Le nouveau rapport du New York Times sur le sarin en Syrie contesté
Par Robert Parry
Consortium News, 07-06-2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.
Rapport spécial : un scientifique du MIT, ancien de la sécurité nationale, affirme que le New York Times a fait une analyse « frauduleuse » de l’affaire du sarin qui s’est déroulée en avril dernier en Syrie. Ce qui fait partie d’une tendance inquiétante à la « pensée de groupe » et au « biais de confirmation », selon Robert Parry.
Pour les journalistes mainstream et les analystes du gouvernement des États-Unis, leurs « pensées de groupe » erronées ont souvent un complice louche appelé « biais de confirmation », ce qui est, quand on s’attend à ce que tel « ennemi » soit coupable, la tendance à déformer tous les faits dans ce sens.
Nous avons vu les médias américains et le gouvernement produire de plus en plus de raisonnements fallacieux dans les années récentes, en abordant les conflits internationaux comme si le bord « pro-U.S. » était forcément innocent et le bord « anti-U.S. », présumé coupable.
Cela a été le cas pour jauger si l’Irak cachait ou non des ADM en 2002-2003 ; cela s’est répété pour les attaques présumées aux armes chimiques en Syrie pendant ces six années de conflit ; et cela est remonté également à la surface pour la Nouvelle guerre froide dans laquelle les Russes sont toujours les méchants.
Cette tendance exige également de couvrir d’insultes tout journaliste ou analyste occidental qui s’écarte de la pensée de groupe ou questionne un éventuel biais de confirmation. Les dissidents sont traités de « laquais » ; « d’apologistes » ; de « théoriciens de la conspiration » ; ou de « pourvoyeurs de fausses nouvelles ». Peu importe que les doutes soient raisonnables : les insultes moqueuses l’emportent.
En outre, dans les cas rares où les médias traditionnels et les propagandistes du gouvernement doivent admettre qu’ils se sont visiblement trompés, ils n’ont quasiment aucune obligation de rendre des comptes. Pour quelques aveux sur les ADM en Irak – qui n’ont entraîné pratiquement aucune punition pour les « penseurs en groupe », il y a des dizaines de cas où les Big boys se barricadent, n’admettent rien et comptent sur leur statut privilégié pour les protéger.
Peu importe même que les sceptiques soient hautement qualifiés ou que les erreurs des analyses mainstream soient patentes. Ainsi, vous avez même des experts en armes, tels que Theodore Postol, professeur en sciences, technologie et politique de sécurité nationale au Massachusetts Institute of Technology, dont les avis sont ignorés lorsqu’ils entrent en conflit avec les croyances conventionnelles.
Le cas syrien
Par exemple, dans un rapport peu remarqué du 29 mai 2017 sur l’affaire des armes chimiques qui s’est produite le 4 avril 2017 à Khan Sheikhoun dans le nord de la Syrie, Postol démolit la conclusion « condamnons-le-gouvernement-syrien « du New York Times, d’Human Rights Watch et du site Internet préféré de l’Establishment, Bellingcat.
L’analyse de Postol portait sur un reportage vidéo du New York Times, intitulé « Comment la Syrie et la Russie ont déclenché une attaque chimique », qui suivait la recherche de Bellingcat provenant des réseaux sociaux. Postol a conclu que « AUCUNE preuve médico-légale dans la vidéo du New York Times ni dans l’article d’actualité du Times qui a suivi n’appuie les conclusions rapportées par le New York Times ». [Phrase soulignée dans l’original]
La faiblesse de base des analyses du NYT et de Bellingcat était de recourir aux réseaux sociaux de la zone de la province d’Idlib, contrôlée par al-Qaïda et donc de dépendre pour ce qui est des « preuves » des djihadistes et de leurs collaborateurs de la « défense civile », appelés Casques blancs.
Les djihadistes et leurs équipes médiatiques sont maintenant capables de produire des vidéos de propagande très sophistiquées, qui sont distribuées par les réseaux sociaux et reprises avec crédulité par les principaux médias occidentaux. (Un publireportage Netflix sur les Casques blancs a même remporté un prix de l’Académie au début de l’année).
