Qu’est devenue la Libye depuis l’intervention sous prétexte « droit-de-l’hommisme » du Tony-Truand duo Sarkozy/BHL en 2011 ? Qu’en est-il de cette intervention militaire et de cette ingérence dans les affaires d’un pays qui ne nous avait rien fait et encore moins demandé quoi que ce soit, sinon par la voix de soi-disant rebelles reçus tels des messies par le philosophe à la chemise ouverte dans je ne sais quel palace parisien ?
On nous avait alors conté, nos medias avaient repris mille fois ce récit, que l’odieux dictateur sanguinaire avait fait tirer sur des milliers et des milliers de manifestants et que le peuple devait être libéré de son joug. Fable qui depuis fut démontée par des observateurs locaux, occidentaux mais pas seulement. Milliers il n’y en eut point, mais quelques centaines, ne représentant qu’eux-mêmes et soutenus par Al Qaida, pourvoyeurs des dépêches terrain auprès de nos grands medias. Il semble bien que les rebelles d’alors…
Qu’est devenue la Libye sinon un chaos orchestre par des multinationales ayant mis la main sur ses ressources pétrolières et un gigantesque terrain d’entrainement pour les fous d’Allah, n’ayant compte tenu de la destruction opérée aucun mal j’imagine à convaincre quelques milliers de ces victimes de notre ingérence à les rallier pour se venger ?
Qu’était la Libye avant, comment vivait le peuple libyen, sous quel régime politique et depuis quand, et qui était véritablement Kadhafi ?
Combien il est difficile dans un court billet de répondre preuves à l’appui tant la désinformation fut stupéfiante, et tant, avouons-le, l’honnêteté intellectuelle oblige à laisser le lecteur non pas seulement émettre un avis (cela, n’importe qui en est capable) mais faire humblement s’il le désire un travail d’investigation pour que cet avis soit a minima réfléchi à partir de sources d’information contradictoires et donc complémentaires.
Plutôt que me lancer dans ce projet aussi fou que mégalomaniaque (celui d’avoir la prétention de rétablir la vérité – comme s’il n’en existait qu’une et une seule), quelques faits, quelques questionnements en guise d’invitations au lecteur d’aller par lui-même fouiller le réel, puisque les canaux d’information existent. Je tâcherai autant que possible de ne pas dépasser cette frontière. Et postule qu’il est évident à mes yeux que je n’y parviendrai que partiellement ici, et que seuls à mes yeux « les petits pas comptent » ici tout du moins.
La Libye fut sous Kadhafi, à compter de la nationalisation des ressources pétrolières reprises aux compagnies américaines à compter de son arrivée au pouvoir en 1969, la condition d’un sursaut national. Elle permit pour le peuple libyen la sortie d’un long tunnel, celui dans lequel les peuples africains à qui l’on a confisqué les dividendes de leurs ressources naturelles. Auparavant analphabète dans d’importantes proportions et en proie à une importante mortalité, le peuple libyen devint sur la durée le plus scolarisé, le mieux soigné, le bénéficiaire de mesures sociales exceptionnelles dont nous-mêmes ne bénéficions point (des prêts à taux zéro pour l’acquisition d’un logement, par exemple, qui profitaient à chaque jeune couple, une générosité envers les immigrés, l’emploi de nombre de voisins étrangers dans les projets nationaux, la prise en charge des frais universitaires, y compris dans des universités étrangères etc.).
L’argent du pétrole servit à irriguer le désert et à créer une authentique autosuffisance énergétique profitant non seulement au pays mais à ses voisins. Le colonel et ses affidés purent mettre une partie de cette manne à la disposition de ses voisins, non via des versements aux gouvernants seuls, mais aux habitants, au travers de financements de projets locaux. Dès 1973, il créa politiquement une seconde phase dans le socialisme islamique qu’il entendait, à la suite de Nasser, créer, en confisquant la représentation parlementaire à la petite bourgeoisie nationale qui l’avait captée afin de rendre le pouvoir au peuple.
Convaincu que le système démocratique que nous connaissons tend à une dictature déguisée, il n’eut de cesse, de par ses nombreuses lectures, rencontres, échanges et réflexions, de trouver une voie originale, qu’on peut encore découvrir dans son « Livre vert ».
Défricheur, il commit comme tout un chacun des errements et sans aucun doute des erreurs, mais resta fermement ancré dans cette voie jusqu’au terme de son pouvoir. Il fut et demeure, tant et tant de témoignages l’attestent, aimé par son peuple jusqu’à son assassinat et jusqu’à ce jour. Ne céda jamais sur rien face aux ingérences colonialistes occidentales, et pas davantage sur les principes. Il était ce qu’on nomme aussi un visionnaire, préparant dans de gigantesques projets industriels la Libye à l’après pétrole.
Il fut longtemps considéré en Afrique comme le leader de fait, un « Guide Suprême » en quelque sorte, d’où cette appellation quelque peu mystique et mythifiée qui prête ici à sourire. Il n’exerçait pas à proprement parler le pouvoir de manière solitaire, retranché dans ses palais, mais servait davantage comme le ferait un Ministre des Affaires Étrangères aux pouvoirs consentis par ceux qu’il représentait.
Voici donc le portrait factuel tel que je puis en de gros traits le brosser, à la lumière de témoignages fort nombreux que vous pourrez trouver sur la toile aussi aisément que les portraits à charge auxquels vous êtes habitués.
Ai-je, moi qui n’ai pas plus que vous mis le moindre pied dans ma vie sur place, à trancher ? Je n’ai rencontré qu’une petite dizaine d’acteurs présents pendant puis après la destruction de la Libye en 2011. Cet échantillon ne constitue bien évidemment une preuve et ne me conduisit à aucune certitude Ces quelques témoignages en revanche, par leur précision furent pour moi des éléments déterminants pour ma compréhension personnelle et donc pour ce qui s’appelle ma propre conviction. Laquelle, pas plus que la vôtre, lecteur, n’est transférable sur autrui par un claquement de doigt ou un clic de souris.
Par souci de cohérence (cf plus haut) et souhait d’ouvrir autant que possible les échanges et les interrogations de chacun, je clôturerai comme promis par quelques questions fort simples, auxquels je me garderai bien de répondre ici.
Qu’est devenue la Libye donc depuis 2011 ? A qui profite le crime ? Quid du peuple ? A qui dorénavant ont été transférées les ressources pétrolières ? Qui en la matière avait intérêt et qui aujourd’hui palpe ? Qui est devenu la cible compte tenu de la situation locale ? Y a-t-il uniquement une et une seule cible ? Qui nous a informés et comment de la nécessité d’intervention et pourquoi, et sur quel matelas de croyances et de « faits rapportés » ? Que vaut à nos yeux ce peuple lointain et inconnu, que vaut à nos yeux leur sort ?
Et (pour finir) : ce qui leur est arrivé depuis 6 ans, ont-ils été les premiers, sont-ils et seront-ils les derniers ?