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Alger, les chefs des régions militaires maitres de la succession (Mondafrique)

par Nicolas Beau 3 Juillet 2017, 13:47 Algérie Bouteflika Succession Généraux

Alger, les chefs des régions militaires maitres de la succession (Mondafrique)

Alors que la santé du président Bouteflika s'est encore détériorée, les couteaux sont tirés à Alger entre les clans qui se disputent la succession. Décryptage.

A Alger, la santé du président Abdelaziz Bouteflika qui ne sort pratiquement plus du palais de Zéralda transformé en maison de cure médicalisée s’est à nouveau considérablement détériorée. Les couteaux sont tirés entre les principaux clans qui prétendent gérer la succession de l’actuel président algérien. A l’avant garde de cette transition, se trouvent  le clan présidentiel, animé par le frère du chef de l’Etat, Saïd Bouteflika, et l’Etat major militaire, avec à sa tète le vice-ministre de la Défense depuis 2013, Ahmed Gaïd Salah. Une seule certitude, ces deux clans, alliés voici trois ans pour écarter le puissant chef du DRS (services secrets algériens), le général Mohamed Mediène, dit « Toufik », véritable maitre de l’Algérie depuis un quart de siècle, se livrent désormais une guerre sans merci.

L’équation politique algérienne est à quatre inconnues. Une candidature à la présidence en Algérie repose en effet sur les choix effectués par l’armée algérienne, les services de sécurité, les hommes d’affaires dont l’influence est devenue considérable et enfin les partenaires internationaux, notamment occidentaux. Seul manque à l’appel le peuple algérien qui, sauf mobilisation jugée fatalement intempestive par l’ensemble des élites au pouvoir, est le dernier à être consulté.

 

Une transition à la cubaine

Ce n’est désormais un secret pour personne. « Le Régent » de Zéralda, Saïd Bouteflika, est sur les rangs pour succéder à son frère. On le voit suivre des séances de media training et  constituer autour de lui une quasi équipe de campagne.  » Il est de plus en plus tenté de prétendre à la succession de son frère,  à la façon dont Raoul Castro a succédé à don frère Fidel à Cuba, dit-on dans son entourage, mais il n’est pas sur que ce soit une bonne idée ».

 

Disons que Saïd Bouteflika s’interroge sur le rapport de force qui existe au sein des élites algériennes. Le soutien de l’ancien ministre du pétrole, Chakib Khelil, lui est fort précieux. Celui qui fut longtemps le dauphin présumé d’Abdelaziz Bouteflika et son ami intime dispose de très bonnes introductions aux Etats-Unis où il s’est longtemps exilé pour fuir la justice italienne. Ce qui assure à son ami Saïd une certaine bienveillance des Américains, dont le nouvel ambassadeur à Alger se montre très actif.

Saïd Bouteflika dispose surtout de nombreux soutiens auprès des milieux d’affaires qu’il a arrosé sans retenue ces dernières années dans une dérégulation des commissions jamais vue. A Alger, les nuits sont de plus en plus longues dans les luxueuses villas appartenant aux amis de Saïd. Le milliardaire Karim Kouninef, le fidèle d’entre les fidèles, vit dans un quartier discret et chic de Hydra, la banlieue résidentielle d’Alger. On découvre aussi Saïd Bouteflika, ces temps ci, dans une villa le quartier dit du chemin des Glycines, près de l’ambassade de Suisse.

 

Luttes de sérail

Nettement plus complexe à décrypter est la situation qui prévaut dans l’appareil sécuritaire. Ainsi pour remplacer l’inamovible général Toufik, la Présidence a nommé à la tète du DRS (services algériens), Athmane Tartag/Lequel passe pour soutenir la candidature de Said Bouteflika à la succession du chef de l’état. Mais jusqu’à quel point?

La semaine dernière, un colonel du DRS, chargé du secteur de l’information, a été poussé brutalement vers la sortie. Des fuites sur le site « Algérie Part » sur la situation financière d’Ahmed Ouyahia, un ancien Premier ministre algérien, auraient été à l’origine de cette éviction. Il reste que la séquence est très difficile à analyser. Ahmed Ouyahia est en effet conseiller à la Présidence algérienne auprès d’Abdelaziz Bouteflika et dans le même temps, candidat possible à sa succession, avec à son actif de véritables réseaux au sein des anciens du DRS qui restent très actifs.

Qui a cherché à provoquer une fuite contre Ouyahia pour lui nuire? Et qui a décidé de sanctionner le présumé auteur de cette vilenie au sien du DRS? Autant de questions qui reflètent la complexité du sérail algérien à la veille de cette succession à hauts risques. Mais la clé de cette transition appartient à l’Armée, la seule colonne vertébrale du système.

 

La grand muette.

Le vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, que beaucoup voient comme un possible pape de transition, fourbit ses armes. Depuis sa nomination en 2013, ce général n’a cessé d’étendre son champ d’intervention notamment via l’activisme de la Direction centrale de la sécurité des armées (DCSA), un véritable DRS bis. On le découvre, ces temps ci, faisant la tournée des popotes à l’intérieur du pays. C’est que les six chefs des régions militaires, les vrais baronnies de l’armée algérienne, tiennent en grande partie les clés de la transition politique à venir.

Ce sont eux et eux seuls qui peuvent garantir que l’ordre public soit maintenu si la rue commence à s’agiter après une disparition du président Bouteflika. Et eux encore qui peuvent dans une transition difficile préserver le pays du terrorisme, en veillant notamment à la sécurité aux frontières avec la Tunisie et la Libye. Or ces généraux qui ne sont pas des perdreaux de l’année, sont profondément légitimistes et fidèles à leur chef, le général Gaïd Salah. Des liens qui sont le fruit d’un long compagnonnage.

Ces chefs de région militaire constituent aujourd’hui un obstacle quasi insurmontable à l’irrésistible ascension de Saïd Bouteflika. Sauf décapitation de l’état major de l’armée, un scénario auquel on doit rêver parfois au Palais de Zéralda mais qui serait un suicide pour la nation algérienne.

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