Macron AN I : Twittercratie et Théâtocratie !
Par Ali Baba
Proche et Moyen-Orient.ch
Un après le sacre de sa Majesté Macron 1er, de sérieux doutes se font jour sur les qualités du plus jeune président de la cinquième monarchie (pour les connaisseurs, cela se nomme République) que la France (entité immanente et transcendante) a bien voulu octroyer au bon peuple de l’Hexagone. Après le temps des louanges amplement méritées vient le temps ingrat des critiques mesquines1. Sa côte de popularité dévisse dangereusement dans divers domaines de son action : confiance dans les institutions, immigration, religion musulmane, justice sociale et démocratie, Union européenne.
Sur ce dernier volet, les Français sont déçus par la construction de l’Union européenne. Seul un Français sur deux considère que l’appartenance à l’Union européenne est une bonne chose2. Manifestement, nos concitoyens, qui ne manquent pas de bon sens en dépit de ce que pensent nos brillants énarques hors-sol, ne semblent avoir été séduits ni par ses homélies d’Athènes, ni par celles de la Sorbonne et d’Aix-la-Chapelle. Mais, Jupiter a toujours un tour dans son sac de magicien. Il est vrai que, même si son parti godillot qui a pour nom La République en marche arrière, est mis en tête des intentions de vote pour les élections européennes, ses formules agréables à entendre par boboland, sa politique européenne agace, à tout le moins, ne séduit pas.
Et Jupiter de faire un coup de génie en opposant les gentils « progressistes » (dont il fait partie) et les affreux « nationalistes » (ceux qui portent des gouvernements « populistes » au pouvoir en Europe). Le manichéisme dont Emmanuel Macron abuse est celui des antiques doctrinaires en mal d’arguments. C’est une impasse dans laquelle il se fourvoie, en diabolisant ceux qui ne veulent pas e son internationalisme dépassé. Pas certain que ceci calme les électeurs enclins au dégagisme. Fort habilement (l’ex-bras droit du candidat malheureux à la présidentielle, François Fillon) même s’il ne brille pas par ses étincelles, Bruno Retailleau, président du groupe LR (un parti en voie d’extinction) a beau jeu de dire que : « Sur l’Europe, opposer progressiste et nationaliste, c’est scandaleux ! Il se présente comme le seul choix ! Mais, Emmanuel Macron est à contretemps de l’histoire. Raisons pour laquelle il n’a pas de résultat ». Force est de constater que les bons sentiments ne font pas de bonne politique3.
Tout ceci risque de lui revenir en boomerang à la figure, le moment venu. Les Français sont si versatiles. Jupiter se voit fort injustement blâmé pour quelques défauts véniels. Il serait, selon certaines mauvaises langues, pêle-mêle un monarque absolu, sourd aux critiques des Français, le président des riches, le président-premier ministre, arrogant, pratiquant la verticalité du pouvoir… Qu’à cela ne tienne, il saisit l’occasion de son sermon de 90 minutes devant le parlement réuni le 9 juillet 2018 (la veille de la demi-finale de la coupe du monde de football qui voit la victoire des Bleus contre les Diables rouges) en Congrès à Versailles (devant 900 inutiles) faire habilement litière de ces reproches.
Dans un long inventaire à la Prévert (l’une de ses spécialités), il rappelle le « cap » qu’il a fixé à la France et entend s’y tenir4. Manque de chance, ses concitoyens qu’il juge ignares, peinent à découvrir ce cap ainsi que sa boussole, déboussolés qu’ils sont par une avalanche permanente de nouvelles mesures, de nouvelles réformes, de communication à haute dose. Et c’est bien là que le bât blesse. Confus, mais un peu tard, Emmanuel Macron commence tout juste à se rendre compte des effets dévastateurs d’une com’ à gogo. En dépit de ses hordes de communicants et de conseillers sûrs d’eux-mêmes et dominateurs, cet homme au QI particulièrement élevé aurait soudainement pris conscience qu’il avait un « problème d’image ». Il découvre qu’à trop jouer avec la com’, elle se joue de vous. Et de confesser, avec le manque d’humilité qui le caractérise5, qu’il « y a eu trop de cartes postales » au cours de l’année écoulée (Cf. il ne regrette pas du tout d’avoir fait venir à l’Élysée, pour la Fête de la musique le 21 juin 2018, des artistes transgenres et d’avoir posé avec eux et Brigitte pour des photos, malgré le vocabulaire fleuri des ditsartistes6).
