Pourquoi Mahmoud Abbas laisse-t-il des enfants mourir à Gaza ?
Par Ali Abunimah
The Electronic Intifada
Traduction Jean-Marie Flemel Pour la Palestine
Le profondément impopulaire dirigeant de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas aide les autorités d’occupation israéliennes à infliger d’horribles souffrances à la population de la bande de Gaza sous blocus, et cela fait partie d’un jeu politique particulièrement cruel et cynique.
Il s’agit d’une campagne qui, ces dernières semaines, s’est traduite par le décès de plus d’une douzaine de Palestiniens à qui l’on a refusé un traitement médical en dehors de Gaza – le cas le plus récent est celui d’une petite fille appelée Yara Ismail Bakhit.
Israël et Abbas agissent de la sorte avec la complicité de ce qu’on appelle la communauté internationale, laquelle reste silencieuse à propos de cette catastrophe qui bat son plein.
Étroitement allié à Israël, Abbasa depuis longtemps qualifié sa collaboration avec les forces d’occupation de « devoir sacré ».
Dans le cadre de cette collaboration, Abbas a entre autres encouragé Israël, dès les premiers instants, à durcir son blocus de Gaza.
Ce siège de plus de dix ans déjà a conduit les deux millions de résidents confinés dans le territoire à ce qui est sans doute leur crise la plus dure, dans une période comprenant également nombre d’offensives militaires successives qui ont tué des milliers de personnes.
Jeudi, la seule centrale électrique de Gaza a été mise à l’arrêt après la cessation de l’approvisionnement d’urgence en carburant.
Le territoire dépend désormais d’à peine 70 mégawatts d’électricité fournis à partir d’Israël et qui ne constituent qu’une fraction des 500 mégawatts dont l’enclave a besoin quotidiennement.
Un graphique des heures d’approvisionnement en électricité publié dans le quotidien de Tel-Aviv Haaretz montre que Gaza-ville a reçu du courant pendant trois heures à peine, et que d’autres secteurs en ont reçu pendant quatre heures.
Mais, du fait que la fourniture d’électricité a atteint son point historiquement le plus bas en début de semaine, la plupart des résidents sont confrontés à de longues tranches horaires sans le moindre courant, alors que la chaleur de l’été est particulièrement étouffante.
En sus de l’obscurité et de la chaleur, bien des gens à Gaza sont privés de tout contact avec le monde extérieur : la compagnie de télécommunication de l’AP, Paltel, a déclaré qu’Internet et les services téléphoniques de milliers de clients à Gaza avaient subi de graves dommages en raison de l’arrêt des générateurs.
Mercredi, des responsables des droits de l’homme de l’ONU ont insisté sur le fait que les dernières coupures de courant « ont aggravé la crise humanitaire, avec les hôpitaux dans des conditions précaires, la pénurie d’eau croissante et les eaux usées déversées la Méditerranée sans avoir été traitées ».
Selon toute vraisemblance, leurs avertissements seront ignorés, comme tant d’autres déjà au cours des mois précédents, y compris ceux du Comité international de la Croix-Rouge qui a déclaré en mai que Gaza était au bord d’un « effondrement systémique ».
Depuis des mois, les établissements de soins de tout le territoire sont en crise et le principal hôpital de Gaza-ville a dû réduire considérablement ses interventions chirurgicales vitales du fait qu’il n’y a pas assez de courant pour faire fonctionner les équipements censés maintenir les patients en vie.
Du fait que les stations d’épuration sont hors service, le territoire patauge littéralement dans les eaux usées.
Pourtant, l’Union européenne, qui ne se lasse jamais de claironner son engagement envers les « droits de l’homme », a conservé un silence obstiné qui ne peut s’interpréter que comme un soutien entier aux mesures infligeant de telles souffrances à Gaza.
En lieu et place, l’ambassade de l’UE à Tel-Aviv, de même qu’un haut responsable de l’ONU, ont encensé l’AP d’Abbas d’avoir collaboré avec Israël en vue d’accroître la fourniture d’électricité à Jénine, une ville du nord de la Cisjordanie occupée.
Le moment de cette annonce, qui a eu lieu en même temps qu’une grotesque cérémonie officielleavec coupure de ruban et au cours de laquelle des responsables de l’AP sont apparus aux côtés d’officiers de l’armée israélienne, semblait calculé pour retourner le couteau dans les plaies des habitants de Gaza.
Finalement, jeudi, après avoir ignoré Gaza pendant des mois, l’UE – qui fait partie de ce qu’on appelle le Quartet – a sorti une vague déclaration exprimant son « inquiétude », mais sans un mot sur la responsabilité israélienne.
Les experts de l’ONU ont insisté sur le fait que, si les coupures de courant étaient nominalement appliquées à la demande de l’Autorité palestinienne à Ramallah, Israël restait néanmoins juridiquement responsable de la chose.
Précédemment, de hauts responsables de l’ONU avaient tenté d’atténuer la responsabilité d’Israël, rejetant le blâme sur la querelle intestine entre l’AP dirigée par Abbas et les autorités du Hamas qui contrôlent l’intérieur de Gaza.
