Franc CFA : Quand Alassane Ouattara prie ses maîtres occidentaux d'étendre la colonisation monétaire à la CEDEAO
Par Ndam Njoya Nzoméné
Cameroon Voice
Ramant résolument à contre-courant d'une opinion africaine largement opposée au maintien du franc Cfa, le suzerain ivoirien n'a pas trouvé mieux, pour faire allégeance à son souverain français, que de lui déclarer son amour infini pour cette monnaie imposée à ses anciennes colonies par la France, et qualifiée aujourd'hui dans les pays où elle a cours de "monnaie de la servitude économique".
Pour les langues venimeuses, il n'est qu'un pantin "franco-onucien" parachuté à la tête d'un Etat africain pour veiller sur les intérêts françafricains, mis à mal un temps par un Laurent Gbagbo incontrôlable et donc imprévisible. Pour les plus indulgents, il n'est qu'un roitelet nègre qui se laisse souvent éblouir par ses parrains occidentaux. Mais qu'il soit l'un ou l'autre, ou tous les deux à la fois, Alassane Ouattara (alias "le Moro Naba ivoirien, en référence à ses origines Burkinabé) ne cesse plus de surprendre désagréablement son monde, lui qui, sans avoir été sollicité par personne, si oui par son zèle laudateur, s'est fendu d'un obscène plaidoyer en faveur du franc CFA à un moment où la seule évocation de cette monnaie donne de fortes poussées d'urticaire aux Africains, qui, aujourd'hui plus que jamais, dans leur immense majorité, que ce soit par suivisme, ou par conviction, la rejettent avec la dernière énergie.
« Notre zone monétaire est une zone solide. C'est une zone où la couverture monétaire est de plus de 75%. Nous couvrons les ¾ de nos émissions monétaires et la Banque centrale à plus de 5 mois d'importation en devise. Ce qui veut dire que c'est une zone solide. Il n'y a pas d'inquiétude. ».
Voilà déblatéré tout d'un trait, l'appel du pied adressé par monsieur Ouattara à son homologue français, qui sous le prétexte de tenir un brin de causette sur les solutions envisageables à la crise migratoire, a récemment invité ses administrateurs des colonies pour une séance de prise de contact que bon nombre d'entre eux appelaient depuis de tous leurs vœux.
Visiblement ébloui par les lambris sertis de diamants de l'Elysée, le président ivoirien a dû en perdre son flegme et le sens de la mesure dont il aurait dû faire montre en parlant du franc CFA, par ces temps où la plus récente actualité relative à cette monnaie (affaire Kémi Séba), montre que les Africains ne la portent pas dans leurs cœurs. Aussi a-t-il fait savoir à macron que l'objectif actuel des chefs d'Etat de la zone CFA est l'élargissement de cette zone monétaire à la CEDEAO.
Surréalisme
Du grand format de mystification s'il en est. Prenons un Etat comme le Nigeria, un des rares pays d'Afrique de l'Ouest à pouvoir aligner une balance commerciale excédentaire sur sept bonnes années ; qui dispose d'une monnaie flexible (le Naira –NGN-) dont la parité avec le CFA est de 1 NGN pour 1,55 FCFA ; dont la population (193 millions d'habitants) constitue plus de la moitié de toute la population des Etats membres de la CEDEAO (351 millions d'habitants -hors Maroc- ou 384 millions –Maroc compris-), dont le PIB (481 millions de dollars US) représente 77% du PIB de la CEDEAO à 15 membres (623 Mds $) et 66% du PIB de la CEDEAO à 16 membres, en comptant le Maroc qui y fera probablement son entrée en décembre prochain (728 Mds $). Est-il imaginable qu'avec un tel potentiel aussi multidimensionnel, le Nigeria troque sa monnaie, gage de sa souveraineté économique, pour aller se fourrer dans la galère d'une monnaie soit disant stable –d'aucuns disent statique-, donc sans possibilité de s'apprécier ou de se déprécier au gré des stratégies macroéconomiques conjoncturelles, qui dépend du Trésor Français, lequel, à son tour a des comptes à rendre à la Banque centrale Européenne.
