Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les premiers enseignements de la bataille d’Alep (OLJ)

par OLJ 15 Août 2016, 16:02 Alep Bataille Rebelles Terrorisme Syrie

La guerre en Syrie ne se terminera pas à Alep. Quelle que soit l'issue des combats dans la cité multimillénaire, aucun acteur ne peut aujourd'hui gagner la paix sur tout le territoire syrien. Mais jamais l'enjeu d'une bataille n'avait été aussi important depuis le début du conflit en 2011. Une bataille qui n'en est pour l'instant qu'à ses prémices, mais trois scénarios différents peuvent se dessiner.
Première possibilité : les troupes du régime et leurs alliés parviennent à repousser les offensives rebelles et à dresser à nouveau le siège sur la partie est de la ville, contrôlée par les forces de l'opposition. Les centaines de milliers de personnes vivant encore à l'intérieur de la cité seraient prises au piège et contraintes, tôt ou tard, de déposer les armes. S'il reprend la totalité de la deuxième plus grande ville de Syrie, Bachar el-Assad se verra conforté dans sa volonté de reconquérir les territoires perdus et il sera encore plus difficile d'envisager son départ. L'opposition extérieure perdrait son meilleur atout. Les forces rebelles sur le terrain seraient obligées de rendre les armes ou de rejoindre des formations plus radicales comme le Fateh el-Cham (ex-Front al-Nosra et branche syrienne d'el-Qaëda), notamment dans la province d'Idleb.

(Lire aussi : Violences à Alep, l'Onu juge insuffisante la "fenêtre humanitaire" russe)

Deuxième possibilité : les groupes rebelles parviennent à briser définitivement le siège d'Alep et assiègent, à leur tour, les quartiers ouest d'Alep, tenus par le régime. Cette victoire relancerait complètement la guerre puisqu'elle démontrerait la faiblesse des troupes loyalistes et leur incapacité à reconquérir les territoires les plus importants. Les rebelles feraient alors d'Alep la capitale de leur révolution, et relanceraient le débat sur une partition de la Syrie. Leurs alliés régionaux et internationaux mettraient la pression pour accélérer les négociations diplomatiques. Les Russes, et dans une moindre mesure les Iraniens, pourraient alors lâcher du lest pour trouver un compromis avec les autres acteurs extérieurs du conflit.
Troisième possibilité : aucun des deux camps n'arrive à prendre le dessus et une ligne de démarcation se dessine peu à peu. Si les combats durent, avec plus ou moins d'intensité, les tractations diplomatiques risquent de s'intensifier. Mais leurs résultats seront très incertains, car la marge de négociation sera extrêmement réduite. Aucun des deux camps ne renoncera à ses velléités sur Alep. La situation pourrait se prolonger dans la durée, compromettant sérieusement le processus de paix.

(Lire aussi : Le cri d'alarme des médecins d'Alep)

Aveu de faiblesse
Il est trop tôt pour dire lequel de ces trois scénarios a le plus de chance de se réaliser. Mais les premiers jours de combats ont déjà livré quelques enseignements.
Le rapport de force, que l'on pensait largement en faveur du régime, grâce à l'appui aérien dont il bénéficie, semble beaucoup plus équilibré que prévu. Malgré le renfort des Iraniens, du Hezbollah, de milices irakiennes, afghanes et pakistanaises, les troupes loyalistes éprouvent de réelles difficultés à faire la différence sur le terrain, alors que les rebelles ne sont pas directement appuyés par l'extérieur. C'est un aveu de faiblesse qui contredit les projets de reconquête du régime.
Pour l'heure, le grand gagnant de la bataille d'Alep est incontestablement le groupe jihadiste Fateh el-Cham. Le groupe, qui a récemment rompu ses liens avec el-Qaëda, d'un commun accord, sans toutefois renier ses références idéologiques et son objectif politique (établir un émirat en Syrie), a gagné le cœur d'une partie des habitants d'Alep-Est et s'est rapproché des autres groupes rebelles à la faveur de l'offensive qui a permis de briser le siège dans le secteur de Ramoussa. Il est désormais perçu comme un libérateur par une partie des Aleppins de l'Est, qui refusaient jusqu'alors que ses combattants entrent dans la ville.
L'inaction de la communauté internationale, particulièrement des États-Unis, est directement responsable de cette évolution. Ces derniers se retrouvent confrontés à un nouveau problème : soit ils bombardent les positions du Fateh el-Cham et se mettent à dos tous les groupes armés dans la province d'Alep, soit ils ne font rien et laissent grandir un peu plus un mouvement extrêmement radical qui, au contraire de l'État islamique (EI), développe une stratégie à long terme en Syrie.
À l'instar de l'action, l'inaction a un prix. Et celui-ci pourrait être très élevé.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Haut de page