Postol met l’accent sur l’utilisation dans le reportage du Times d’une vidéo prise par le photographe anti-gouvernemental Mohamad Salom Alabd, qui prétend montrer trois frappes par bombes conventionnelles à Khan Sheikhoun tôt dans la matinée du 4 avril.

Le destroyer à missiles guidés d’Arleigh Burke, l’USS Ross, lance un missile d’attaque terrestre Tomahawk en Méditerranée, le 7 avril 2017. (Photo de la marine par le premier maître de 3e classe Robert S. Price)
Le reportage du Times a extrapolé à partir de cette vidéo l’emplacement des trois frappes, et a ensuite cru sur parole qu’une quatrième bombe – absente de la vidéo – contenait une charge de sarin qui a frappé une route et libéré du gaz, qui s’est alors répandu à l’ouest dans une zone fortement peuplée et aurait fait des dizaines de victimes.
L’épisode a conduit le président Trump, le 6 avril, à ordonner une frappe de représailles majeure avec 59 missiles Tomahawk attaquant une base aérienne syrienne. D’après les rapports des médias syriens, plusieurs soldats ont été tués sur la base, ainsi que neuf civils, dont quatre enfants, dans les quartiers voisins. L’attaque risquait de tuer aussi des Russes stationnés sur la base.
Un problème de vent
Mais l’analyse vidéo du Times – mise en ligne le 26 avril – pose de graves problèmes au niveau scientifique, a déclaré Postol, car elle montre notamment le vent poussant la fumée des trois bombes vers l’est alors que les rapports météorologiques du jour – et donc la direction présumée du gaz sarin – indiquent un vent allant vers l’ouest.

Image panoramique des trois panaches de fumée des bombes qu’un photographe opposé au gouvernement syrien a affirmé avoir prises le 4 avril 2017, à Khan Sheikhoun, en Syrie. L’analyste du MIT, Theodore Postol, note que les panaches semblent aller vers l’est, en contradiction avec les rapports météorologiques du jour et la direction supposée d’un nuage de sarin distinct.
En effet, si le vent soufflait vers l’est – et si l’endroit supposé de la libération du sarin est correct – le vent aurait porté le sarin loin de la région peuplée voisine et aurait vraisemblablement causé peu ou pas de victimes, d’après Postol.
Postol a également souligné que l’emplacement indiqué par le Times pour les trois frappes ne correspondait pas aux dommages que le Times a prétendu avoir détectés à partir de photos-satellites des endroits où les bombes auraient explosé. Plutôt que de montrer des immeubles rasés par des bombes puissantes, il n’y avait sur les photos que peu ou pas de dégâts apparents.
Le Times s’est également appuyé sur des photos-satellites avant et après, avec un écart de 44 jours entre les premières, datant du 21 février 2017 et les secondes, datées du 6 avril 2017, de sorte que tout dommage éventuel pourrait n’avoir aucun lien avec ce qui aurait pu se produire le 4 avril.
Le trou dans la route où a été retrouvé le conteneur de « sarin » écrasé ne pouvait pas non plus être attribué à un bombardement le 4 avril. Les djihadistes d’Al Qaïda auraient pu creuser le trou la nuit précédente dans le cadre d’une provocation mise en scène. D’autres images d’activistes qui s’agitent dans le trou prétendument saturé de sarin sans équipement de protection minimal auraient également du soulever des doutes, avait indiqué Postol dans des rapports antérieurs.

Photographie d’hommes à Khan Sheikdoun en Syrie, à l’intérieur d’un cratère où une bombe gaz-sarin s’est prétendument écrasée.
