L’incroyable existence algérienne d’Alexandre Djouhri
Par Nicolas Beau
Mondafrique
La présence d’Alexandre Djouhri à la réception donnée à Alger, le 6 décembre, en l’honneur du président français, Emmanuel Macron, révélée par “le Canard Enchainé”, s’explique par le rôle décisif que joue cet homme de l’ombre auprès des services algériens.
“A l’attaque”! Pour conclure ses diatribes contre “les cons” et autres “enculés”, Alexandre Djouhri, dit encore “Alex, le plus flamboyant et efficace des intermédiaires français de ces vingt dernières années, utilise volontiers ce cri de ralliement guerrier. Cette fois encore, après les lendemains de fète douloureux qui ont suivi l’échec de son ami Nicolas Sarkozy en 2012, ce beur de Sarcelles a su rebondir avec une incroyable maestria. Alex s’est souvenu que son premier prénom était Ahmed et qu’il possédait une double nationalité franco-algérienne. Rien de plus simple, sa base arrière en cette période troublée serait l’Algérie.
Chapeau bas !
La surprise, la voici: Alexandre Djouhri qui réisde une partie de son temps à Alger bénéficie du soutien de la plupart des clans au pouvoir, ainsi que de l’écoute attentive de l’ambassadeur de France, Xavier Driencourt, un diplomate aguerri et fin connaisseur du pays. Apparemment, seuls les services de l’Elysée ignoraient, comme ils l’on prétendu face au “Canard Enchainé”, que l’intermédiaire franco-algérien était invité ce soir là à la réception donnée en l’honneur du président français.
On croyait pourtant qu’Alexandre Djouhri hors jeu, après les perquisitions effectuées en Suisse chez lui et chez ses proches, dont son beau père, durant l’hiver 2016. On pensait que cet homme d’affaires intrépide, qui avait réussi le tour de force de tutoyer à la fois Dominique (de Villepin), Claude (Guéant), Serge (Dassault) Ali (Bongo)s, définitivement enterré depuis les convocations lancées contre lui par la justice française dans l’instruction sur le possible financement libyen de Nicolas Sarkozy, et auxquelles il n’a jamais répondu. Mias cela était vraiment mal le connaitre, lui dont l’énergie est légendaire et le carnet d’adresse vertigineux. “Alex” ne renonce jamais.
L’Algérie n’est pas une terre inconnue pour Alexandre-Ahmed Djhouri. Dans une vie antérieure, Alex était protégé par le puissant général Larbi Belkheir, un des principaux “parrains” algériens des années de plomb décédé en 2010. Il co-gêrait les comptes suisses du haut gradé avec l’aide d’un ancien ministre algérien du budget qui réside à Genève.
Table ouverte à l’Aurassi
Entre deux voyages à Ryad, Moscou ou Le Cap, ses principales tètes de pont dans le Monde, Alex a table ouverte à l’Hötel Aurassi, ce bunker massif juché sur les hauteurs d’Alger d’où l’on domine la Méditerranée. “Tout le monde à Alger se le dispute, admet-on en haut lieu, il rend beaucoup de services”. Tour comme il tenta de réconcilier Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, Alexandre Djhouri parvient à s’entendre avec l’ensemble des clans qui se disputent le pouvoir à Alger. C’est qu’il met ses réseaux au service de tous avec l’habileté de n’en privilégier aucun.
En France, outre Dominique de Villepin, Alexandre Djhouri entretient de bonnes et anciennes relations avec l’actuel secrétaire général du Quai d’Orsay, Maurice Gourdault Montagne, ce fidèle de Chirac avec qui, dans une vie antérieure, il contribuait à vendre des Airbus à la Libye de Kadhafi. ” Alexandre Djouhri nous aide dans nos rapports avec les entreprises françaises”, précise-t-on en haut lieu à Alger.
Ses bonnes relations en Russie, notamment avec le patron de la structure d’exportation des armements ,peuvent également rendre quelques services à l’Algérie dont Moscou est un des principaux fournisseurs. Enfin l’alliance indestructible qu’il a nouée avec Bechir Saleh, l’ex “monsieur Afrique” de Kadhafi réfugié au Cap, lui permet de rester au fait de la situation libyenne, que les services algériens suivent comme le lait sur le feu.
Modestes gateries
L’Arabie Saoudite enfin est une autre de ses directions favorites, et depuis longtemps. C’est “Alex” en effet qui, en mars 2006, accompagnait à Ryad Jacques Chirac, alors chef de l’Etat, qui fut son premier mentor. Durant ce voyage, le “facilitateur d’affaires” talentueux qu’est Alex négocia quelques juteux contrats avec les Séoudiens en faveur d’un des géants de l’eau. Aujourd’hui il aide les oligarques algériens à nouer d’utiles réseaux en Arabie Saoudite ou aux Emirats, où il était présent -déja” lors du dernier voyage effectué par Emmanuel Macron dans ce payx.
Lors de la signature du dernier gros contrat signé entre la Russie et l’Arabie Saoudite, on apprenait qu’un homme d’affaires algérien avait touché dans cette transaction un modeste pourboire de quarante millions de dollars. Certains aujourd’hui se demandent si Alex ne serait pas cet heureux intermédiaire ne serait pas Alex. Lequel aime dire que “son pogon” il l’a gagné lui même et que “ce n’est pas un délit d’être riche”.
L’épisode algérien comporte encore beaucoup de zones d’ombre, notamment du coté français. Mais il contribue à écrire un nouveau chapitre de la vie désormais légendaire d’Alexandre Ahmed Djouhri.
(1) Cette citation est extraite d’un livre, “les beurgeois de la république”, Le Seuil, Nicolas Beau