Frappes aériennes et tirs de missiles israéliens pour montrer qu'Israël joue toujours un rôle en Syrie à l'approche de la victoire d'Assad (The Independent)

Frappes aériennes et tirs de missiles israéliens pour montrer qu'Israël joue toujours un rôle en Syrie à l'approche de la victoire d'Assad
Article originel : Israel air strikes and missile barrage designed to show it is still a player in Syria as Assad nears victory
Patrick Cockburn
The Independent

Traduction SLT

Analyse : Israël montre ses muscles à mesure que la fin attendue du conflit syrien modifie l'équilibre politique et militaire dans la région.

Les avions à réaction israéliens et les attaques de missiles sol-sol contre des cibles dans la banlieue de Damas sont une marque de l'inquiétude accrue d'Israël, alors que le président Bachar al-Assad est sur le point de gagner la guerre civile en Syrie. Le cabinet de sécurité israélien s'est réuni à plusieurs reprises ces derniers jours pour discuter de la manière dont il devrait réagir au lendemain de la guerre, alors que la Syrie revient sous le contrôle de M. Assad et à l'influence accrue de l'Iran en Syrie, selon les reportages de la télévision israélienne.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que la politique israélienne était d'empêcher le Hezbollah de déplacer des "armes qui changent la donne" de la Syrie au Liban. "Nous appuyons cette politique au besoin par des mesures concrètes", a-t-il ajouté. Israël a mené plus de 100 frappes aériennes contre des dépôts d'armes et des installations militaires de l'armée syrienne et du Hezbollah au cours des six dernières années.

Les frappes sont le signe qu'Israël essaie de s'adapter aux nouveaux développements probables en Syrie en 2018 : alors que la fin de la guerre civile approche, le Hezbollah et les forces armées syriennes, toutes deux endurcies par la guerre, ne seront plus immobilisées par les combats et pourraient être déployées pour affronter Israël.

La guerre syrienne est loin d'être terminée, mais le succès de la coalition qui comprend l'Iran, la Syrie, le Hezbollah libanais et les forces chiites irakiennes signifie que l'équilibre des forces dans la région devient en défaveur d'Israël.

L'armée syrienne avance rapidement et sans grande résistance dans la plus grande enclave rebelle de la province d'Idlib, au sud-ouest d'Alep, dans une offensive lancée il y a une semaine. Soutenues par l'artillerie et les frappes aériennes, les unités syriennes combattent Hayat Tahrir al-Sham (HTS), anciennement connu sous le nom de Front Al Nosra et autrefois la branche syrienne d'Al-Qaïda, qui domine dans la province. D'autres groupes rebelles se plaignent que HTS refuse de coopérer avec eux en freinant les forces gouvernementales.

L'armée et les forces aériennes syriennes entendent également reprendre possession de la Ghouta Est, l'autre grande enclave rebelle située juste à l'est de Damas, dont la capture donnerait à M. Assad le plein contrôle de la capitale et des alentours, ce dont il ne jouit plus depuis 2011.

Bien que le succès à long terme des forces gouvernementales syriennes semble inévitable, il leur faudra du temps pour rétablir le contrôle central. Les Kurdes syriens - qui ont capturé la capitale de facto de l'Etat islamique (EI), Raqqa, en octobre, soutenue par des frappes aériennes dirigées par les Etats-Unis - contrôlent une grande partie du territoire à l'est de l'Euphrate. Ils doivent conserver le soutien des États-Unis, y compris plusieurs bases sur le territoire kurde, comme garantie contre l'intervention militaire turque ou une offensive des forces syriennes. En même temps, ils comptent sur un accord à long terme avec Damas qui garantirait leur autonomie.

Israël est préoccupé par le retour de l'armée syrienne dans certaines parties du sud de la Syrie, près d'Israël, alors qu'elle tente de rouvrir la route vers la Jordanie. Le président Vladimir Poutine a conclu un accord étatsuno-russe selon lequel le Hezbollah et les forces appuyées par l'Iran ne s'approcheront pas à moins de 40 km du front israélo-syrien dans le Golan.

Mais il est probable que M. Assad sera moins dépendant du soutien, et plus indépendant des souhaits, de ses deux principaux alliés, la Russie et l'Iran, alors qu'il approche de la victoire.

Les dernières frappes aériennes israéliennes et la réaction syrienne en colère montrent que les deux camps montrent chacun leurs muscles. Mais, alors que les Israéliens ont intérêt à empêcher le Hezbollah d'acquérir un arsenal substantiel de missiles à longue portée qui pourraient frapper très loin à l'intérieur d'Israël, aucune des deux parties n'a intérêt entrer en guerre l'une contre l'autre, ce qui causerait beaucoup de destructions mais ne produirait aucun résultat, comme en 2006 quand Israël a combattu le Hezbollah au Liban.

Israël a reçu le soutien tonitruant du président Trump et des États-Unis, mais les Israéliens doivent se demander - comme le reste du monde - combien valent réellement les tweets de M. Trump. Même sa reconnaissance de Jérusalem en tant que capitale d'Israël n'est pas un gain certain pour Israël puisqu'elle ne change pas grand-chose sur le terrain, mais elle a replacé la question israélo-palestinienne en tête de l'agenda politique au Moyen-Orient à un degré jamais vu depuis le 11 septembre 2001 et le début des guerres en Afghanistan et en Irak.

Les frappes aériennes israéliennes ne sont pas nécessairement précurseures d'un conflit militaire plus large, mais elles montrent qu'Israël estime qu'il ne peut plus rester en marge de la guerre syrienne. Alors que le conflit touche à sa fin et que le désordre est inévitable, Israël veut jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration de son dénouement final.