Mis à part le Nigeria, le Maroc dont le PIB (105 000 Mds $) est supérieur à celui réuni (environ 91 Mds $) de tous les neuf Etats de la CEDEAO ayant le Franc CFA comme monnaie (Bénin, Burkina, Côte d'Ivoire, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), peut-il accepter ce type de compromis aux allures de "contrat de Sioux" alors que sa propre monnaie (le Dirham) vaut 58.84 FCFA/l'unité ?
Lèvres qui ont trahi trahiront-elles toujours ?
Alors, question : Où notre docte docteur en Economie de l'Université de Philadelphie (Pennsylvanie) est-il allé puiser les données qui lui ont permis de déduire que la solidité de la zone CFA en Afrique de l'Ouest est telle que les autres Etats battant leurs propres monnaies accepteront de se faire absorber par un instrument monétaire aussi bordélique que le CFA ?
Avait-il avalé du gros rouge grand cru de Bordeaux pour se laisser ainsi aller dans ses prétentions, ou bien a-t-il seulement voulu donner l'impression à son maître qu'il travaillait fidèlement à attirer dans sa nasse tous les autres Etats de la CEDEAO qui se tenaient encore à l'écart et s'en portaient plutôt mieux ?
Comment le président ivoirien a-t-il pu dire une telle infamie au nom de ses pairs de la CEDEAO alors qu'il y a à peine cinq mois, le 28 mars 2017, lors de la "2ème Conférence Internationale sur l'Emergence de l'Afrique" tenue à Abidjan même, son homologue guinéen, Alpha Condé dénonçait en sa présence, et sans la moindre circonlocution, le lien vassalitique existant encore entre l'Afrique francophone et la France près de 60 ans après les indépendances.
« Nous sommes encore trop attachés à la puissance coloniale. Il faut couper le cordon ombilical », avait alors presque hurlé le lointain successeur de Ahmed Sékou Touré, à l'intention de ses homologues et de leurs représentants venus du Tchad, du Togo, du Sénégal, du Gabon, d'Afrique du Sud, de Tanzanie, du Libéria…), avant d'ajouter : « Nous devons nous faire confiance… L'Union Africaine est financée par l'Union Européenne. Comment voulez-vous parler d'indépendance ?... ».
On se souvient que prenant la parole, le même Ouattara dont l'assurance sur la solidité de la zone franc a scandalisé grand monde en Afrique, s'était lancé dans une invite à la circonspection couarde : « J'ai oublié de dire à Alpha que nous étions en direct », obligeant son homologue à arracher le micro pour faire une mise au point à l'intention de qui mal y pense : « Alassane, moi j'assume ce que je dis ». Pour certains analystes, cette réplique du Pr. Condé au Dr. Ouattara signifiait simplement : « Cher ami, ayez le courage des opinions que vous gueulez dans le secret de votre chambre à coucher ».
A propos de cette attitude de couard versatile, doublé d'un traître servile, voici ce qu'écrivait vendredi sur son mur Facebook, notre confrère Jean-Marc Soboth, en réaction au discours « ouattarien » sur la fiabilité et la viabilité du CFA « Emmanuel Macron a rencontré hier, 31 août, à l'Élysée le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara pour parler du franc Cfa, mécanisme monétaire contrôlant 15 ex-colonies. Bien évidemment, les deux grands employés de la France se sont auto-congratulés des avantages de la monnaie coloniale française à la place des Africains lambdas comme d'habitude. Et comment cela pouvait-il en être autrement?? Or il n'y a même pas si longtemps qu'à RFI (lien disponible online), le président guinéen Alpha Condé disait que le même Ouattara (se rappelant sans doute qu'il est un Docteur en Sciences Éco) lui avait formellement déconseillé le retour de la Guinée-Conakry au sein du franc Cfa où l'avait retiré contre vents et marées Ahmed Sekou Toure. Le même Ouattara lui avait dit que la Guinée aurait encore besoin de la flexibilité qu'offre une monnaie souveraine... Le même Ouattara... Un caméléon. »
Quelle galère !