !

Selon le New York Times, le gouvernement étasunien a testé au Nevada, en 2015, une nouvelle bombe nucléaire, le modèle B61 12. Il s’agit du premier de cinq nouveaux types d’ogives nucléaires prévus dans le cadre du programme étasunien de modernisation nucléaire, le tout à un coût évalué à 1 000 milliards$, programme qui s’étendra sur plus de trois décennies. Pour « un monde sans armes nucléaires », on en reparlera !

• À l’intérieur, les inégalités de revenues et de richesse, et la pauvreté, ont continué de croître sous l’administration de Barack Obama

Un sondage de la société Gallup, en date du 20 janvier 2014, révélait que les deux tiers des Étasuniens étaient insatisfaits de la manière dont les revenus et la richesse étaient répartis aux Etats-Unis. —Les gens sont donc vaguement conscients qu’il y a quelque chose qui cloche dans le fonctionnement du système économique. Ils ont le sentiment que l’économie évolue présentement contre les intérêts de la majorité et en faveur d’intérêts particuliers.

Une étude du Centre de recherche Pew, tirée à même des données gouvernementales, est venu confirmer que la classe moyenne américaine se rétrécissait, la proportion des ménages américains dans ce contingent tombant de 55 pour cent qu’elle était en 2000, à 51 pour cent en 2014. [N.B.: Une famille de classe moyenne américaine comprenant deux adultes et deux enfants, devait gagner un minimum de 48 083 $US, en 2014.]

La proportion des Étasuniens dont les revenus annuels sont inférieurs à ceux de la classe moyenne atteint maintenant 29 pour cent, alors qu’elle égalait 25 pour cent en 1971. Cela est en partie due à une immigration mexicaine massive, car les Latinos constituent aujourd’hui près de la moitié (49%) des adultes dont les revenus sont inférieurs à ceux de la classe moyenne. En contrepartie, le pourcentage d’Étasuniens dont les revenus dépassent ceux de la classe moyenne atteint désormais 21 pour cent de la population, alors que ce groupe représentait 14 pour cent de la population, en 1971. De telles transformations expliquent le mécontentement généralisé aux États-Unis.

Les candidats à la présidence Donald Trump et Bernie Sanders, des deux côtés du spectre électoral, expriment à leur façon cette profonde insatisfaction, laquelle se transforme parfois en colère, contre les politiques financières et fiscales du gouvernement étasunien des dernières trente années.

Ce sont les familles étasuniennes les plus riches qui ont le plus profité de ces transformations, non seulement pour des raisons économiques et technologiques, mais aussi fiscales. Les plus riches Étasuniens, en effet, ont vu leur taux moyen d’imposition tombé de 27 pour cent qu’il était en 1992 à 17 pour cent 2012, soit sous les trois gouvernements Clinton, Bush et Obama.

Il ne faut donc guère se surprendre qu’une situation où les pauvres s’appauvrissent et les riches s’enrichissent ait des conséquences politiques importantes. Ajouter à cela l’incapacité ou le refus du gouvernement de Barack Obama de remédier à la situation, et cela complète le tableau d’ensemble.

• Le gouvernement de Barack Obama a autorisé les grandes entreprises et les méga-banques à exporter les emplois et les profits à l’étranger

Une autre caractéristique majeure de notre époque est que les bénéfices des entreprises sont en hausse, tandis que les salaires stagnent, et que l’impôt sur les revenues des sociétés est en baisse.

En effet, on doit chercher un début de réponse aux nombreuses questions soulevées ci-dessus dans les politiques que le gouvernement de Barack Obama a mis de l’avant au cours des dernières années.

Dans un premier temps, l’administration de Barack Obama a parrainé deux gigantesques « accords commerciaux » internationaux. De tels méga-traités ‘commerciaux’ sont négociés en secret, loin des regards, parce qu’un de leurs objectifs est d’accorder aux entreprises et aux méga-banques une protection juridique et une certaine immunité contre des poursuites de la part de gouvernements nationaux démocratiquement élus. C’est le cas du Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership, ou TTIP), lequel met en cause un trentaine de pays, et l’accord de Partenariat Transpacifique pour le commerce et l’investissement (Trans-Pacific Partnership, ou TPP), lequel englobe une douzaine de pays, mais pas la Chine.

