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[Vidéos] Collaboration française dans le génocide rwandais. De la culture du silence pour se protéger ? (Blog Le Monde)

par Guillaume Ancel 4 Mars 2018, 13:35 Rwanda Génocide Armée française Omerta Collaboration Hutu power Françafrique France Articles de Sam La Touch

[Vidéos] Collaboration française dans le génocide rwandais. De la culture du silence pour se protéger ? (Blog Le Monde)

Mais pourquoi, 25 ans après les faits, les témoignages des militaires français sont-ils si peu nombreux sur le Rwanda ? Sommes-nous sans mémoire ?
Je laisse ici de côté la polémique sur le rôle de la France dans le génocide pour observer simplement un comportement spécifique à l’armée française, cette « culture du silence ». Comme je ne sais pas le traiter de manière académique, je prendrai simplement quelques exemples pour éclairer ce comportement en commençant par le parcours d’Oscar, un pilote de chasse.

 

Une frappe humanitaire destinée à stopper les ennemis des génocidaires

Oscar était de la patrouille de Jaguar qui devait frapper le 1° juillet 1994 à l’aube, pendant notre mission humanitaire. Cette opération est déniée par les décideurs de l’époque puisqu’elle est parfaitement incompatible avec la version officielle d’une opération humanitaire. A moins que ce ne fut une frappe humanitaire destinée à stopper les ennemis des génocidaires…
Donc cette opération d’appui aérien ne peut pas avoir existé pour ceux qui défendent la vision officielle de l’opération Turquoise, a contrario tout témoignage à son sujet devient précieux pour comprendre la réalité des faits. Oscar prend contact avec moi en avril 2014 pour soutenir mon témoignage et dire aussi le malaise qu’il a toujours ressenti pour cette opération au Rwanda. Il me donne des détails qui ne s’inventent pas, se souvient parfaitement de la chronologie des événements, et même de l’indicatif radio sur lequel il devait me joindre. Dans le cadre de cette action, il a passé une partie de la nuit du 30 juin à préparer sa mission de combat. Avec le plein de munitions, sa patrouille a décollé très tôt pour être au point de contact à la frontière du Rwanda dès le lever du jour du 1º juillet. C’est lui aussi qui m’explique comment cette opération a été annulée, alors même que l’engagement allait commencer, par le PC Jupiter sous l’Elysée qui réalisait enfin la dangerosité de cette implication criante de la France dans un génocide.
Oscar veut me dire qu’il comprend et partage mes interrogations, mais il est aussi représentatif de la culture du silence propre aux militaires français. L’idée de témoigner publiquement l’inquiète : qu’en diront ses camarades ? En a-t-il vraiment le droit alors que l’obligation de réserve propre au statut général des militaires n’a jamais été réellement définie, ni délimitée ? Il hésite d’autant plus qu’il aborde cette période délicate de la reconversion vers le civil et craint d’être mis à l’index, par ses camarades, son milieu, les autres...

 

Ne parler de rien sans leur autorisation expresse

Plusieurs journalistes et un historien essaieront bien de le convaincre de livrer un témoignage public mais l’armée de l’air finira par obtenir son silence : Oscar pense avoir besoin de quelques périodes annuelles de réserve pour assurer ses arrières, et en contrepartie l’armée de l’air le convainc sans difficulté que « toutes les opérations aériennes sont désormais classifiées confidentiel défense et qu’il ne doit parler de rien sans leur autorisation expresse ». Oscar peut désormais justifier son propre silence, même sur une opération « humanitaire ».
L’exemple du Rwanda est très intéressant sur cette question du silence, puisqu’en l’occurrence, ce silence finit par effacer nos propres mémoires, il devient amnésie. Comment sur une opération qui a engagé plusieurs milliers de militaires français, pour un événement aussi dramatique qu’un génocide, aussi peu de témoignages ont-ils été publiés ?
Pourtant les avis ne manquent pas quand il s’agit de raconter cette histoire à notre place, entre les géostratéges de tout poil et les commentateurs avisés à défaut d’être informés. Qu’est-ce que cette mission remet en cause qui nécessiterait notre silence alors que le secret défense peut difficilement être invoqué pour protéger des opérations, un quart de siècle après les faits ?
J’observe néanmoins que la plupart de mes compagnons d’armes se taisent. Pour protéger l’armée, la France, eux-mêmes ? J’éprouve un curieux sentiment à ce sujet, j’ai peur que la mémoire finisse par effacer ce qui déplaît, ce qui n’arrange pas, ce qu’il ne faut pas.

Alors j’ai écrit sur le siège de Sarajevo…

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