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Qu'y a-t-il derrière la réconciliation Hamas-Fatah ? (Middle East Monitor)

par Middle East Monitor 15 Octobre 2017, 11:52 Hamas Fatah Réconciliation Israël Palestine Egypte USA Articles de Sam La Touch

Qu'y a-t-il derrière la réconciliation Hamas-Fatah ?
Article originel : What Is Behind the Hamas-Fatah Reconciliation?
Par Ramzy Baroud*
Middle East Monitor, 11.10.17


Traduction SLT

Qu'y a-t-il derrière la réconciliation Hamas-Fatah ? (Middle East Monitor)

Tout accord d'unité entre le Hamas et le Fatah au service des gouvernements des États-Unis et d'Israël plutôt que du peuple palestinien est une imposture.

L'enthousiasme de l'Egypte à arbitrer entre factions palestiniennes en conflit, le Hamas et le Fatah, n'est pas le résultat d'un réveil de conscience soudain. Le Caire a en effet joué un rôle destructeur en manipulant la division palestinienne en sa faveur, tout en maintenant le poste frontière de Rafah sous clé.

 

Toutefois, les dirigeants égyptiens agissent manifestement en coordination avec Israël et les États-Unis. Si le langage émanant de Tel-Aviv et de Washington est assez réservé en ce qui concerne les pourparlers en cours entre les deux partis palestiniens, s'ils sont lus attentivement, leur discours politique n'est pas totalement indifférent à la possibilité que le Hamas rejoigne un gouvernement d'unité sous la direction de Mahmoud Abbas.

Les commentaires du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu au début du mois d'octobre confirment cette allégation. Il n'a pas rejeté catégoriquement un gouvernement Hamas-Fatah, mais il a exigé, selon le Times of Israel, que "tout futur gouvernement palestinien dissolve l'aile armée de l'organisation terroriste (Hamas), rompe tous les liens avec l'Iran et reconnaisse l'Etat d'Israël".

Le président égyptien, Abdel-Fattah el-Sisi, aimerait également voir un Hamas plus faible, un Iran marginalisé et un accord qui remettrait l'Égypte au centre de la diplomatie au Moyen-Orient.

Sous les auspices du dictateur égyptien, le rôle autrefois central de l'Égypte dans les affaires de la région est devenu marginal.

Mais la réconciliation entre le Hamas et le Fatah donne à el-Sisi l'occasion de redonner à son pays, une image qui a été ternie ces dernières années par les brutales mesures de répression contre l'opposition de son pays et ses interventions militaires mal calculées en Libye, au Yémen et ailleurs.

En septembre, en marge de la conférence de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, el-Sisi a rencontré Netanyahu pour la première fois publiquement. La nature exacte de leurs pourparlers n'a jamais été entièrement révélée, bien que les médias aient signalé que le dirigeant égyptien a tenté d'inciter Netanyahu à accepter un accord d'unité entre le Hamas et le Fatah.
 

Dans son discours à l'Assemblée générale des Nations Unies, el-Sisi a également lancé un appel passionné et impromptu en faveur de la paix. Il a parlé d'une " opportunité " qui doit être utilisée pour parvenir à l'accord de paix tant convoité du Moyen-Orient et a appelé le président étatsunien Donald Trump à "écrire une nouvelle page de l'histoire de l'humanité" en profitant de cette prétendue opportunité.

Il est difficile d'imaginer qu'el-Sisi, avec une influence et une emprise limitées sur Israël et les États-Unis, puisse à lui seul créer l'environnement politique nécessaire à la réconciliation entre les factions palestiniennes.

Plusieurs tentatives de ce type ont été essayées, mais ont échoué par le passé, notamment en 2011 et en 2014. Cependant, dès 2006, l'administration George W. Bush a interdit toute réconciliation de ce genre, en menaçant et en retenant des fonds pour que les Palestiniens restent divisés. L'administration Barack Obama a emboîté le pas, assurant l'isolement de Gaza et la division palestinienne, tout en soutenant les politiques d'Israël à cet égard.

 

Contrairement aux gouvernements précédents, Donald Trump n'a guère répondu aux attentes concernant la constitution d'un accord de paix. Cependant, dès le début, il a pris le parti d'Israël, promis de transférer l'ambassade étatsunienne de Tel-Aviv à Jérusalem et nommé un dur, David Friedman, sioniste par excellence, ambassadeur étatsunien en Israël.

