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Fin de l’accord nucléaire Russie-USA: Le ton monte entre Moscou et Washisngton Par Rostislav Ishchenko – Octobre 5, 2016 – Fort Russ
Article original: RIA Novosti traduit du russe par by J. Arnoldski Traduit de l’anglais par Anna S. pour Arrêt sur Info/
Suite au décret du président de la Fédération de Russie de suspendre la mise en oeuvre de l’accord avec les États-Unis sur l’élimination du plutonium de qualité militaire par la Russie et la présentation du projet de loi correspondant à la Douma d’Etat, les débats ont commencé dans les médias quant à savoir s’il y avait un lien avec la rupture de l’accord de la Syrie. La deuxième pierre d’achoppement qui fait débat est : pourquoi la Russie, après avoir su que les États-Unis ne remplissaient pas leur part de l’accord, ne réagit-elle que maintenant, quelques années après ?
Certains experts nucléaires affirment que l’accord était objectivement bénéfique pour la Russie. Peut être. Je ne suis pas un expert dans ce domaine et il est difficile pour moi de juger de leur objectivité. En outre, ce qui est bénéfique du point de vue de l’industrie nucléaire peut être désavantageux du point de vue de la sécurité.
En principe, je pense qu’il n’y avait pas de problèmes de sécurité particuliers. La Russie dispose d’un arsenal nucléaire suffisant capable d’infliger un coup mortel aux États-Unis. Washington le reconnaît aussi.
Il y avait aussi plus que suffisamment de matériel pour la production de nouvelles têtes. Dans le cas d’échanges de frappe nucléaire à grande échelle, la production d’un autre lot d’armes serait déjà redondant et, en effet, physiquement impossible. Le vrai problème serait de préserver physiquement les vestiges de la civilisation au moins au niveau de l’âge de pierre.
Quant à la Syrie, ce n’est pas la première fois – et non pas seulement en Syrie – que les États-Unis ne concluent des accords que pour perturber leur application et ensuite les conclure à nouveau. La forme de la réaction russe n’est évidemment pas comparable au rejet public de coopération de Washington qu’en fait, il a encore à faire.
Je pense que pour comprendre l’ampleur de cet incident, il est nécessaire de prêter attention au fait que Poutine n’a pas simplement résilié un contrat pris avec la Russie. Il a annoncé la possibilité d’y revenir, mais il a fourni certaines conditions.
Regardons ces conditions: (1) les États-Unis doivent lever toutes les sanctions contre la Russie; (2) une compensation devrait être accordée non seulement pour les pertes dues aux sanctions américaines, mais aussi pour les pertes subies à causes des contre-sanctions russes; (3) la Loi Magnitski devrait être abrogée; (4) la présence militaire des Etats-Unis en Europe de l’Est devrait être fortement réduite; et (5) les États-Unis devraient abandonner leur politique de confrontation avec Moscou. Un seul mot convient pour déterminer l’essence de la demande de Poutine: « Ultimatum ».
Pour autant que je m’en souvienne, la dernière fois que Washington a reçu un ultimatum c’était par le Royaume-Uni à cause de l’incident du navire Trent. Et ce fut en 1861 pendant la guerre civile américaine.
Même alors, dans des conditions extrêmement difficiles, l’Amérique a accepté de répondre partiellement aux demandes britanniques.
Il convient de noter que les demandes britanniques en 1861 ne contenaient rien d’humiliant pour les États-Unis. Le capitaine d’un navire de la marine américaine avait en effet violé la loi internationale, arrêté les gens sur un navire neutre (britannique), et ainsi empiété sur la souveraineté du Royaume-Uni, provoquant presque une guerre. Ensuite, l’Amérique a désavoué les actions de son capitaine et libéré les prisonniers, tout en refusant de présenter des excuses.
Mais Poutine ne demande pas des excuses ou la libération de quelques prisonniers, mais le changement de l’ensemble de la politique américaine, et plus encore de compenser pour la Russie les pertes dues aux sanctions par les États-Unis . Ceci est une demande tabou, humiliante.
Cette demande signifie essentiellement l’abandon complet et inconditionnel de la guerre hybride que Washington ne considère pas être irrémédiablement perdue. Et il y a encore tous les paiements des indemnités et des réparations.
Quelque chose de semblable a été demandé aux États-Unis par la Couronne britannique avant la fin de la guerre d’indépendance, quand les Américains étaient encore les sujets rebelles du roi George III. Pour les 100 dernières années, personne n’a même imaginé parler à Washington sur un tel ton.
Et donc, la première conclusion est: Poutine a délibérément et démonstrativement humilié les États-Unis. Il a montré qu’il est possible d’employer un ton dur avec États-Unis, encore plus dur que celui que les États-Unis eux-mêmes ont pris l’habitude d’utiliser envers le reste du monde.
Comment cela se fait-il? A quoi Poutine a-t-il réellement réagi?
Avait-il pensé que les Etats-Unis réaliseraient l’accord Kerry-Lavrov et est-il maintenant bouleversé par ce qui est arrivé? La Russie savait aussi que Washington n’avait pas observé l’accord du plutonium pendant des années, mais Moscou en a tiré un grand profit pour son industrie nucléaire en devenant presque un monopole mondial et n’est manifestement pas perturbé par le retard technologique des États-Unis les empêchant de disposer d’armes au plutonium tel que stipulé dans l’accord.