Il y a aussi la question du motif. L’affaire du 4 avril a immédiatement suivi l’annonce par l’administration Trump qu’elle ne recherchait plus de « changement de régime » en Syrie, donnant aux jihadistes et à leurs alliés régionaux un mobile pour créer une séquence d’utilisation d’armes chimiques afin d’inverser la nouvelle position des États-Unis. En revanche, le gouvernement syrien ne semblait avoir aucune raison logique de vouloir scandaliser les États-Unis.
En d’autres termes, al Qaïda et ses propagandistes auraient pu publier les vidéos d’un bombardement antérieur et les utiliser pour fournir la « preuve » d’une attaque aérienne tôt le matin qui correspondrait à la libération progressive de sarin ou d’un gaz toxique similaire le 4 avril. Quoi que cela ne soit qu’une alternative possible, il est certain qu’al Qaïda ne s’est jamais beaucoup inquiété de la vie des civils.
Les critiques des Casques blancs ont identifié le photographe de l’attaque aérienne, Mohamad Salom Alabd, comme étant un djihadiste qui se trouve avoir revendiqué le meurtre d’un officier militaire syrien. Mais le Times l’a décrit dans un article complémentaire au reportage vidéo seulement comme « un journaliste ou un activiste ayant vécu dans la ville ».
Moqueries contre le rapport russo-syrien
Pour leur part, les gouvernements syrien et russe ont déclaré que les avions syriens n’avaient effectué aucune attaque aérienne tôt le matin, mais qu’ils avaient attaqué la zone vers midi. Ils ont supposé que l’attaque de midi pouvait avoir frappé des armes chimiques stockées par les djihadistes, provoquant la libération accidentelle de gaz toxiques.

Une autre photo du cratère contenant le présumé conteneur qui a soit-disant libéré le sarin à Khan Sheikdoun, en Syrie, le 4 avril 2017.
Le Times s’est précipité sur le décalage entre les rapports d’une attaque matinale et le récit syrio-russe d’une frappe à midi pour montrer que les Syriens et les Russes mentaient.
En réponse au président syrien Bachar al-Assad demandant : « Comment pouvez-vous vérifier la vidéo ? » le récit de Malachy Browne dans le Times affirme avec arrogance : « Eh bien, voici comment. Examinons les vidéos, les photos satellites et les documents open source de ce jour. Ils montrent que Assad et la Russie racontent une histoire qui contredit les faits ».
Pourtant, l’argument du Times disant que les Syriens et les Russes mentent sur l’horaire n’a aucun sens, puisqu’ils ne nient pas la réalité d’une attaque aérienne. Ils l’ont reconnue, mais plus tard dans la journée, et ils supposent que cette attaque pourrait avoir accidentellement dégagé des produits chimiques stockés par le Front Al Nosra d’al-Qaïda. En d’autres termes, ils n’avaient rien à gagner en situant l’heure de leur bombardement à midi plutôt que tôt le matin.
Il aurait pu y avoir une confusion sincère de la part des Syriens et des Russes alors qu’ils essayaient de comprendre ce qui s’était passé et comment. Ou bien, la frappe aérienne de midi et l’attaque chimique du matin pourraient n’avoir aucun lien, c’est-à-dire que les djihadistes et/ou leurs alliés étrangers pourraient avoir organisé « l’attaque » matinale au gaz, et le bombardement syrien aurait pu suivre plusieurs heures plus tard, mais sans lien avec l’attaque chimique.
Quoi qu’il en soit, le fait que le Times et d’autres puissent se jeter sur un écart de temps apparemment sans signification, montre en tout cas comment le « biais de confirmation » fonctionne. « L’ennemi » doit être déclaré coupable, de sorte que tout commentaire – peu importe qu’il soit innocent ou sans rapport – peut être utilisé comme « preuve ».
Deux poids deux mesures pour la confiance
Le Times montre également un biais bizarre chaque fois que des Syriens parlent depuis les zones contrôlées par le gouvernement. Le Times laisse alors toujours entendre que les personnes interrogées peuvent être sous contrainte. Alors que le Times suppose que les « témoins » dans le territoire contrôlé par al-Qaïda commentent honnêtement, librement et sans crainte de contredire les djihadistes.

