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Le rêve chinois des migrants africains tourne souvent à l'enfer (Slate)

par Paul Verdeau 8 Juillet 2016, 08:35 Chine Racisme Migrants Discriminations Africains Afrique

À Canton, pôle d'immigration africaine, beaucoup se heurtent aux difficultés du «rêve chinois». Entre racisme et misère.

hocolate City». C’est le surnom que les taxis chinois donnent au quartier de Little Africa, à Canton. La mégalopole du sud-est de la Chine abriterait la plus grande communauté d’expatriés africains au monde. Selon le professeur Adams Bodomo, environ 100 000 migrants d’Afrique subsaharienne ont décidé de s’y installer. Depuis une quinzaine d’années, la coopération économique entre Pékin et les pays d’Afrique subsaharienne a poussé beaucoup de Chinois à faire du business sur le continent africain. Dans le sens inverse, un flux migratoire existe aussi. Mais moins d'argent coule dans les poches des Africains qui atterrissent sur le sol du géant asiatique.

À lire aussi: La Gambie, ce petit pays qui voit sa jeunesse fuir en Europe

Lamin Ceesay, un jeune Gambien de 25 ans, raconte au site Quartz comment il a décidé de s’installer en Chine il y a un an. À Tallinding Kunjang, sa ville natale, les opportunités de travail étaient rares. Après qu’on lui ait vanté les mérites de la croissance chinoise, son oncle a largué son job de chauffeur de taxi et les deux se sont payé un billet et un passeur pour la Chine. «Tout ce que je savais, c’était que la Chine était un pays de classe mondiale et que l’économie était solide, raconte Lamin. Les immeubles étaient immenses, tout était coloré. Je me suis dit: "bon, ma vie va changer. Ça va aller mieux. La vie est belle ici".»

Faire demi-tour

En deux ans, la petite Gambie a vu des villages entiers se vider de leur population, pour rejoindre surtout l’Europe comme nous le racontions sur Slate Afrique, mais aussi la Chine. Les contrôles aux frontières y sont plus faciles à passer qu’en Occident, et Canton est devenu un pôle majeur pour les migrants, les traders ou les entrepreneurs. En Gambie, le taux de chômage des jeunes atteint 40% et les encourage vivement à rejoindre l’Orient.

Aujourd’hui, pourtant, Canton a perdu une partie de sa population africaine presque aussi vite qu’elle avait grossi. En un an et demi, des milliers d’Africains, selon CNN, sont rentrés dans leur pays, comme Lamin Ceesay, dont la nouvelle vie ne s’est pas exactement passée comme il s’imaginait.

 

 

 

 

Le travail que les vendeurs de visa lui avaient promis, pour s’acquitter de ses dettes, n’existait pas. Lorsqu’il essaya de passer à Hong Kong, c’est la police qui le ramena à Canton. Ceesay finit par chercher du travail en Thaïlande pendant trois mois, sans succès, avant de rentrer chez lui. De retour en Gambie, Lamin a lancé une page Facebook, intitulée «Le cauchemar des Gambiens en Chine», pour tordre le cou aux rumeurs qui faisaient miroiter le rêve chinois à ses compatriotes. Aujourd’hui, la page est devenue un site, Uturn Asia, comme le demi-tour (u-turn) qu’ont dû faire, comme lui, les migrants déçus.

«Combinaison de désespoir et d'espoir»

«Nous souhaitions avertir ceux qui étaient sur le départ», explique à Quartz Heidi Østbø Haugen, de l’Université d’Oslo, qui a travaillé sur le projet. Ce qui s’est passé pour les Gambiens s’est passé pour les autres nationalités avant eux, mais ils sont les seuls à vouloir empêcher leurs compatriotes de se retrouver dans la même situation.» «La vie de rêve que vous espériez n’existe pas. C’est juste un rêve, que vous ne trouverez nulle part en Asie», écrit Lamin sur le site. Confrontés au racisme ordinaire, que l’on retrouve en Chine même dans les publicités, les Africains ont également subi le ralentissement de l’économie chinoise.

Sur Uturn Asia, les Gambiens racontent leur vie misérable, dans des appartements miteux où ils doivent se relayer pour dormir, car il n’y a pas assez de lits. Beaucoup passent leurs journées cachés, de peur que la police les attrape car leurs visas ont expiré. Plusieurs racontent la lutte pour trouver assez d’eau et de nourriture dans une des villes les plus développées de Chine.

Des initiatives collectives se créent, pour envoyer par exemple des vivres à des groupes de Gambiens, avec une contribution à hauteur de 5 yuans (environ 70 centimes d’euro) par jour. «Je trouve toujours incroyable la solidarité des Africains de l’Ouest», se réjouit Heidi Østbø Haugen. Mais il est encore difficile de dire si le projet sera assez persuasif pour contrer la «combinaison de désespoir et d’espoir» qui pousse les Africains à migrer.

Paul Verdeau

 

Journaliste à Slate Afrique. 

 

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