« L’Afrique n’a pas besoin d’aide, un système financier moins cynique lui suffirait »
Par Yann Gwet
Le Monde Afrique
Pour notre chroniqueur, « l’aide au développement » masque les flux Sud-Nord que sont, entre autres, le service de la dette et la fuite des capitaux.
image: http://img.lemde.fr/2017/10/23/342/0/5383/2688/768/0/60/0/9f775eb_13050-1bnedac.lmj7lrqkt9.jpg Echange de dollars contre des dinars au marché noir, à Tunis, en août 2017. Echange de dollars contre des dinars au marché noir, à Tunis, en août 2017. Crédits : Zoubeir Souissi/REUTERS
L’enjeu est de taille : comme le reconnaissaient les auteurs du rapport « Prêts pour l’Afrique d’aujourd’hui ? », publié il y a peu par l’Institut Montaigne, « l’aide est un levier important de la stratégie d’influence » des grandes puissances. Dès lors, étudier l’ampleur et les conséquences des flux d’aide d’un des principaux bailleurs de fonds, notamment en Afrique, est crucial pour ses concurrents occidentaux.
Que les grands pays usent de ce qu’ils appellent « l’aide au développement » à des fins d’influence est légitime. Que la plupart des dirigeants africains trouvent leur intérêt dans ce système cynique n’est malheureusement pas une surprise. En revanche, que les peuples africains soient si peu mobilisés sur la question des enjeux de l’aide est étonnant.
Les chiffres sont pourtant clairs. En 2016, Global Financial Integrity (GFI), un autre centre de recherche américain, a publié, en partenariat avec l’Ecole d’économie de Norvège, un rapport qui traçait l’ensemble des flux financiers, dans les deux sens, entre pays riches et pays pauvres (aide au développement, investissements directs étrangers, échanges commerciaux, remboursements de dette, transferts des migrants, fuite des capitaux).
En 2012, dernière année où les données étaient disponibles, les pays pauvres avaient reçu environ 1,3 billion de dollars (environ 980 milliards d’euros) des pays dits avancés. Mais la même année, 3,3 billions de dollars émanant des pays pauvres auraient pris la direction des pays riches. En clair, les pays pauvres, l’Afrique en tête, avaient financé les pays développés à hauteur de 2 billions de dollars !...