Le journaliste James Foley, peu avant qu’il ne soit exécuté par un membre de l’État islamique en août 2014.
Le double standard du Times est particulièrement curieux, puisque les enquêteurs des Nations Unies n’osent même pas entrer dans ces zones djihadistes, à cause d’un historique de décapitation de journalistes et d’autres civils par les djihadistes.
On trouve un exemple de ce biais dans le Times de mercredi, dans un article sur la famille d’Omran, le petit garçon rendu célèbre par une photo de lui à l’intérieur d’une ambulance. L’article parlait de l’épreuve de la famille et mentionnait le soutien oral du père au gouvernement Assad.
Cependant, parce que la famille soutenait Assad, le Times a inséré cette mise en garde : « Les Syriens apparaissant à la télévision d’État ou sur des chaînes associées au gouvernement Assad ne sont pas en mesure de parler librement. Le gouvernement exerce un contrôle étroit sur toutes les informations diffusées sur la guerre, y compris des entretiens avec des civils, qui peuvent être contraints et menacés d’être arrêtés s’ils critiquent le gouvernement ».
Pourtant, le Times considère les entretiens avec des personnes des territoires contrôlés par les djihadistes comme étant intrinsèquement véridiques, et décrit les personnes interviewées avec des termes favorables ou neutres, tels que « secouristes », « journalistes », « témoins oculaires » ou parfois « militants ». Il est rarement suggéré qu’al-Qaïda pourrait soit contrôler ces messages, soit intimider les personnes interrogées, qui dénoncent habituellement Assad, ce que le Times et les autres organes de presse mainstream veulent entendre.
Les preuves d’un « faux drapeau »
Cette crédulité s’est poursuivie malgré la preuve que les djihadistes génèrent une propagande sophistiquée pour promouvoir leur cause, y compris par la mise en scène d’attaques aux armes chimiques sous « faux drapeau ». Par exemple, les enquêteurs de l’ONU qui ont examiné une prétendue attaque de gaz chloré par le gouvernement syrien contre Al-Tamanah dans la nuit du 29 au 30 avril 2014, ont recueilli de multiples témoignages de la population citadine selon lesquels l’événement avait été mis en scène par les rebelles et diffusé par des militants sur les médias sociaux.
« Sept témoins ont déclaré que des alertes fréquentes [concernant une attaque imminente d’armes au chlore par le gouvernement] avaient été émises, mais en fait, aucun incident avec des produits chimiques n’avait eu lieu », a déclaré le rapport de l’ONU. « Alors que les gens cherchaient à se mettre en sécurité après les alertes, leurs maisons ont été pillées et la rumeur s’est répandue que les événements avaient été mis en scène… Ils [ces témoins] se sont présentés pour contester les faux reportages largement répandus dans les médias ».
Les comptes-rendus d’autres personnes, alléguant qu’il y avait eu une attaque chimique du gouvernement contre Al-Tamanah, ont fourni des preuves suspectes, comportant des données provenant de sources douteuses, selon le rapport de l’ONU.
Selon le rapport : « Trois témoins, qui n’ont pas donné de description de l’épisode du 29 au 30 avril 2014, ont fourni des éléments de source inconnue. Un témoin a eu connaissance indirectement de deux des cinq incidents à Al-Tamanah, mais ne s’est pas souvenu des dates exactes. Plus tard, ce témoin a fourni une clé USB contenant des informations d’origine inconnue, qui a été enregistrée dans des dossiers distincts selon les dates des cinq incidents mentionnés par la FFM [la mission de recherche des faits de l’ONU]
« Un autre témoin a fourni les dates des cinq incidents en les lisant à partir d’une feuille de papier, mais n’a fourni aucun témoignage sur l’épisode du 29 et 30 avril 2014. Ce témoin a également fourni une vidéo intitulée : ’’site où le deuxième baril contenant du gaz de chlore toxique a été largué à Tamanaa le 30 avril 2014’’ ».