C’est donc que Jupiter, notre président d’avant-garde, se commettait à de mesquines pratiques surannées, celle des cartes postales de notre enfance. Mais, ce n’est pas tout, il avoue que des « micro-sujets se sont emballés »7. Il pense à la piscine de Brégançon, de la vaisselle de l’Élysée sans parler du report sine die du plan de lutte contre la pauvreté pour pouvoir assister les Bleus à Saint-Petersbourg8. Sur ce dernier couac, Jupiter aurait explosé de colère dès son retour du Nigéria : « Comment peut-on mêler le foot et le plan ? Comment peut-on sortir des conneries pareilles ? C’est n’importe quoi ! Non seulement ils n’ont pas fait le boulot mais ils me font porter le chapeau ! Mais ils sont dingues ! » (dans le texte). S’il avait une once de bon sens, notre brillant inspecteur général des Finances aurait dû se souvenir de l’adage que l’on apprenait en son temps aux enfants : la parole est d’argent mais le silence est d’or. Fort de sa propre expérience, Manu a exhorté les ministres à se monter vigilants sur les « petits sujets ».
Il les a incités à « les tuer dans l’œuf dès qu’ils éclatent »9. Mais, notre Pic de la Mirandole du XXIe siècle oublie seulement deux petits détails qui ont leur importance : comment définir un petit sujet et comment le tuer dans l’œuf ? Mais, c’est une autre histoire. Seule concession mineure que fait Emmanuel Macron à Versailles, une inflation sémantique (« nouveau contrat social », « République contractuelle », « État providence du XXIe siècle », « progressisme contemporain », ce qui est très rassurant) mais il s’interdit toute correction idéologique. Au-delà des mots jetés comme des appâts, Jupiter ne propose rien de sérieux pour résoudre les véritables défis internationaux du XXIe siècle.
Il est curieux de constater que ceux qui louent en lui l’intellectuel ne disent rien de sa pente vers la brutalité, le simplisme, l’évitement. Il n’est pas le premier président à n’avoir pas compris son temps. Il est vrai que les incertitudes et les tensions internationales, dont Jupiter a peu parlé lors de son discours devant le Congrès, ont réinstallé le doute ou l’inquiétude dans l’esprit des Français. Il est vrai qu’un nombre croissant de Français s’interrogent sur la capacité structurelle du régime démocratique à répondre à un environnement toujours plus complexe et menaçant. Il est vrai que nombreux sont ceux qui critiquent sa politique africaine qui n’est en définitive qu’illusions et échecs (Sahel, Yémen, Libye). Sauf son entourage qui ne doute jamais de lui. Des éléments de langage (EDL) sont régulièrement mitonnés au château pour convaincre les médias moutonniers des qualités de notre chef de guerre10.
Pour démontrer toute l’importance qu’il attache à sa diplomatie, il a laissé les crânes d’œuf de Bercy (cela tombe bien, il en vient) diminuer de 1% le budget du Quai d’Orsay fantôme pour le prochain exercice budgétaire. Cela fera le plus grand bien à tous ces Norpois inutiles et prétentieux. Qu’à cela ne tienne, le monarque Emmanuel Macron préfère twitter, à la manière de son mentor Donald Trump, après chaque fait divers pour faire assaut de compassion, le mal du siècle en lieu et place de s’en tenir au champ de la raison qui sied mieux à celui qui est en charge de la défense des intérêts de l’État. Il affectionne les discours fleuves aux vertus soporifiques. Aucune anticipation à froid. Toujours de la réaction à chaud.
On nous apprenait, il y a bien longtemps déjà, que gouverner, c’était prévoir. Mais cela, c’était au siècle dernier. Au moment où le président des riches souffle sa première bougie à l’Élysée, le bon peuple de France ne semble retenir de son année d’agitation que la macronomonarchie ainsi qu’une twittocratie et une théâtocratie !
Ali Baba
16 juillet 2018
1 Gérard Courtois, L’optimisme post-élection de Macron s’est dissipé, Le Monde, 10 juillet 2018, pp. 10-11.
2 Philippe Ricard, Les Français sont déçus par la construction de l’Union européenne, Le Monde, 10 juillet 2018, p. 11.
3 Ivan Rioufol, Le réveil des nations, un défi pour Macron, Le Figaro, 13 juillet 2018, p. 17.
4 Marcelo Wesfreid, Devant le Congrès, Macron défend son bilan et maintient « le cap », Le Figaro, 10 juillet 2018, pp. 4-5.
5 Erik Emptaz, Gravure de modeste, Le Canard enchaîné, 11 juillet 2018, p. 1.
6 Il assume…, Le Canard enchaîné, 11 juillet 2018, p. 2.
7 Micro-sujets, maxi-dégâts, Le Canard enchaîné, 11 juillet 2018, p. 2.
8 Macron cerné par les « dingues » ou l’histoire d’une jolie boulette, Le Canard enchaîné, 11 juillet 2018, p. 2.
9 Les muets du sérail, Le Canard enchaîné, 11 juillet 2018, p. 2.
10 Claude Angeli, Illusions et échecs du « parrain » Macron en Afrique, Le Canard enchaîné, 11 juillet 2018, p. 3.
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