Mattis admet maintenant qu'il n'y avait aucune preuve qu'Assad ait utilisé du gaz toxique sur son peuple.
Article originel :Now Mattis Admits There Was No Evidence Assad Used Poison Gas On His People
Par Ian Wilkie*
Newsweek
Traduction SLT
Perdu dans le charabia hyper-politisé entourant le Mémorandum de Nunes et le dossier Steele, il y a eu la déclaration frappante du secrétaire à la Défense James Mattis selon laquelle les États-Unis n'ont "aucune preuve" que le gouvernement syrien a utilisé l'agent neurotoxique interdit du Sarin contre son propre peuple.
Cette affirmation va à l'encontre du mémorandum de la Maison-Blanche (NSC) qui a été rapidement produit et déclassifié pour justifier une frappe étatsunienne de missiles Tomahawk contre la base aérienne de Shayrat en Syrie.
Mattis n'a offert aucune qualification temporelle, ce qui signifie que l'événement de 2017 à Khan Sheikhoun et la tragédie de 2013 à la Ghouta sont tous deux des cas non résolus aux yeux du ministère de la Défense et de l'Agence de renseignement de la Défense.
Mattis a ensuite reconnu que "les groupes d'aide et autres" avaient fourni des preuves et des rapports, mais n'avaient pas nommé le président Assad comme responsable.
Il y a eu des victimes d'intoxication aux organophosphates dans les deux cas; c'est certain. Mais les Etats-Unis ont accusé Assad d'être directement responsable des attaques au Sarin et a même blâmé la Russie pour sa culpabilité dans la tragédie de Khan Sheikhoun.
Maintenant, son propre chef militaire a déclaré dans ce dossier que nous n'avons aucune preuve à l'appui de cette conclusion. Ce faisant, Mattis conteste tacitement les interventionnistes qui ont poussé le récit "Assad est coupable" deux fois sans preuves suffisantes, du moins aux yeux du Pentagone.
Cette dissonance entre la Maison Blanche et le Département de la Défense est particulièrement troublante face au chœur des experts en armes de destruction massive (ADM) qui s'interrogent sur les récits de la Maison Blanche (Obama et Trump) concernant les armes chimiques en Syrie depuis le moment où ces " événements ordonnés par Assad " se sont produits.
Des experts et des enquêteurs sérieux et expérimentés dans le domaine des armes chimiques tels que Hans Blix, Scott Ritter, Gareth Porter et Theodore Postol ont tous été très critiques sur les récits étatsuniens "officiels" concernant l'emploi de Sarin par le président Assad.
Ces analystes se sont tous concentrés sur les aspects techniques des deux attaques et ont constaté qu'elles n'étaient pas cohérentes avec l'utilisation de munitions de sarin de qualité nationale.
L'événement de la Ghouta en 2013, par exemple, employait des roquettes artisanales du type de celles que privilégiaient les insurgés. Le mémorandum de la Maison-Blanche sur Khan Sheikhoun semblait s'appuyer largement sur les témoignages des Casques blancs syriens filmés sur les lieux, qui avaient été en contact avec des victimes présumées souillées par le sarin et qui ne souffraient d'aucun effet néfaste.
De même, ces mêmes acteurs ont été filmés portant des combinaisons d'entraînement aux armes chimiques autour du prétendu "point d'impact" à Khan Sheikhoun, ce qui rend leur témoignage (et leurs échantillons) hautement suspect. Une combinaison d'entraînement n'offre aucune protection et ces gens seraient tous morts s'ils avaient été en contact avec du vrai Sarin de qualité militaire.
Les armes chimiques sont odieuses et illégales, et personne ne le sait mieux que Carla Del Ponte. Toutefois, elle n' a pas été en mesure de remplir son mandat d'enquête conjointe des Nations Unies en Syrie et s'est retirée en signe de protestation contre le refus des États-Unis de mener une enquête approfondie sur les allégations d'utilisation d'armes chimiques par des "rebelles" (jihadistes) alliés à l'effort étatsunien visant à évincer le président Assad (y compris l'utilisation de Sarin par les rebelles anti-Assad).
Le fait que les enquêteurs de l'ONU se trouvaient en Syrie au moment de l'incident de l'arme chimique à Khan Sheikhoun en avril 2017 rend très douteux le fait qu'Assad aurait donné l'ordre d'utiliser du Sarin à ce moment-là. Le bon sens suggère qu'Assad aurait choisi un autre moment que celui-ci pour utiliser une arme interdite qu'il avait accepté de détruire et de ne jamais employer.
En outre, il mettrait en danger sa collaboration avec la Russie si cela se retournait contre lui en tant que criminel de guerre forçant la Russie à lui retirer leur soutien.
Tactiquement, en tant qu'ancien soldat, cela n'a aucun sens pour moi que quiconque cible intentionnellement des civils et des enfants, comme le laissent entendre les rapports des Casques blancs.
Une analyse convaincante de Gareth Porter suggère que la phosphine aurait pu être libérée par une munition aéroportée frappant un dépôt chimique, puisque les nuages et les victimes (bien que des organophosphates apparaissent à certains égards) ne semblent pas être similaires à ceux du MilSpec Sarin, en particulier la Sarine russe, qui a été bombardée comme le laisse entendre des groupes indépendants comme "bellingcat".
La crédibilité des Etats-Unis a été ébranlée par Colin Powell aux Nations Unies en 2003, accusant faussement Saddam Hussein d'avoir des laboratoires mobiles d'anthrax. Si on avance rapidement jusqu'en 2017 nous rencontrons Nikki Haley dans une situation inconfortablement similaire au Conseil de sécurité de l'ONU, appelant à une action contre un autre chef d'État non-occidental sur la base d'éléments de preuve faibles et non corroborés.
Aujourd'hui, le secrétaire Mattis a rajouté des arguments au cercle des sceptiques de la propagande sur les ADM en remettant rétroactivement en question la raison d'être d'une frappe des missiles de croisière étatsuniens.
Bien que cela n'enlève rien à l'horreur de ce qui s'est passé contre des civils innocents en Syrie, il est temps que les Etats-Unis cessent de tirer d'abord et de poser des questions ensuite.
* Ian Wilkie est un avocat international, ancien combattant de l'armée étatsunienne et ancien contractant pour la communauté du renseignement.