Ces accords ne sont pas seulement économiques. Ils sont aussi géopolitiques. Ils font partie de la tentative de construire un ordre économique et financier mondial au-dessus des états nationaux. Ils représentent également une façon de protéger les élites qui contrôlent les grandes entreprises et les méga-banques — l’establishment du 1% — des gouvernements nationaux. Dans le cas du TTIP entre les Etats-Unis et l’Europe, son objectif géopolitique est d’empêcher les pays européens de développer des accords commerciaux compréhensifs avec la Russie. Dans le cas du TTP entre les Etats-Unis et certains pays asiatiques, l’objectif est d’isoler la Chine. Aux yeux des planificateurs néo-conservateurs de Washington D.C., tout cela fait partie d’une sorte de guerre économique.

En deuxième lieu, on peut dire que le gouvernement Obama ne s’est pas pressé pour empêcher de riches Étasuniens, de grandes sociétés et des méga-banques d’utiliser les paradis fiscaux et les régimes dits « d’inversion industrielle » pour éviter de payer l’impôt.

• Le président Barack Obama s’est empressé de nommer de nombreux néocons à des postes élevés dans son gouvernement

Les observateurs furent surpris par les nominations que le président Obama annonça, au tout début de son mandat. Ainsi, un personnage néoconservateur notoire, Richard Perle, un ancien président du Bureau des politiques au Pentagone sous la présidence de George W. Bush, et un des principaux architectes de la guerre en Irak, exprima sa satisfaction en ces termes : « Je suis très heureux … Il n’y aura pas autant de changement qu’on nous avait laissés croire ».

À titre d’exemple, il conserva à son poste le Secrétaire à la défense de George W. Bush, soit M. Robert Gates. Il prit ensuite Rahm Emanuel, un membre du Congrès de la mouvance néoconservatrice, à titre de chef de cabinet. Et surtout, il confia l’important poste de Secrétaire d’État à Hilary Clinton. Le Weekly Standard, porte-étendard néoconservateur, applaudit cette dernière nomination, en qualifiant Mme Clinton de « Reine de la guerre » ["Warrior Queen"] !

Même le belliciste Dick Cheney se montra ravi, déclarant être « impressionné » par les nominations de Barack Obama. Un journaliste de la chaine MSNBC remarqua que Mme Clinton était une « neocon’s neocon », car elle avait appuyé toutes les interventions militaires entreprises par les Etats-Unis à l’étranger, au cours des vingt dernières années. —Le changement véritable allait devoir attendre.

• Malgré ses promesses, le président Obama n’a pas fait progresser d’un iota la solution du sempiternel conflit Israélo-Palestinien, lequel pourrit depuis 1948

En 2008, lorsqu’il était candidat présidentiel, Barack Obama s’était engagé à poursuivre activement un accord de paix entre Israël et les Palestiniens. Il avait, disait-il, une stratégie à deux volets :

1- restaurer l’image ternie des États-Unis dans le monde musulman et,

2- persuader le gouvernement israélien de stopper l’expansion illégale des colonies sur les terres palestiniennes.

Sur ces deux fronts, il a lamentablement échoué. Comme cela a été le cas avec d’autres promesses de M. Obama, on découvrit vite que des gestes concrets ne suivirent point la rhétorique et les platitudes du moment. Il évita de mettre sur pied un groupe de travail spécial pour mettre en œuvre la politique qu’il prétendait vouloir mettre de l’avant. Et surtout, il n’osa point retirer à Israël la protection des vetos étasuniens à l’ONU, ces derniers servant de couverture au gouvernement israélien pour faire ce qu’il veut en territoire palestinien.

• Le président Obama n’a pas divulgué les passages d’un rapport qui compromettent l’Arabie saoudite dans les attentats du 11 septembre 2001

Il y a aussi un autre point digne de mention. Malgré de nombreuses demandes à cet effet, le président Obama a refusé d’informer adéquatement le peuple américain sur l’étendue de l’appui que l’Arabie saoudite a apporté aux terroristes du 9/11. Les familles des victimes des attaques du 9/11 et nombre d’autres personnes ont insisté auprès de M. Obama pour qu’il dévoile le contenu de 28 pages classées secrètes dans un rapport spécial du Congrès étasunien sur les attentats du 9/11, rédigé en 2002, et montrant le possible soutien que des individus hautement placés dans le gouvernement saoudien auraient fourni à quelques-uns des terroristes du 9/11. À la mi-avril, le président Obama a même dit que la décision de rendre publique l’information était « imminente ».

