Depuis sa diffusion le 28 septembre au soir sur la chaîne de télévision M6, la première de l’émission « Dossier Tabou » de Bernard de la Villardière consacrée à « l’islam, la République en échec » a soulevé une vive polémique en France.
Durant deux heures, l’émission a abordé entre autres le port du voile, la formation des imams, les « financements déguisés des lieux de culte » par les élus, les financements de la religion musulmane venus d’Arabie saoudite, et l’UOIF ou encore l’Union des organisations islamiques de France, décrite comme une « institution secrète » qui a pour but de « grignoter peu à peu l’espace public au nom de la liberté d’expression pour installer la charia en France ».
Dès sa diffusion, les réactions se sont multipliées, entre malaise et indignation. Stéphane Gatignon, maire EE-LV (écologistes) de Sevran en Seine-Saint-Denis, reproche à Bernard de la Villardière d’avoir évacué d’importantes parties de la longue interview qu’il lui a accordée. Il lui reproche également d’avoir mis en avant une altercation filmée à Sevran entre l’équipe de l’émission et un groupe de jeunes, à proximité d’une mosquée clandestine désormais fermée. Pour le maire, cette démarche relève de la provocation.
Dans une lettre publiée le 29 septembre, le maire affirme tenir « M. de la Villardière pour un manipulateur de sons et d’images ainsi que pour un irresponsable » qui « fait le choix d’attiser les conflits communautaires » en réalisant une « émission provocatrice et haineuse » et « tente de faire de l’audience sur le dos de la ville de Sevran et jette de l’huile sur le feu en pleine guerre contre le djihadisme ».
Autre participante déçue, l’humoriste Samia Orsmane. Selon elle, l’émission peut se résumer ainsi : « Après Tintin au Congo, de la Villardière chez les Arabes… ». Elle a affirmé s’être sentie « trahie », l’émission ne s’étant pas déroulé comme on la lui avait présentée plusieurs mois plus tôt. Elle explique avoir accepté d’ouvrir la porte de son domicile familial et de préparer un dîner à une équipe de journalistes venus réaliser une émission sur l’aspect multiculturel de la France et montrer qu’on pouvait « porter le voile et être humoriste », a-t-elle expliqué à L’Express. Mais de la Villardière se serait invité à l’improviste à ce dîner, justifiant sa présence en lançant devant les caméras : « Dans la tradition maghrébine, il y a toujours une ou deux assiettes prêtes pour le visiteur ».
L’humoriste affirme ne pas s’être attendue à ce qu’au montage ce soit « aussi glauque » et à ce que M. de la Villardière débarque « dans (son) salon avec ses a priori et ses clichés sur les musulmans ». Elle juge l’émission dangereuse car elle « diabolise, une fois de plus, les musulmans », selon des propos rapportés par les Inrocks.
L’humoriste déplore notamment une scène, incluse dans la bande-annonce de l’émission, où le journaliste, selon elle, a profité du manque de maîtrise de la langue française d’un aumônier de prison, qui parle des « bêtises » des jeunes en référence aux attentats, pour lui lancer un sentencieux : « Mais ce ne sont pas des bêtises monsieur, c’est un crime ».
L’émission a provoqué une déferlante de réactions sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter. De nombreux internautes se sont insurgés contre la méthode employée et contre le caractère « haineux » et « islamophobe » du reportage, qui vise à « installer un climat de peur ». D’autres ont remercié de la Villardière d’avoir « osé lever le tabou », ou encore d’avoir réalisé un « reportage courageux ».
Du côté du Front national, les réactions ne se sont pas fait attendre. Florian Philippot, numéro 2 du FN, s’est empressé de tweeter mercredi soir une invitation au ministre de l’Intérieur Bertrand Cazeneuve à regarder l’émission et à « expulser quelques imams étrangers ». Comme Marion Maréchal Le Pen, il a appelé à la démission du maire de Sevran.
Le Collectif contre l’islamophobie en France a appelé à signaler l’émission au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), publiant sur sa page Facebook : « Il est malheureux de constater que certains journalistes participent activement à la promotion des stéréotypes racistes et des postures stigmatisantes, en s’affranchissant sans le moindre complexe de toute objectivité, dès lors qu’il s’agit de traiter de sujets liés aux musulmans ».
L’émission, diffusée mercredi 28 septembre, a rassemblé 2,4 millions de téléspectateurs, soit 12,2 % de parts d’audience, ce qui en a fait le troisième programme le plus regardé de la soirée.