Ouvéa: ultimes révélations sur un crime colonial
Par Joseph Confavreux
Mediapart
Le trentième anniversaire de l’assaut sur la grotte d’Ouvéa est l’occasion d’ultimes tentatives pour nier, déformer ou s’approprier le passé. Les éléments à disposition permettent pourtant de nommer les choses : un massacre colonial amnistié sans être assumé, avec ses tortures, ses « corvées de bois » et ses blessés achevés à coups de feu ou de savate.
Quatre gendarmes tués lors de l’attaque du poste de Fayaoué par des indépendantistes kanak, le 22 avril 1988 ; deux militaires abattus et dix-neuf Kanak tués, parmi les preneurs d’otages mais aussi les « porteurs de thé », deux semaines plus tard, lors de l’assaut de la grotte d’Ouvéa...
Le dénouement sanglant de la prise d’otages, à la suite d’une opération de guerre d’une ampleur inédite sur le territoire français depuis la fin du conflit algérien, n’a pas seulement pesé sur le second tour de l’élection présidentielle opposant François Mitterrand, en quête d’un second mandat, et Jacques Chirac, alors premier ministre.
Il n’a pas seulement structuré les relations entre l’État français et la Nouvelle-Calédonie, en obligeant à inventer, après ce qui s’était passé là, les possibilités d’un processus de décolonisation inédit et à engager un processus institutionnel inédit qui pourrait conduire à l’indépendance du petit territoire situé à 20 000 km de Paris, si le oui l’emporte au référendum prévu le 4 novembre prochain.
Il n’a pas seulement mis à nu, et à vif, les conflits et les tensions qui parcourent parfois encore la Nouvelle-Calédonie, de la Grande Terre aux îles Loyauté, que ce soit entre indépendantistes et non indépendantistes, entre Kanak et Caldoches, mais aussi entre Kanak eux-mêmes, selon les clans, les générations ou les partis politiques auxquels ils appartiennent.
Le drame d’Ouvéa a aussi constitué la scène d’un maquillage de l’histoire, le territoire du dernier massacre colonial de l’armée française et le lieu d’une raison d’État devenue mensonge d’État, par-delà les alternances politiques, même si l’ancien premier ministre Michel Rocard avait fini par vendre en partie la mèche.
Toutefois, si le chef de l’État, qui se rend en Nouvelle-Calédonie la semaine prochaine, veut savoir ce qui s’est réellement passé à Ouvéa le 5 mai 1988, il ne pourra guère se fier aux ouvrages publiés ou republiés sur le sujet ces dernières années. Ils sont pourtant nombreux, mais entretiennent, chacun, leurs zones d’ombre, et passent davantage de temps à polémiquer les uns avec les autres ou à vouloir justifier les actions de leurs auteurs qu’à tenter d’éclaircir le passé...
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