La réaction dure et presque immédiate de la Russie a suivi les déclarations du porte-parole du secrétaire d’Etat [Kerry, ndlr] annonçant que la Russie va devoir commencer à renvoyer chez elle dans des sacs mortuaires ses troupes en Syrie, va commencer à perdre des avions, et que les attaques terroristes vont commencer à empoisonner les villes russes.
En outre, la déclaration du Département d’Etat a été immédiatement suivie par l’annonce du Pentagone qu’il est prêt à lancer une frappe nucléaire préventive sur la Russie. Le ministère russe des Affaires étrangères a également indiqué que Moscou connaît l’intention des États-Unis de lancer une guerre aérienne contre les forces gouvernementales syriennes, ce qui signifie aussi contre le contingent russe stationné légalement en Syrie.
Quoi d’autre formait l’arrière-plan de l’ultimatum de Poutine ? Les exercices d’il y a six mois impliquant la défense aérienne et antimissile et les systèmes de missiles stratégiques qui s’entraînent à repousser une attaque nucléaire contre la Russie, puis à lancer une contre-attaque correspondante. Ajoutez à ceci les exercices d’urgence de l’autre jour impliquant jusqu’à 40 millions de citoyens russes qui ont vérifié l’état de préparation des infrastructure et de la défense civile pour une guerre nucléaire et ont fourni des informations supplémentaires aux citoyens sur le plan d’action pour la cause de « X-heure. »
Si nous prenons tout cela ensemble, nous pouvons voir que les États-Unis ont depuis longtemps officieusement effrayé la Russie avec un conflit nucléaire, et Moscou a régulièrement laissé entendre qu’il est prêt pour une telle tournure des événements et ne va pas reculer.
Toutefois, compte tenu de la fin du règne d’Obama et du manque de confiance absolue dans une victoire de Hillary Clinton à l’élection présidentielle, les faucons de Washington ont décidé d’augmenter leurs paris une fois de plus. Et maintenant les choses ont atteint une limite extrêmement dangereuse où le conflit commence à atteindre le stade de développement de façon indépendante. A ce stade, l’Armageddon nucléaire pourrait commencer avec tout type d’incident, notamment en raison de l’incompétence de certains hauts responsables du Pentagone ou des administrateurs de la Maison Blanche.
A ce moment précis, Moscou a pris l’initiative et fait monter les enchères, mais en déplaçant la confrontation sur un autre plan.
Contrairement à l’Amérique, la Russie ne menace pas de faire la guerre. Elle démontre tout simplement sa capacité à donner une réponse politique et économique dure qui en outre, en cas de comportement inapproprié des États-Unis, peut réaliser tout le contraire du rêve d’Obama: déchirer l’économie et le système financier de Washington.
En outre, avec ces actions, la Russie a gravement compromis le prestige international des États-Unis en montrant au monde entier que l’Amérique peut être battue avec ses propres armes. Le boomerang est revenu. Compte tenu de cette dynamique et de la tournure des événements, nous pourrions voir des centaines de représentants de l’élite américaine débarquer à La Haye, non seulement dans notre vie, mais avant même que le prochain président américain ait servi son premier mandat de quatre ans à la Maison Blanche.
Les États-Unis sont face à un choix. Soit ils continueront leurs menaces et déclencheront une guerre nucléaire, soit ils accepteront le fait que le monde n’est plus unipolaire, et commenceront à s’intégrer dans le nouveau format.
Nous ne savons pas quel choix Washington va faire. L’establishment politique américain a un nombre suffisant de membres idéologiquement aveugles, incompétents qui sont prêts à brûler dans un feu nucléaire avec le reste de l’humanité plutôt que de reconnaître la fin de l’hégémonie mondiale des États-Unis, qui s’est avéré être de courte durée, insensée et criminelle. Mais ils doivent faire un choix, parce que plus Washington prétend que rien ne s’est passé, plus le nombre de ses vassaux (qui sont appelés ses alliés, mais sont depuis longtemps enlisés dans la dépendance) vont ouvertement et explicitement ignorer les ambitions américaines et passer du côté des nouvelles perspectives d’arrangement de puissance mondiale.
En fin de compte, les États-Unis pourront être confrontés à l’état de l’un des centres du monde multipolaire qui ne sont plus disponibles pour cela. Non seulement les Africains, les Asiatiques et les Latino-Américains, mais aussi les Européens seront heureux de se venger de l’ancienne hégémonie pour leur ancienne humiliation. Et ils ne sont pas si humains et épris de paix que la Russie.
Enfin, l’ultimatum de Poutine est une réponse à tous ceux qui ont été outrés que les chars russes ne prennent pas Kiev, Lvov, Varsovie et Paris en 2014 et demandaient ce que le plan de Poutine pourrait être.
Je ne peux que répéter ce que j’ai écrit à l’époque. Si vous vous apprêtez à faire face à hégémonie mondiale, alors vous devez être sûrs que vous serez capables de répondre à n’importe laquelle de ses actions.
L’économie, l’armée, la société, et l’Etat et les structures administratives devraient toutes être prêtes. Si tout n’est pas tout à fait prêt, alors il faut gagner du temps et se renforcer.
Maintenant, les choses sont prêtes et les cartes ont été mises sur la table. Voyons ce que les États-Unis vont répondre. Mais la réalité géopolitique ne sera plus jamais la même. Le monde a déjà changé. Les Etats Unis ont jeté les masques publiquement et ils n’ont pas osé le relever tout de suite.