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Les alliés turcs néo-fascistes d’Erdogan (Consortium News)

par Jonathan Marshall 3 Juin 2017, 17:14 Erdogan Néofascisme Turquie MHP Nationalisme

Exclusif: La poussée du Président turc Erdogan vers un autoritarisme nationaliste a un allié important du côté du parti néo-fasciste Grey Wolves ( Loups Gris ) rapporte Jonathan Marshall.

 

Tous sauf un des principaux partis d’opposition en Turquie ont dénoncé dimanche le référendum sur la création d’ un nouveau système présidentiel autoritaire comme étant aussi bien pourri par la fraude que comme une menace sur les libertés politiques du pays. L’exception était le Parti du Mouvement Nationaliste (MHP), fondé en 1969 pour promouvoir un programme néo-fasciste, et ultra-nationaliste. Son destin mérite d’être considéré comme une indication sur la direction politique de la Turquie.

Le président Recep Tayyip Erdogan s’adresse aux citoyens devant sa résidence à Istanbul le 19 juillet 2016 ( Photo du site officiel de la présidence de la république de Turquie )

Le MHP et son aile paramilitaire, les Loups Gris, étaient parmi les leaders de la violence de  l’escadron de la mort turc contre les intellectuels de gauche, des universitaires et des activistes kurdes dans les années 70 et 80.. En échange, les forces de sécurité de  l’état de droite ont protégé leurs opérations criminelles, y compris le trafic de drogue. Un associé des Loups Gris,  Mehmet Ali Agca, a été reconnu coupable de tentative d’assassinat du pape Jean-Paul II en 1981.

Un reporter du New York Times a décrit les sympathisants du MHP comme  étant « un réseau xénophobe, fanatiquement nationaliste, néo-fasciste profondément violent. » Les leaders du parti, entraînés aux USA, ont aidé à exécuter un coup d’état militaire réussi en 1960, et en 1980 étaient impliqués dans le trafic d’héroïne en Europe occidentale.

Le premier ministre d’alors, Recep Tayyip Erdogan, aujourd’hui président, a brisé l’alliance étroite entre les services secrets, les criminels et les forces de droite par des purges massives et des inculpations en 2008. Cependant, l’année dernière, il a retourné beaucoup de ses anciens opposants, en faisant d’eux des alliés de son gouvernement sans cesse plus autoritaire et de ses aventures militaires en Syrie et en Irak.

Le gagnant de ce réajustement fut le MHP. Comme le Front National en France, le MHP a renoncé à beaucoup de ses positions  extrémistes ces dernières années, pour se joindre au courant dominant de la politique décente en Turquie.

Cependant ses racines racistes ont été exposées au public en 2015, quand des membres des Loups Gris ont attaqué un touriste Sud-Coréen à Istanbul et arboré des bannières disant « On a soif de sang chinois », pour protester contre la répression contre les séparatistes turcs par Pékin. Le leader du MHP,  Devlet Bahceli, a défendu ses partisans, en disant : « Comment pouvez-vous différentier un Coréen d’un Chinois ? Ils ont tous les yeux bridés, est-ce que c’est important? »

En tant que défenseur de la suprématie turque, le MHP reste par-dessus tout violemment opposé à lâcher la moindre concession aux séparatistes kurdes, et a dénoncé Erdogan pour avoir amorcé des pourparlers de paix avec eux en 2013.

Alliés contre les Kurdes

Deux ans après, Erdogan a retourné sa veste et commencé à menacer les Kurdes de guerre totale, aussi bien en Turquie qu’en Syrie. Cela plante le décor de l’alliance tacite entre son parti au pouvoir, le  AKP, et le MHP.

Les Jets Eagles F-15 du 493ème Escadron de Combat de la base de la Royal Air Force à Lakenheath, Angleterre, roulent vers la piste  pendant le dernier jour de ” l’Aigle Anatolien”, le 18 juin 2015 sur la 3ème base aérienne principale en Turquie. (U.S. Air Force photo/Tech. Sgt. Eric Burks)

Les Loups Gris ont attaqué les bureaux du parti d’opposition le Parti Démocratique du Peuple, qui soutient les droits des Kurdes et d’autres minorités politiques. Les chefs historiques du MHP, avec des jeunes membres de l’organisation, ont aussi rejoint le combat en Syrie en soutien du groupe ethnique turc contre le gouvernement d’Assad et les Kurdes syriens. Un journaliste turc a remarqué : « Les ultra-nationalistes sont le terrain le plus fertile pour des opérations secrètes. »

Même avec ses opposants bâillonnés ou emprisonnés sous l’état d’urgence décrété après le coup d’état militaire manqué l’année dernière, Erdogan a besoin du MHP, qui a 36 sièges sur 550 au parlement, pour obtenir l’approbation d’amendement de la constitution à l’issue du référendum de dimanche. Les responsables du MHP espèrent obtenir des postes dans le nouveau cabinet du président.

Le leader du MHP Bahceli a salué dimanche le vote qui garantit au président Erdogan des  nouveaux pouvoirs immenses comme « un succès significatif et l’étape décisive pour le futur de la grande nation turque ». Le chef des Loups Gris a promis que ses partisans « prendraient les armes et combattraient si nécessaire » pour défendre ce résultat.

Les combats pourraient bien sûr  être inévitables si les opposants, soutenus par les observateurs étrangers des élections, continuent à contester le référendum.

« Même s’ils sont démoralisés par leur défaite, le projet d’Erdogan suscitera une résistance significative parmi les différents camps du « Non », commente Steven Cook, un expert du Moyen-Orient au Conseil des Relations Etrangères. « Le résultat prévisible sera la poursuite de la purge existante même avant le coup raté de juillet dernier, y compris plus d’ arrestations et en plus la délégitimation de l’opposition parlementaire d’Erdogan. Tout cela déstabilisera davantage la politique turque ».

Il reste à voir comment l’administration Trump gérera le régime de plus en plus autoritaire de la Turquie et sa politique étrangère agressive. Le principal conseiller de sécurité nationale du président Trump, le lieutenant général en retraite Michael Flynn, a touché plus d’un demi-million de dollars d’un homme d’affaires turc pro-Erdogan pour promouvoir les intérêts d’Ankara. Flynn a également été rejoint par Devin Nunes, président du Comité de Renseignement Intérieur, pour une réunion privée au Trump Hotel à Washington avec le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Çavu le 18 janvier.

Toutefois, l’importance stratégique de l’accès des États-Unis à la base aérienne d’Incirlik en Turquie, d’où les avions de guerre américains lancent des attaques sur la Syrie, est plus importante encore que l’activité secrète de lobbying. La base abrite également quelque 50 bombes à hydrogène pour l’OTAN, ce qui donne à Washington d’autant plus de raisons de rester en contact amical avec le gouvernement turc.

Mais si Erdogan et ses nouveaux alliés parmi la droite ultra-nationaliste turque continuent de se faire de nouveaux ennemis à l’intérieur et à l’étranger, l’administration Trump devra repenser la légitimité à continuer à compter sur Ankara pour continuer ses interventions militaires permanentes au Moyen-Orient.

Jonathan Marshall est l’auteur de Turkey’s Revival of a Dirty ‘« Deep State », Turkey’s Nukes: A Sum of All Fears et Coups Inside NATO: A Disturbing History.

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.

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