En Russie, frapper femme ou enfant ne serait plus un crime
Par Laurence Mauriaucourt
L'Humanité
Le projet de loi a été porté par la députée ultra-conservatrice Yelena Mizulina, déjà connue pour son lobbying en faveur de la loi interdisant la « propagande homosexuelle » ainsi que pour ses positions contre l’avortement. Les députés russes ont voté en première lecture un projet de loi scandaleux qui stipule que la violence familiale, y compris envers les enfants, ne serait plus un crime, mais une simple infraction passible d’une amende.
En 1917 en Russie, les révolutionnaires d’Octobre avaient conquis le droit à l’avortement, l’accès des femmes à toutes les responsabilités, à tous les métiers et instauré sanctions pour les auteurs de violences au sein de la famille. Cent ans plus tard, au nom de la « tradition familiale », jeudi 12 janvier 2017, 368 députés russes sur 370 ont voté en première lecture, un projet de loi visant à dépénaliser les violences domestiques. Décryptage.
Le contenu du projet de loi
La députée Yelena Mizulina, présidente très conservatrice du comité sur la famille et les affaires féminines, à la Douma porte haut et fort le projet de loi qui prévoit de ne plus juger les violences domestiques (commises y compris sur les enfants) comme un crime puni par le code criminel de peines pouvant aller jusqu’à deux ans de prison, mais comme une simple infraction, qui exposerait son auteur à une amende, au pire à des travaux d’intérêts généraux et à une possible légère peine de prison.
"Vous ne voulez pas que les gens soient emprisonnés pendant deux ans et considérés comme des criminels durant le reste de leur vie à cause d’une gifle ? Dans la culture de la famille traditionnelle russe, les relations parents/enfants sont construites sur l’autorité. Les lois doivent soutenir cette tradition familiale" a-t-elle argumenté la veille du vote à la Douma (chambre basse du parlement russe), selon des propos rapportés par le journal The Moscow Times.
Les conservateurs trouvent à justifier l’injustifiable
Les violences conjugales en Russie ont fait l’objet d’une étude chiffrée en 2015 qui révèle que près de 36 000 femmes subissent quotidiennement la brutalité de leurs compagnons de vie, tandis que 26 000 enfants agressés par leurs parents tous les jours. Au pays de Vladimir Poutine, 40% des crimes graves seraient commis au sein de la sphère familiale. Une « tradition familiale » que les conservateurs veulent protéger pour préserver « l’autorité » patriarcale...