MAJ 02.10.17
Bulletin du 19.09 au 1.10.17
Macron's Watch
- Macron's Watch n°5. "Encore un autre président français raté" selon le NYT; Jupiter, Janus et terrorisme; Florilège de discours méprisants
- Macron's Watch n°4. Fin de la démocratie en France ? Psittacisme atlantiste sur le Venezuela et la Syrie ?
- Macron's Watch n°3. CPI; Recolonisation; OTAN; Néolibéralisme
- Macron's Watch n°2. Mépris, Aliénation et Crimes de guerre
- Macron's Watch n°1. Hollandisation ?; Néocolonialisme au sommet de l'armée; Rafle du Vel d'Hiv' et duplicité; Françafrique, néolibéralisme et suprématie blanche
- Pourquoi un Macron's Watch ?
Les Droits de l'Homme et le double discours permanent de Macron
On a beaucoup glosé sur la duplicité macronienne, son art de tenir de beaux discours humanistes et d'agir en contradiction avec les principes moraux qu'il expose, sur la non conformité de ses paroles et de ses actes semblant le plonger dans une dissonance cognitive de tous les instants. Pourtant, il n'en est rien. Il semble que l'homme Macron en parfait VRP de l'oligarchie militaro-indutrielle et financière ait su intégrer les codes de la real politik aussi cyniques soient-ils. Il est en quelque sorte un digne héritier des "monarques de la République" qui l'ont précédé. Il a fait sienne cette maxime que l'on prête à l'ex-président Jacques Chirac : "Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent". On pourrait ainsi dire que pour Macron ses paroles humanistes n'engagent que ceux qui les écoutent.
Nous avions déjà signalé son double discours dans les précédents Macron's Watch (MW).
Dans le MW n°1, nous évoquions sa condamnation des crimes de guerre des nazis et de leurs supplétifs à Oradour sur Glane alors qu'il recevait le lendemain le chef d'état ivoirien Ouattara porté au pouvoir par l'armée française et dont les troupes rebelles ont commis un massacre à caractère génocidaire à Duékoué. Nous évoquions également sa condamnation du régime français de Vichy et le fait que dans la même période il choisisse un chef des Etat-major des armées françaises impliqué comme tant d'autres militaires et politiques français dans le génocide rwandais.
Dans le MW n°5, nous évoquions le visage de Janus du nouveau chef de guerre de la République. Macron a en effet condamné dans les colonnes du Point, le soutien du Qatar et de l'Arabie saoudite au terrorisme djihadiste dans le monde. (Source : L'Express Pour Macron, le Qatar et l'Arabie Saoudite ont financé le terrorisme). En faisant cette déclaration, Macron reconnaissait implicitement que la France a soutenu des pays qui ont financé le terrorisme. Un soutien français qui a été politique, diplomatique et militaire.
Mais la semaine dernière, on apprenait par le Canard enchaîné du 21.09.17, que Macron fidèle à sa duplicité entendait organiser des manoeuvres militaires avec le Qatar : "Macron a décidé que des marins français participeraient à des manoeuvres avec leurs "collègues" du Qatar. Deux frégates, le "Surcouf" et le "Jean-Bart", accompagnés d'escorteurs, seront du spectacle, et les exercices se dérouleront à partir de la base navale de Doha, la capitale, et dans les eaux territoriales de l'émirat.Le chef d'état-major des armées qataries ne se sent plus de joie car, à l'entendre, cet engagement français est la preuve d'une opération militaire exemplaire entre la France et son pays." (Après avoir déclaré que le Qatar soutenait le terrorisme, Macron organise des manoeuvres militaires avec le Qatar).
Mieux, selon les déclarations d'Amnesty international au Monde, les autorités françaises auraient ménagé l'Arabie saoudite à l'ONU pour éviter qu'une commission d'enquête internationale indépendante soit mise en place pour juger les éventuels crimes de guerre de la coalition saoudienne (soutenue par la France, les USA, Israël et la Grande-Bretagne) devant une juridiction internationale : "la présidente d'Amnesty international France, Camille Blanc, accuse Paris de faire obstacle à l'adoption d'un mécanisme d'enquête indépendant à Genève et demande au président Emmanuel Macron de mettre en accord ses paroles et ses actes." Résultat des courses, une enquête indépendante a été choisie par consensus à l'ONU le 30.09.17 mais sans le niveau d'exigence d'une commission d'enquête internationale demandé par les Pays-Bas et l'Australie pouvant porter des accusations devant un Tribunal international. Selon TeleSUR : "L'Arabie saoudite et ses alliés ont bloqué toute tentative d'ouvrir une enquête internationale indépendante sur les crimes de guerre présumés au Yémen... L'enquête de compromis, qui enverra un groupe d'experts faire un rapport dans un an sur les violations des droits de l'homme dans ce pays déchiré par la guerre, est beaucoup plus souple que la proposition initiale présentée par les Pays-Bas et appuyée par plusieurs pays de l'Union européenne et par le Canada. La proposition initiale prévoyait la création d'une commission d'enquête au plus haut niveau des Nations unies, une commission d'enquête capable de porter des accusations devant les tribunaux internationaux."