D’autres « témoins » alléguant une attaque du gouvernement syrien ont fait des déclarations curieuses, estimant avoir reconnu des « bombes-baril » au chlore d’après le son qu’elles émettent au cours de leur descente.
D’après le rapport de l’ONU : « Le témoin oculaire, qui a déclaré se trouver sur le toit, a dit avoir entendu un hélicoptère et le son « très fort » de la chute d’un baril. Certaines personnes interrogées estiment avoir reconnu le sifflement caractéristique des barils contenant du chlore pendant leur chute. Le témoignage n’a pu être corroboré par aucune autre information ».
Le rapport de l’ONU aurait pu ajouter qu’il n’y avait aucune explication plausible sur le fait que quelqu’un puisse détecter une charge de chlore dans une « bombe-baril » en fonction de son « sifflement particulier ». La seule conclusion logique est que l’attaque au chlore a été mise en scène par les djihadistes, et que leurs partisans ont ensuite menti à l’équipe de l’ONU pour soulever l’opinion mondiale contre le régime d’Assad.
Un autre cas douteux
En 2013, le travail de Postol et de son dernier partenaire Richard M. Lloyd, analyste aux laboratoires Tesla sous contrat de l’Armée, a dénoncé les affirmations du même trio – Bellingcat, le Times et Human Rights Watch – qui accusaient le gouvernement syrien des attaques au gaz sarin encore plus tristement célèbres qui se sont produites à l’extérieur de Damas le 21 août 2013, et ont fait des centaines de victimes.

La carte controversée établie par Human Rights Watch et adoptée par le New York Times, censée montrer les trajectoires de vol de deux missiles lors de l’attaque au gaz sarin le 21 août 2013 se recoupant avec un départ d’une base militaire syrienne. Les éléments de preuves scientifiques sur lesquels s’appuie la carte se sont ensuite effondrés.
Postol et Lloyd ont montré que le missile portant le sarin avait une portée largement inférieure à la distance que le trio avait estimée en remontant sa trace jusqu’à une base gouvernementale.
Étant donné que la portée beaucoup plus courte [du missile] plaçait le point de lancement probable à l’intérieur du territoire contrôlé par les rebelles, l’épisode ressemblait à une autre provocation sous fausse bannière, qui a presque conduit le président Obama à lancer une importante frappe de représailles contre l’armée syrienne.
Bien que le Times ait reconnu à contrecœur les problèmes scientifiques posés par son analyse, il a continué d’accuser le gouvernement syrien du bombardement de 2013. De même, la « pensée de groupe » des officiels de Washington tient toujours que le gouvernement syrien a lancé cette attaque au gaz sarin et qu’Obama s’est dégonflé en n’appliquant pas sa « ligne rouge » de l’utilisation d’armes chimiques.
L’annonce par Obama de cette « ligne rouge », en effet, a été une incitation puissante pour Al-Qaïda et d’autres jihadistes de mettre en scène des attaques chimiques en présumant qu’elles seraient reprochées au gouvernement, attirant ainsi l’armée américaine du côté djihadiste. Si les « représailles » attendues d’Obama avaient dévasté l’armée syrienne en 2013, Al-Qaïda ou son rejeton, l’État islamique, auraient bien pu prendre Damas.
Pourtant, la « pensée de groupe » de 2013 persuadée de la culpabilité du gouvernement syrien vit toujours. Après l’affaire du 4 avril 2017, le président Trump a pris un malin plaisir à se moquer de la faiblesse d’Obama, en contraste avec sa supposée fermeté, qui l’a amenée à lancer rapidement une frappe « de représailles » le 6 avril (heure de Washington, soit le 7 avril en Syrie).
