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Jean Rouch, le « griot gaulois » (Monde diplomatique)

par Philippe Person 23 Février 2018, 09:24 Jean Rouch Cinéma Afrique Colonialisme Anticolonialisme Culture Anthropologie France Articles de Sam La Touch

Jean Rouch, le « griot gaulois »
Par Philippe Person
Monde diplomatique

Pour être au plus près de ceux qu’il choisissait de filmer, Jean Rouch (1917-2004) se donna les moyens de tourner en toute liberté. Il bricola son matériel, se passa de fonds privés, refusa de s’en tenir à la séparation entre documentaire et fiction, et inventa ainsi le cinéma direct et les ethno-fictions. Intrépide et joyeux, il abattit des frontières.

 
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Photogramme. — Théodore Monod et Youssouf Tata Cissé discutant, dans le film « Hampâté Bâ »,de Jean Rouch (Abidjan, 1984)
© Jocelyne Rouch
 

«Faire de l’école buissonnière une règle de vie, mais en la faisant très sérieusement. » Tel est le conseil que donnait Jean Rouch aux jeunes cinéastes et qu’il a lui-même suivi. Jeune ingénieur des Ponts et Chaussées, il part en Afrique après la débâcle de 1940. Quand il finit par rejoindre Niamey (Niger), il a découvert son aversion pour le colonialisme, sa fraternité avec les Africains et sa vocation d’ethnologue. Mais, avant même de décrocher un doctorat en ethnologie et de développer le concept d’« anthropologie visuelle », il juge que le carnet et le crayon ne suffisent plus pour étudier les rites des populations africaines. Comme Marcel Griaule, auteur en 1931 du premier film ethnographique, Au pays des Dogons, il est convaincu que c’est avec une caméra et un magnétophone qu’il faut désormais au plus vite les collecter.

S’il commence à filmer en autodidacte, il a pour lui d’être un fervent cinéphile, grand connaisseur des films de Dziga Vertov, le créateur virtuose, à partir des années 1920, du kino-pravda (le « cinéma-vérité » soviétique), et de ceux de Robert Flaherty, le réalisateur de Nanouk l’Esquimau (1922). Avec ce double acquis, il va construire une œuvre d’une liberté absolue, principalement tournée en Afrique, et qui n’a aucun équivalent. Car le « système Rouch » repose sur l’idée qu’il faut être au plus près des sujets étudiés, ce qui implique d’être seul, avec seulement un ingénieur du son. Caméra le plus légère possible en main, le voilà donc au cœur des cérémonies, sachant se faire oublier de ceux qu’il souhaite filmer, et cela dans un état qu’il appellera la « ciné-transe ».

Tributaire de son matériel, au départ rudimentaire, l’ingénieur se fait bricoleur, expérimentateur défiant les règles du cinéma classique, faisant fi des aléas techniques et les tournant à son avantage. Qu’importe si l’image tremble parfois ou si le cadre n’est pas toujours parfait : Rouch filme. Et ce que son œil a saisi reste d’une force et d’une beauté stupéfiantes. Son cinéma connaîtra son...


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