Selon RFI : "deux projets de résolutions étaient en discussions. L'un, proposé par les Pays-Bas soutenu par les Européens, demandait la création d'une commission d'enquête internationale, le plus haut niveau d'enquête possible. Il a finalement été révisé jeudi soir, demandant l'envoi d'experts internationaux. Le projet défendu par les pays arabes n'appelait quant à lui qu'à « une assistance (...) pour permettre à la Commission nationale d'enquête de mener à terme son travail ». Les pays arabes ont finalement durci leur projet pour trouver un consensus avec les pays européens."
On n'est donc pas surpris que le gouvernement Macron ait protégé l'Arabie saoudite à l'ONU. "Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, quant à eux, n'ont pas soutenu la proposition néerlandaise, mais ont plutôt encouragé et soutenu le compromis qui a finalement été atteint sans vote" (TeleSUR).
Macron, il est vrai a l'art des beaux discours moraux et humanistes comme celui qu'il a prononcé pour la première fois à l'ONU le 19 septembre 2017, à New York. La première partie est un superbe discours sur la création de l'unité européenne contre la barbarie nazie mais après à peine 3 minutes il dérape et prend une direction à sens inverse lorsqu'il fait l'apologie d'une petite fille martyre dont les parents sont des djihadistes et dont il "veut porter la voix" à l'ONU. Son beau discours humaniste s'effondre après seulement 3'00'' et montre une conception pour le moins sélective des droits de l'homme.
A 2'52, après un long plaidoyer sur l'oppression nazie en Europe et en France et les leçons d'histoire, Macron rend hommage à Bana, citoyenne d'Alep..
Selon Bassan Tahhan, spécialiste du monde arabo-musulman, les parents de la petite fille martyre dont Macron déclame le nom à l'ONU sont des "Daechistes" (Vidéo ci-dessous).
Selon Russia Today, les parents de Bana l'ont utilisée pour "blanchir le terrorisme" à Alep. Selon Khaled Iskef, dans la maison des parents de Bana, il "a trouvé un carnet de notes documentant le travail du père de Bana avec les terroristes au fil des ans. Selon le carnet (et coïncidant avec les photos qui figuraient auparavant sur ses pages des médias sociaux)," le père de Bana "était un entraîneur militaire de la brigade islamique Sawfa, et il a travaillé au Conseil de la charia à l'hôpital oculaire d'État occupé, sous le contrôle de l'Etat islamique pendant un certain temps jusqu'en 2014, et à al-Nosra pendant toute la durée de sa présence. Le Conseil de la charia, auquel il a travaillé, a pris des décisions sur l'emprisonnement et l'assassinat des civils capturés qui ont été jugés". (Russia Today).
Dans une interview sur la chaîne UK Column News, la journaliste d'investigation Vanessa Beeley a expliqué que le père de Bana était le directeur du "Registre civil du Conseil d'Alep oriental","dirigé par Abdul Aziz Maghrabi, qui faisait partie des brigades Tawhid en 2012 lorsqu'elles ont envahi l'est d'Alep. Il devint alors non seulement un leader du Front al-Nosra, mais aussi l'instigateur de l'organisation des Casques Blancs à l'est d'Alep.
A 6'00, la journaliste Vanessa Beeley dénonce l'exploitation et l'instrumentalisation de Bana par ses parents à des fins de propagande djihadiste.
On résume :
1. Macron dénonce les crimes de guerre nazis à Oradour-sur-Glane et reçoit le lendemain à l'Elysée en grande pompe le chef d'Etat françafricain Ouattara dont les troupes, soutenues par l'armée françaises, sont mises en cause dans des crimes de guerre en Côte d'Ivoire en 2011 à Duékoué jamais jugés.
2. Il dénonce les crimes contre l'humanité de la France du régime de Vichy durant la seconde guerre mondiale et nomme un chef des armées mis en cause pour sa compromission avec des génocidaires rwandais en 1994.
3. Il dénonce le soutien du Qatar et de l'Arabie saoudite au terrorisme international et organise des manoeuvres militaires avec le Qatar tandis que sa diplomatie intervient pour sauver la mise de l'Arabie saoudite à l'ONU suite à des allégations de crimes de guerre au Yémen.
4. Il dénonce la barbarie nazie et le génocide en 1940-1945 sur les décombres duquel l'Europe a du se reconstruire et fait l'apologie d'une fille d'Alep dont les parents sont des djihadistes, groupes d'islamistes radicaux connus pour leurs pratiques génocidaires en Syrie.
Une parole humaniste masque d'une real politik des plus cyniques ? Un épouvantail pour continuer la collaboration avec les pires entités ?
Dans une Tribune libre dans Le Monde, Philippe Bolopion, de l’ONG Human Rights Watch, pose la question : « Macron aura-t-il le courage de cesser de vendre des armes à l’Arabie saoudite ? ». A en croire les décisions de Macron envers le Qatar visant à renforcer la collaboration militaire et avec l'Arabie saoudite à l'ONU sur la question du Yémen, on peut sérieusement douter que la réponse soit positive.
Le discours sur les droits de l'homme comme couverture ?