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L’ONU admet sa responsabilité dans l’épidémie de choléra en Haïti Par Martine Valo Le Monde
Du bout des lèvres, l’Organisation des Nations unies (ONU) reconnaît son implication dans la terrible épidémie de choléra qui frappe Haïti. La contamination a causé près de dix mille morts depuis l’arrivée de la bactérie dans le pays, en 2010, et rendu malades huit cent mille personnes. Voilà six ans que des casques bleus sont accusés de l’avoir apportée avec eux du Népal, ce que l’institution internationale s’est obstinée à nier jusqu’à présent.
« Au cours de l’année écoulée, l’ONU a acquis la conviction qu’il est nécessaire de faire beaucoup plus en ce qui concerne sa propre implication dans le foyer initial et les souffrances des personnes touchées par le choléra », a déclaré le porte-parole adjoint des Nations unies, Farhan Haq, jeudi 18 août. Certes la déclaration apparaît alambiquée et n’a pas le ton des annonces officielles fracassantes. Mais elle ressemble à un début de revirement, qui fait naître l’espoir chez les défenseurs des victimes et chez ceux qui, sur le terrain, attendent de l’aide pour parvenir, enfin, à maîtriser une épidémie loin de se calmer. D’autant que M. Haq a aussi promis qu’un nouveau plan d’action serait présenté dans les deux mois.
Avancée essentielle
« C’est une grande victoire pour les milliers d’Haïtiens qui se sont mobilisés pour la justice, qui ont écrit à l’ONU et porté plainte contre l’Organisation », s’est réjoui Mario Joseph, président du bureau des avocats internationaux de Port-au-Prince dans un communiqué, parlant de « victoire pour le peuple ». Il n’est pas le seul à considérer ce demi-aveu comme une avancée essentielle. Les Nations unies doivent maintenant présenter « des excuses publiques et établir un plan de compensation aux victimes qui ont tant perdu », a ainsi commenté l’avocate Beatrice Lindstrom, de l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti, une ONG américaine partie prenante dans un procès intenté à l’ONU.
En théorie, les réclamations des familles des victimes pourraient atteindre 40 milliards de dollars (35 milliards d’euros). En fait, l’institution a jusqu’à présent systématiquement mis en avant son immunité pour ne pas répondre aux requêtes des Haïtiens autrement que par les arguties de ses avocats. Une cour d’appel vient à nouveau de lui donner raison sur ce point, le 18 août.
Cependant, l’ONU peut difficilement se maintenir dans une position très inconfortable, alors qu’elle se trouve à la fois sous les projecteurs accusateurs de la presse et secouée par des réprobations en interne. Plusieurs rapports émanant de ses rangs ont dénoncé son obstination à nier sa responsabilité vis-à-vis des Haïtiens. L’universitaire Philip Alston, rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les droits humains, a en particulier fustigé son attitude « moralement inconciliable et légalement indéfendable »...