La nouvelle campagne de Trump contre l'Iran n'atteindra pas ses objectifs
Article originel : Trump's New Campaign Against Iran Will Not Achieve Its Aims
Moon of Alabama, 21.05.18
L'administration Trump a clairement déclaré aujourd'hui qu'elle veut un changement de régime en Iran par tous les moyens dont elle dispose.
Dans un discours du secrétaire d'État de la Heritage Foundation fortement diffusé, Pompeo a présenté 12 demandes à l'égard de l'Iran. Il a menacé d'imposer les "sanctions les plus sévères de l'histoire" si ces exigences n'étaient pas satisfaites.
Mais les exigences n'ont pas de sens. Elles ne font que démontrer l'incompétence de l'administration Trump. Les moyens que l'administration Trump a mis en place pour atteindre ses objectifs ne sont pas réalistes et, même s'ils étaient réalisables, ils resteraient insuffisants pour atteindre les résultats souhaités.
Il est demandé à l'Iran de cesser tout enrichissement d'uranium. Pour l'Iran, il est interdit d'arrêter l'enrichissement. Le programme bénéficie d'un large soutien dans la politique iranienne car il est considéré comme un attribut de sa souveraineté.
Pompeo exige que l'Iran ferme son réacteur à eau lourde. L'Iran ne peut pas fermer son réacteur à eau lourde. Il n'en a pas. Celui qu'il construisait à Arak a été désactivé en vertu de l'accord nucléaire (JCPOA). Du béton a été coulé dans son noyau sous la supervision des inspecteurs de l'AIEA. Comment le secrétaire d'État des États-Unis peut-il faire une telle demande sans tenir compte des faits dans un discours préparé ?
Une autre exigence est que l'Iran mette fin à son soutien à la résistance palestinienne. Ceci est également impossible à réaliser pour l'Iran tant que l'occupation sioniste de la Palestine se poursuit. Il est exigé que l'Iran ne développe pas de missiles "nucléaires". L'Iran s'était déjà engagé à le faire dans le cadre du JCPOA tué par Trump. Une autre exigence est que l'Iran retire toutes ses troupes de Syrie et mette fin à toute ingérence en Irak, au Yémen, en Afghanistan et ailleurs.
Toutes ces exigences mises bout à bout demandent un changement radical du caractère national et des politiques de l'Iran. Il serait apparemment supposé devenir un Lichtenstein.
L'administration de Trump n'a aucun moyen d'atteindre cet objectif.
Grâce à un travail minutieux, l'administration Obama a réussi à amener une grande partie du monde à accepter des sanctions contre l'Iran. Cela a été possible parce que les autres pays ont fait confiance aux assurances d'Obama qu'il garantirait son côté de l'accord et qu'il négocierait sérieusement. L'unité et la confiance internationales ont été nécessaires pour parvenir à un accord nucléaire.
Aujourd'hui, Trump veut beaucoup plus, mais il n'a pas de front international uni derrière lui. Personne ne fait confiance en sa parole. Les Européens sont furieux que Trump les menace de sanctions secondaires s'ils s'en tiennent à l'accord qu'ils ont signé et continuent de traiter avec l'Iran. Même s'ils finissent par se plier et, dans une certaine mesure, cesser de traiter avec l'Iran, ils essaieront aussi de contourner les sanctions unilatérales des États-Unis.
Ni la Chine, ni la Russie, ni l'Inde ne cesseront de faire des affaires avec l'Iran. Pour eux, les sanctions unilatérales étatsuniennes ouvrent de nouveaux marchés. La compagnie pétrolière française Total a annoncé qu'elle arrêtera le développement du champ gazier iranien de South Pars afin d'éviter des sanctions étatsuniennes secondaires sur ses autres intérêts. La Chine a dit "merci" et a repris le travail. De même, la Russie s'emparera des secteurs là où elle le pourra. Son industrie agricole fournira tout ce que l'Iran veut et dont il a besoin. Elle continuera de vendre des armes à l'Iran. La Chine, l'Inde et d'autres continueront d'acheter du pétrole iranien.
L'administration de Trump causera des difficultés économiques. Elle rendra également les États-Unis et l'Europe plus faibles et la Russie et la Chine plus fortes. La menace de sanctions secondaires conduira à terme à la création d'une économie mondiale parallèle et sécurisée. L'échange d'informations bancaires SWIFT qui achemine les paiements internationaux entre banques peut être remplacé par des systèmes de pays à pays qui ne dépendent pas d'institutions sanctionnables. Le dollar étatsunien comme moyen de change universel peut être évité en utilisant d'autres devises ou en faisant du troc. L'utilisation absurde de sanctions économiques et financières finira par détruire la capacité des États-Unis à s'en servir comme outil de politique étrangère.
Le discours de Pompéo unira le peuple iranien (contre les Etats-Unis, NdT). Les néolibéraux modérés autour de l'actuel président Rouhani se joindront aux tenants de la ligne dure nationaliste dans leur résistance. Les exigences vont bien au-delà de ce que n'importe quel gouvernement iranien pourrait concéder. Un Iran dans lequel la volonté de son peuple compte ne les acceptera jamais.
Le seul moyen pour l'administration Trump d'atteindre ses objectifs est un changement de régime. Mais le changement de régime a déjà été tenté dans l'Iran actuel et il a échoué. La "révolution verte" a été fortement soutenue par Obama. Mais elle a facilement déraillé et a échoué. Diverses campagnes d'assassinats en Iran n'ont pas changé sa politique. La taille et la géographie de l'Iran rendent impossible une campagne militaire directe comme en Libye. L'Iran peut riposter contre toute frappe en frappant les intérêts étatsuniens dans le Golfe.
Les États-Unis peuvent continuer à attaquer les forces et les intérêts iraniens en Syrie et ailleurs. Sa volonté militaire tracasse l'Iran dans le Golfe. La CIA va essayer d'alimenter les troubles internes iraniens. L'aggravation des sanctions portera préjudice à l'économie iranienne. Mais rien de tout cela ne peut changer l'esprit national de l'Iran tel qu'il s'exprime dans sa politique étrangère.
Dans un an ou deux, l'administration Trump constatera que sa campagne de sanctions a échoué. Il y aura une poussée en faveur d'une attaque militaire directe contre l'Iran. Mais des plans pour une telle attaque ont également été faits sous George W. Bush. À l'époque, le Pentagone avait indiqué qu'une telle guerre entraînerait de très graves pertes et qu'il était toujours probable qu'elle échouerait. Je doute donc que cela se produise un jour.
Que pourra donc bien faire d'autre l'administration Trump lorsque son plan A tant annoncé aura échoué ?
Traduction SLT