Les affirmations de la Maison-Blanche
L’attaque de Trump a eu lieu avant même que la Maison Blanche ne publie un rapport des renseignements favorable, quoique peu convainquant, le 11 avril. En ce qui concerne ce rapport, Postol a écrit : « La Maison-Blanche a produit le 11 avril 2017 un faux rapport de renseignements, afin de justifier l’attaque du 7 avril 2017 contre la Base aérienne syrienne de Sheyrat, en Syrie. Cette attaque risquait de provoquer un engagement involontaire contre la Russie et une éventuelle rupture de la coopération russo-américaine dans la guerre pour vaincre l’État islamique. Elle avait également tout un potentiel d’escalade vers un conflit militaire avec la Russie, avec de plus larges et plus graves conséquences.

Le président Trump prononce son bref discours à la nation expliquant sa décision de lancer une frappe de missiles contre la Syrie le 6 avril 2017. (Copie d’écran de Whitehouse.gov)
« Le New York Times et d’autres médias mainstream ont, immédiatement et sans examen approprié des preuves, adopté le faux récit produit par la Maison-Blanche, bien que ce récit soit totalement illégitime au regard des preuves scientifiques. Le New York Times a utilisé une organisation, Bellingcat, comme source d’analyse. Peu importe que Bellingcat ait une longue histoire de fausses affirmations fondées sur des faits déformés, sur des preuves scientifiques qui n’existent pas, ou sont absolument dépourvue de toute source valide prouvée ».
Postol poursuit : « Cette histoire du New York Times publiant des informations inexactes et s’y tenant quand une preuve scientifique solide réfute le récit original ne peut pas être expliquée en termes de simple erreur. Les faits indiquent de façon écrasante que la direction du New York Times ne se soucie pas de l’exactitude de ses informations.
« Les problèmes exposés dans cet examen particulier d’une analyse par le New York Times d’événements cruciaux liés à la sécurité nationale des États-Unis ne sont pas limités à cette seule histoire. Cet auteur pourrait facilement signaler d’autres erreurs graves dans le New York Times sur des questions techniques importantes associées à notre sécurité nationale ».
« Dans ces cas, comme dans le cas présent, la direction du New York Times a non seulement permis la diffusion d’informations fausses sans avoir vérifié l’exactitude des faits, mais elle a continué à diffuser de façon répétée les mêmes informations erronées dans les articles de suite. Il est peut-être inapproprié d’appeler cela des « fausses nouvelles », mais ce que ce terme lourd de sens décrit est dangereusement proche de ce qui est en train de se passer ».
Pas d’admissions
Lorsque j’ai interviewé Postol mercredi, il m’a déclaré qu’il n’avait reçu aucune réponse ni du Times ni de Bellingcat, ajoutant : « Il me semble que soit les analystes étaient ignorants au-delà du plausible, soit ils ont bricolé l’analyse… Pour moi, c’est une faute professionnelle à grande échelle ».
En se référant à certaines des scènes photographiées à Khan Sheikhoun, dont une chèvre morte qui semblait avoir été traînée vers un emplacement près du « cratère du sarin », Postol a qualifié l’opération de « tentative plutôt amateur de créer un faux récit ».
Mais le problème que le Times et Bellingcat présentent des informations douteuses – ou « frauduleuses » selon Postol – sur des questions sensibles de géopolitique et de sécurité nationale, revêt un autre aspect potentiellement encore plus grave. Ces deux entités font partie du First Draft Coalition, l’organisme d’actualités de Google qui est censé servir de gardien séparant la « vérité » des « fausses nouvelles ».
L’idée émergente est de prendre leurs jugements et de les intégrer dans des algorithmes destinés à débarrasser Internet des informations qui ne correspondent pas à ce que jugent vrai le Times, Bellingcat et autres organes de presse autorisés.
Que ces deux organisations fonctionnent avec un « biais de confirmation » sur les problèmes sensibles de guerre et de paix est donc doublement troublant : non seulement leurs futures « pensées de groupe » pourraient induire en erreur leurs propres lecteurs, mais elles pourraient également faire en sorte que les éléments de preuve contraires soient escamotés aux yeux de tous les autres.
Le reporter d’investigations Robert Parry a démonté plusieurs versions de l’Irangate pour le compte de l’Associated Press et Newsweek dans les années 80.