Cependant, le président étasunien semble s’être ravisé au retour d’un voyage récent en Arabie saoudite. Il semble depuis que « l’imminence » du dévoilement de l’information compromettante ait été reportée aux calendes grecques. De plus, le président étasunien est allé plus loin. Il a déclaré qu’il opposerait son veto à tout un projet de loi qui permettrait aux familles des 3 000 victimes des attentats du 11 septembre 2001 d’entamer des poursuites judiciaires contre le royaume d’Arabie saoudite, pour dommages encourus. Il s’est, cependant, bien gardé d’étendre la même protection au gouvernement Iranien, et ce dernier pourra être poursuivi devant les cours de justice étasuniennes.

Malgré sa promesse faite le 29 janvier 2009, dans son discours inaugural, d’entamer une « ère de gouvernement transparent et ouvert », le président Obama ne semble pas avoir cru que cela pouvait s’appliquer aux familles des victimes des attaques du 9/11, ni au grand public en général. C’est pourquoi certains observateurs en ont conclu qu’au lieu du gouvernement transparent qu’il avait promis, il a dirigé l’administration « la plus opaque, voir la plus secrète de l’histoire étasunienne ». C’est un autre exemple d’un penchant naturel, semble-t-il, chez M. Obama, lequel consiste à dire une chose et à faire son contraire. Cela semble avoir été chez lui, une sorte de modus operandi.

• Conclusion générale

Pourquoi y a t-il eu un tel contraste entre les paroles du président Obama et ses faits et gestes ? Après tout, il avait promis, rien de moins, de « mettre fin à l’état d’esprit qui nous a entrainé dans la guerre ».

Il y a trois explications possibles à un tel état de choses. Tout d’abord, en tant que politicien, Barack Obama n’était peut-être pas complètement sincère quand il déclarait vouloir changer la mentalité à l’intérieur du gouvernement étasunien. Il est possible que cela ne fût, dans son esprit, que des mots que les gens allaient vite oublier. Les politiciens sont naturellement des opportunistes ambitieux et M. Obama a fait la démonstration qu’il n’était pas différent. Deuxièmement, ceux qui rédigeaient ses discours n’étaient peut-être pas les mêmes que ceux qui élaboraient les politiques. D’où le fossé observé entre les discours fleuris et les politiques réelles. Troisièmement, il y a aussi une explication moins généreuse : M. Obama peut avoir servi de figure de proue utile aux décideurs qui contrôlent véritablement, dans l’ombre, le gouvernement étasunien. Peut être s’agit-il d’un mélange de toutes ces explications.

On peut certes soutenir que l’administration Obama, dans l’ensemble, a été « moins mauvaise » que l’administration Bush-Cheney précédente, tant au niveau intérieur qu’international. En réalité, compte tenu que le candidat présidentiel élu Barack Obama est arrivé à la Maison Blanche sans aucune expérience administrative digne de ce nom et sans avoir à ses côtés une équipe de penseurs, et apparemment, sans avoir en mains un plan précis pour mettre en œuvre ses nobles promesses, il a dû s’en remettre aux mêmes conseillers néoconservateurs, interventionnistes et bellicistes, qui avaient conseillé l’administration précédente. Il en a été réduit à réagir plutôt qu’à agir; à suivre plutôt qu’à diriger.

C’est la raison pour laquelle les politiques du gouvernement Obama, tout particulièrement en politique étrangère, avec quelques exceptions près, ne semblent pas avoir divergé sensiblement des politiques impériales du gouvernement Bush-Cheney. Le président Barack Obama, lauréat du prix Nobel de la paix, n’a pas été à la hauteur des promesses qu’il avait faites et des espoirs qu’il avait fait naître.

Les deux gouvernements d’inspiration néoconservatrice de Bush et d’Obama sont responsables d’avoir créé un désordre durable dans le monde, désordre avec lequel des gouvernements futurs, et même des générations futures, auront à composer.

Rodrigue Tremblay

Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal et on peut le contacter à l’adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l’auteur du livre du livre « Le nouvel empire américain » et du livre « Le Code pour une éthique globale ».

Pour entendre le prof. Tremblay traiter d’humanisme sur Youtube, cliquez sur :

https://www.youtube.com/watch?v=AnksHUtN-zk

https://www.youtube.com/watch?v=ikLJbiH2BqM

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Haut de page