Sans aucun doute, en juin dernier, Trump a signé une ordonnance temporaire pour garder l'ambassade des Etats-Unis à Tel Aviv, ce qui a déçu de nombreux fans pro-israéliens, mais cette décision n'est en aucun cas le signe d'un changement de politique.

"Je veux donner une chance à cela (un plan pour la paix) avant même d'envisager de déplacer l'ambassade à Jérusalem", a déclaré Trump dans une interview télévisée récemment. "Si nous pouvons faire la paix entre les Palestiniens et Israël, je pense que cela conduira à la paix ultime au Moyen-Orient, ce qui doit arriver."

Si l'on en juge par les précédents historiques, il est tout à fait évident qu'Israël et les États-Unis ont donné le feu vert à la réconciliation palestinienne avec un objectif clair à l'esprit. Pour sa part, Israël veut voir le Hamas s'éloigner de l'Iran et abandonner la résistance armée, tandis que les États-Unis veulent trouver "une chance" de jouer un rôle politique dans la région, les intérêts israéliens étant primordiaux pour tout résultat.

L'Égypte, bénéficiaire d'une généreuse aide militaire étatsunienne, est le canal naturel pour guider la réconciliation Hamas-Fatah dans le cadre de la nouvelle stratégie.

Ce qui donne à penser que les efforts de réconciliation sont appuyés par des acteurs puissants, c'est à quel point le processus s'est déroulé sans heurts jusqu'à présent, ce qui contraste complètement avec des années d'efforts ratés et des accords répétés.

Ce qui semblait d'abord être une autre série de pourparlers futiles accueillis par l'Egypte, fut bientôt suivi de plus amples développements : d'abord un accord initial, suivi d'un accord du Hamas pour dissoudre son comité administratif qu'il avait formé pour gérer les affaires de Gaza ; ensuite, une visite réussie du gouvernement consensuel national à Gaza et, enfin, l'approbation des termes de la réconciliation nationale par les deux organes les plus puissants du Fatah: le Conseil révolutionnaire du Fatah et le Comité central.

Étant donné que le Fatah contrôle l'Autorité palestinienne (AP), l'appui de Mahmoud Abbas à ce dernier a été une étape importante pour faire avancer le processus, alors que le Hamas et le Fatah se préparaient à des pourparlers plus conséquents au Caire.

Contrairement aux accords précédents, l'accord actuel permettra au Hamas de participer activement au nouveau gouvernement d'unité. Le haut responsable du Hamas, Salah Bardawil, l'a confirmé dans une déclaration. Cependant, Bardawil a également insisté sur le fait que le Hamas ne déposera pas les armes et que la résistance à Israël n'est pas négociable.
 

Le pouvoir étatsuno-israélien joue à part, c'est bien là le nœud du problème. Il est compréhensible que les Palestiniens soient désireux de réaliser l'unité nationale, mais cette unité doit être fondée sur des principes qui sont bien plus importants que les intérêts personnels des partis politiques.

De plus, en parlant d'unité - ou même de parvenir à l'unité - sans s'attaquer aux travestissements du passé, et sans s'entendre sur une stratégie de libération nationale pour l'avenir dans laquelle la résistance est le fondement, le gouvernement d'unité Hamas-Fatah se révélera aussi insignifiant que tous les autres gouvernements, qui n'ont pas opéré avec une réelle souveraineté et, au mieux, des mandats populaires discutables.

Pire encore, si l'unité est guidée par le soutien tacite des États-Unis, un hochement de tête israélien et un programme égyptien égoïste, on peut s'attendre à ce que le résultat soit le plus éloigné possible des véritables aspirations du peuple palestinien, qui n'est toujours pas impressionné par l'imprudence de ses dirigeants.

 

Alors qu'Israël a investi des années dans le maintien de la brèche palestinienne, les factions palestiniennes restent aveuglées par des intérêts personnels pitoyables et un "contrôle" sans valeur sur une terre occupée militairement.

Il convient de préciser clairement que tout accord d'unité qui tient compte des intérêts des factions au détriment du bien collectif du peuple palestinien est une imposture; même s'il "réussit" au départ, il échouera à long terme, car la Palestine est plus grande que n'importe quel individu, faction ou puissance régionale cherchant à obtenir la validation d'Israël et les dons des États-Unis.

*Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son livre à paraître 'The Last Earth: A Palestinian Story' (Pluto Press, Londres). M. Baroud est titulaire d'un doctorat en études palestiniennes de l'Université d'Exeter et est chercheur non-résident au Orfalea Center for Global and International Studies, University of California Santa Barbara. Son site Web est www.ramzybaroud.net

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