Trump met fin aux protections du Salvador
Par Dennis J. Bernstein
Consortium News, 18-01-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.
Le Salvador est le dernier pays visé par l’administration Trump par le programme de cessation de protections des peuples sous le Statut Temporaire de Protection (STP). Celui-ci fournit un soutien pour les migrants fuyant les crises humanitaires, rapporte Dennis J.Bernstein.
Lundi 8 Janvier, l’administration de Trump a annoncé qu’ils mettront fin aux protections envers les immigrés du Salvador ayant été auparavant sous le Statut Temporaire de Protection aux États-Unis depuis 2001. Le STP est un titre reconnu pour les immigrants de certains pays qui ont été confrontés à des situations mettant leur vie en péril, telles que des catastrophes naturelles ou des guerres, et leur accorde une protection vis-à-vis des reconduites à la frontière et la possibilité de travailler légalement aux États-Unis. La fin du STP pour les Salvadoriens prendra effet le 9 Septembre 2018.
Pablo Alvarado est le Directeur Exécutif du Réseau national d’organisation des travailleurs journaliers (ndlr : NDLON), un regroupement d’organisations de travailleurs à travers le pays qui défend les travailleurs journaliers de l’exploitation et de l’extrême répression migratoire, aide les gens à trouver du travail et à récupérer leurs salaires, et forme les travailleurs les domaines de la santé et de la sécurité.
J’ai parlé avec Alvarado ce mardi 9 janvier, le jour suivant l’annonce de l’administration Trump de révoquer le Statut Temporaire de Protection pour les Salvadoriens. « Beaucoup de nos membres sont issus d’Amérique centrale et particulèrement du Honduras et du Salvador », a dit Alvarado. « Une proportion significative bénéficie du Statut Temporaire de Protection pour les Salvadoriens, qui protège près de 200 000 personnes ayant des documents de reconduite à la frontière. »
Dennis Bernstein : Je sais que vous avez été en réunion toute la journée, développer des stratégies, et gérer les craintes qui s’étendent à travers les communautés que vous représentez et conseillez tous les jours. Quelle est votre première réaction à cette annonce de Trump ?
Pablo Alvarado : Cette action de la part de l’administration Trump n’est pas qu’un acte de cruauté, mais aussi de haine et d’intolérance. Ce président a décidé de mettre fin à un formidable programme qui a facilité l’immigration de milliers et de milliers de migrants. Aujourd’hui, 30 % de ces personnes possèdent une maison, plus de 90 % un travail. Et cependant, dans un acte de racisme cruel, cette administration a décidé de se débarrasser de ce programme.
Leur motivation est claire : réduire le nombre de migrants non-blancs. Ils ont peur du changement démographique dans notre pays. C’est leur manière de ralentir l’émergence d’une nouvelle majorité. Ils ne sont dorénavant plus juste après les personnes sans-papiers, ils reprennent les papiers de ceux qui en ont.
Dennis Berstein : Vous êtes vous même du Salvador. Pouvez-vous nous parler du genre de violence que les personnes ont fui durant cette période d’escadrons de la mort appuyés par les États-Unis ?
Pablo Alvarado : Il est important de noter combien de fois les Etats-Unis sont intervenus en Amérique Centrale. Le dernier cas fut la reconnaissance du président du Honduras que 80 % des honduriens ne souhaitaient pas. Le Honduras continuera à être en flammes durant les prochains mois. Les escadrons de la mort ont déjà réapparu et des activistes ont été portés disparus et torturés. Des enfants sont gazés alors qu’ils manifestent.
Tout ceci mènera une plus grand pauvreté et nourrira les flux migratoires. C’est la même chose que les États-Unis ont fait au Salvador, au Nicaragua, et dans toute la région. La violence généralisée des gangs au Salvador est quelque chose d’importé de Los Angeles. Je peux vous dire que mes deux frères, qui sont professeurs et gagnent 450 $ par mois, se font extorquer par les membres de gangs.
Le statut de protection temporaire a été introduit après le grand tremblement de terre [de 2001] mais la réalité est que le Salvador ne s’est pas encore remis de cette catastrophe naturelle. Le pays vit toujours dans des circonstances difficiles. Il y a beaucoup de villages qui subsistent grâce aux envois de fonds des membres de la famille qui sont ici aux États-Unis. Cette décision de l’administration Trump va conduire à une crise humanitaire encore plus grande.
Dennis Bernstein : Considérez-vous cela comme une forme de nettoyage ethnique ?
Pablo Alvarado : C’est clairement un effort, comme je l’ai dit, pour ralentir l’émergence d’une nouvelle majorité. Cela a toujours été la stratégie des gens autour de Trump. Ils appellent cela « la diminution par la coercition ». Il s’agit de rendre la vie des immigrants si misérable qu’ils voudront faire leurs valises et partir d’eux-mêmes. Mettre fin à TPS est essentiellement un pas dans cette direction.
C’est intéressant, les experts de droite disent que ce sont les démocrates qui veulent permettre à ces immigrants de venir parce qu’ils veulent les transformer en électeurs démocrates. C’est tellement ridicule. Ces gens ne quittent pas leur pays pour avoir le droit de voter ici. Ils fuient la violence et l’extrême pauvreté et la persécution. Tout pays qui respecte les droits de l’homme doit vouloir offrir un refuge aux personnes qui fuient de telles conditions.
Dennis Bernstein : Quels types de mesures envisagez-vous de prendre maintenant ?
Pablo Alvarado : Nous avons récemment mis sur pied la National TPS Alliance, une coalition d’environ 50 comités de bénéficiaires de TPS à travers le pays qui sont venus à Washington à plusieurs reprises et reviendront dans la première semaine de février. Avant cette récente décision, ils faisaient déjà un travail de démarchage, essayant de convaincre les politiciens des deux côtés de la gravité de leur situation.
À partir de ces conversations, quatre propositions législatives ont été introduites pour fournir une solution permanente aux détenteurs de TPS. L’administration voudra peut-être voir le TPS disparaître dans les 18 mois, mais nous sommes déterminés à faire de ces propositions une réalité.
Dennis J Bernstein est un habituel des « Flashpoints » sur le réseau radio Pacifica et l’auteur de Special Ed: Voices from a Hidden Classroom [ Éducation spécialisée : voix d’une salle de classe Ignorée, NdT]. Vous pouvez accéder aux archives audio sur www.flashpoints.net.
Source : Consortium News, Dennis J. Bernstein, 18-01-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.