En avril, l’AP a fait savoir à Israël qu’elle ne paierait plus la totalité de la facture de l’électricité qu’Israël fournit à Gaza. Cela faisait partie de la campagne d’Abbasvisant à évincer le Hamas en infligeant des privations supplémentaires à la population de Gaza.
Au cours du mois dernier, Israël a considérablement réduit la quantité de courant qu’il livre à Gaza – dont c’est la principale source d’électricité.
« En tant qu’occupant contrôlant les entrées et sorties des marchandises et des personnes, Israël était le principal responsable de la détérioration de la situation », ont déclaré les experts en droits de l’homme de l’ONU ce mercredi, comme en témoigne un communiqué de presse de l’ONU.
Les associations des droits de l’homme ont précédemment affirmé qu’il était illégal de la part d‘Israël, en tant que puissance occupante, de couper l’électricité à destination de Gaza, et ce que peut dire Abbas à ce propos ne change strictement rien à l’affaire.
Malgré la décision du cabinet israélien d’accepter le « plan cruel » de l’Autorité palestinienne « de continuer à réduire la livraison d’électricité à Gaza », a déclaré B’Tselem le mois dernier, la situation à Gaza « est le résultat du travail qu’Israël a réalisé en appliquant sa politique brutale durant des décennies entières ».
La petite Yara Ismail Bakhit, trois ans, qui souffrait d’une maladie cardiaque, est décédée parce qu’on lui a refusé un transfert médical à l’extérieur de Gaza.
Le Dr Ashraf al-Qidra, porte-parole du ministère de la Santé à Gaza, a déclaré jeudique la fillette, originaire de la ville du sud de Khan Younis, était la 16e personne décédée ces dernières semaines en raison de impossibilité d’assurer un transfert médical.
Le décès de Yara est un autre sacrifice sur l’autel de la campagne d’Abbas contre la population de Gaza ; il est dû aux longs délais que son ministère de la Santéimpose aux requêtes de transferts médicaux vers les centres de soins israéliens ou cisjordaniens.
Le ministère de la Santé de Ramallah doit approuver de telles requêtes avant qu’Israël ne le fasse, parce que c’est lui qui paie tous les traitements fournis dans les hôpitaux israéliens ou cisjordaniens.
Le Centre palestinien des droits de l’homme (CPDH) a rapporté une diminution constante du nombre de transferts médicaux depuis avril – au moment où a débuté la recrudescence des attaques d’Abbas contre la population de Gaza.
Lundi, le CPDH a déclaré que le ministère de la Santé de l‘AP n’avait pas accepté de renouveler les transferts pour « des centaines de patients souffrant de maladies graves et chroniques, mais n’avait pas expliqué les raisons de cette décision ».
Selon le CPDH, le nombre de transferts a diminué, de près de 2 200 en mars, à 1 700 en avril, et il était en dessous de 1 500 en mai. En juin, l’AP en a autorisé 500 à peine.
Au début juin, les autorités médicales de Gaza ont autorisé quelque 2 500 patients « souffrant de maladies graves impossibles à traiter à Gaza » à se faire soigner en dehors du territoire. Mais, un mois et demi plus tard, les autorités de Ramallah n’en ont accepté que 400.
Le CPDH s’est dit « choqué » de ce que les hôpitaux de Cisjordanie se sont mis à refuser de voir des patients de Gaza du fait qu’il n’y a pas de garantie de paiement.
Dans le même temps, le ministère de la Santé d’Abbas a également pratiqué des coupes sombres dans le budget des médicaments à destination de Gaza, se qui se traduit par une crise aiguë mettant en grave danger les vies de centaines de personnes, dont des enfants atteints de mucoviscidose et des patients cancéreux.
Le CPDH a déclaré : « Refuser à des patients leur droit à recevoir un traitement médical à l’étranger, au vu de l’absence d’une alternative adéquate à Gaza, constitue une violation manifeste du droit à la santé tel que le garantit la législation fondamentale palestinienne » – autrement dit, la constitution de l’Autorité palestinienne.
Le CPDH invite les gouvernements du monde entier à exercer des pressions surIsraël, « dans sa capacité de puissance occupante », pour qu’il garantisse les droits des habitants de Gaza en conformité avec la Quatrième Convention de Genève.
Il demande également « à la communauté internationale d’exercer des pressions sur l’Autorité palestinienne afin qu’elle ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux des Palestiniens résidant dans la bande de Gaza » et qu’en conformité avec le droit international, elle respecte ses obligations envers le peuple palestinien qu’elle est censée servir.
Le problème, c’est que l’Autorité palestinienne et son chef sont des instruments aux mains de la prétendue communauté internationale et qu’en tant que tels, ils servent avant tout à nuire aux Palestiniens et à leur cause.
Leur rôle consiste à aider Israël à occuper et pacifier la population palestinienne, même au prix de la vie des enfants de Gaza.
Ali Abunimah | 13/7/2017 | The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal