En août une information a fait le tour des médias grands publics alléguant que l'ONU accusait la Chine de détenir "un million de Musulmans ouïghours dans des "camps". On retrouvait ces informations dans la majorité des grands médias généralistes : Reuters, New York Times, Washington Post, The Intercept, Le Monde, France 24, Le Soir.be, Libération...Ces articles étaient toujours en ligne sans le moindre correctif en date du 21.09.18.
Exemple d'articles francophones divulguant cette information :
- Reuters 10.08.18 La Chine détiendrait un million d'Ouïghours dans des camps d'internement
- Le Monde 31.08.18 La Chine détiendrait un million de Ouïgours dans « des camps d’internement »
- France 24 17.08.18 ONG et ONU dénoncent les camps d’internement pour Ouïghours en Chine
- Le Soir 2.09.18 L'ONU dénonce la détention d'«un million» de Ouïghours
- Libération 30.08.18 L'ONU demande à la Chine de libérer les Ouïghours enfermés dans des camps
Le 10 aout 2018, Reuters écrit "Un comité d'experts des Nations unies a dit vendredi disposer de nombreuses informations crédibles selon lesquelles un million d'Ouïghours, ethnie musulmane de l'ouest de la Chine, sont détenus dans "des camps d'internement géants placés sous le sceau du secret".
Le Monde écrit dans un article toujours en ligne que "L’ONU s’inquiète du sort de ces musulmans chinois détenus en secret pour de longues durées, sans poursuites ou jugements. Ce que le régime dément. Internement dans des « camps de déradicalisation », torture, lavage de cerveau… Depuis plusieurs mois, la Chine est accusée d’avoir arrêté et interné plusieurs centaines de milliers de Ouïgours, minorité musulmane de la région du Xinjiang, à l’extrême nord-ouest du pays. Pour les Nations unies (ONU), pas moins d’un million de Ouïgours seraient détenus dans des camps en Chine, ce que nie le régime du président Xi Jinping. Des témoignages de rescapés et d’ONG font état de torture et d’endoctrinement dans ces camps. Face à cette situation, des élus américains réclament des sanctions envers des responsables chinois et l’Allemagne a décidé de mettre fin aux expulsions des Ouïgours vers la Chine...".
France 24 n'est pas en reste et écrit dans un article en ligne : "Malgré les dénégations de la Chine, les Nations unies ont dénoncé le 10 août les persécutions subies par la minorité ouïghoure. Sous couvert de lutte antiterroriste, Pékin a mis en place des "camps d’internement". "Nous sommes profondément troublés par les nombreux rapports crédibles que nous avons reçus, décrivant qu’au nom du combat contre l’extrémisme religieux et du maintien de la stabilité sociale [en Chine], la région autonome ouïghoure ait été transformée en ce qui ressemble à un camp d’internement géant", a déclaré vendredi 10 août à Genève Gay McDougall, vice-présidente du comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale, face à une délégation chinoise qui a démenti..... Selon les Nations unies, au moins un million de personnes seraient détenues dans des "camps d’internement" où elles seraient forcées de réciter des chants et slogans à la gloire du gouvernement, d’apprendre la langue chinoise au détriment de la langue ouïghoure [proche du turc en alphabet arabe, NDLR] et de subir des séances de torture, notamment de simulation de noyade. De nombreux témoignages directs et concordants, obtenus notamment par Radio Free Asia, décrivent un système de "lavage de cerveau...". France 24 va plus loin dans cet article et montre photo à l'appui des images de camps de concentration et s'appuie sur les conclusions d'une ONG chinoise : " L’objectif du gouvernement chinois est de "créer de loyaux sujets par la force", selon l’historien Rian Thum, interrogé par le média canadien The Globe and Mail. Les autorités veulent "les forcer à renoncer à leur religion, à jurer ‘fidélité’ au gouvernement / Parti communiste chinois, et de livrer des informations sur d’autres soupçonnés d’actions ou de pensées ‘terroristes, séparatistes ou extrémistes’, telles qu’elles sont définies par le gouvernement chinois", détaille l’ONG Défenseurs chinois des droits de l’homme (CHRD). "
Le Soir, quotidien francophone belge titre "L’ONU dénonce la détention d’«un million» de Ouïghours" dans un article encore en ligne.
Libération écrit le 30.08.18 dans un article intitulé : "L'ONU demande à la Chine de libérer les Ouïghours enfermés dans des camps" : "Des experts des Nations unies se sont inquiétés aujourd'hui des informations faisant état de l'internement dans des camps chinois de dizaines de milliers, voire d'un million d'Ouïghours, ethnie musulmane du Xinjiang, dans l'ouest du pays, et a appelé à leur libération immédiate. Dans ses conclusions, le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale s'est alarmé des «nombreux cas d'internement d'un grand nombre d'Ouïghours et d'autres minorités musulmanes, détenus en secret et souvent pour de longues durées, sans être inculpés ou jugés, sous prétexte de la lutte contre le terrorisme ou l'extrémisme religieux».
Seulement voilà, selon le site de Max Blumenthal, The Grayzone Project, ces informations sont fausses. A savoir que l'ONU n'a jamais allégué "qu'un million de Musulmans ouïghours étaient enfermés dans des camps". Ainsi The Grayzone Project a publié le 23 aout un article intitulé :"No, the UN Did Not Report China Has ‘Massive Internment Camps’ for Uighur Muslims ("Non, l’ONU n’a pas accusé la Chine de détenir des musulmans ouïghours dans des ‘camps’"). Selon Ben Norton et Ajit Singh qui ont publié l'article : "De nombreux grands médias, de Reuters à The Intercept, ont affirmé que les Nations Unies avaient rapporté que le gouvernement chinois a enfermé jusqu’à un million de musulmans ouïghours dans des « camps d’internement ». Mais un examen attentif de ces reportages et des preuves censées les étayer – ou plutôt de l’absence de preuves – démontre que cette extraordinaire affirmation n’est tout simplement pas vraie. Un porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a confirmé dans une déclaration à Grayzone que l’allégation de « camps » chinois n’a pas été faite par les Nations Unies, mais par un membre d’un comité indépendant qui ne s’exprime pas au nom de l’ONU. Il se trouve que ce membre était la seule personne américaine à siéger au comité et qu’elle n’a pas fait d’études ou de recherches sur la Chine. De plus, cette accusation est fondée sur des rapports mal sourcés d’un groupe d’opposition chinois étroitement lié à des activistes pro-américains en exil, qui reçoit des fonds gouvernementaux. Bien qu’il y ait eu de nombreux rapports de terrain sur la discrimination à laquelle les musulmans ouïghours sont confrontés de la part des autorités chinoises, les informations sur les camps d’un million de prisonniers proviennent presque exclusivement de médias et d’organisations financés et utilisés par le gouvernement américain pour faire monter la pression contre Pékin."
Selon les auteurs de l'article de The Grayzone Project, il s'agit tout simplement d'un mensonge flagrant repris par Reuters puis les médias grand public : "Le 10 août, le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale a procédé à un examen régulier du respect par la Chine de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L’examen, qui est mené périodiquement pour l’ensemble des 179 pays signataires de la Convention, a suscité des réactions frénétiques de la part de la presse occidentale – dont une réaction absolument trompeuse. Le jour de l’examen, Reuters a publié une dépêche avec un titre explosif : « L’Onu exhorte Pékin à libérer les Ouïghours enfermés dans des camps » La revendication a été fébrilement reprise par des journaux tels que le New York Times et le Washington Post pour dénoncer la Chine et appeler à une action internationale. Même Mehdi Hasan, de l’Intercept, a fait une manchette à couper le souffle : « Un million de Ouïghours musulmans ont été détenus par la Chine, dit l’ONU. Où est l’indignation mondiale ? » Les lecteurs en ont retenu que l’ONU avait mené une enquête et formellement et collectivement porté ces accusations contre la Chine. En fait, l’ONU n’a rien fait de tel. Le titre de la dépêche de Reuters attribue cette déclaration à l’ONU ; pourtant, le corps de l’article l’attribue simplement au Comité de l’Onu pour l’élimination de la discrimination raciale. Et le site officiel de ce comité indique clairement qu’il s’agit d’un « corps d’experts indépendants » et non de fonctionnaires de l’ONU. De plus, un coup d’œil au communiqué de presse officiel du HCDH sur la présentation du rapport par le comité a montré que la seule mention des présumés « camps » en Chine a été faite par son seul membre américain, Gay McDougall. Cette revendication a ensuite été reprise par un membre mauritanien, Yemhelhe Mint Mohamed.
Lors de l’examen de routine de la Chine par le comité, Gay McDougall a déclaré qu’elle était « profondément préoccupée » par des « rapports crédibles » selon lequels des millions de membres de minorités musulmanes ouïghoures étaient détenues dans des « camps d’internement ». L’AP a rapporté que McDougall n’avait pas « spécifié de source pour cette information dans ses remarques à l’audience ». (Notez que le titre de la dépêche de l’AP était beaucoup plus mesuré que celui de Reuters : « “UN panel concerned at reported Chinese detention of Uighurs – Un panel d’experts de l’ONU s’inquiète de la détention alléguée de Ouïghours par la Chine. »)
La vidéo de la séance confirme que Mme McDougall n’a pas fourni de sources pour étayer sa remarquable affirmation.
Cela veut dire qu’un membre américain d’un organisme indépendant de l’ONU a fait une déclaration selon laquelle la Chine avait incarcéré un million de musulmans, mais qu’elle n’a pas réussi à fournir une seule source à l’appui de sa déclaration. Et Reuters et les médias occidentaux lui ont quand même emboîté le pas, en attribuant les allégations infondées d’une américaine isolée à l’ONU dans son ensemble."
Et les auteurs de préciser que : "Dans un courriel adressé à Grayzone, la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), Julia Gronnevet, a confirmé que le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) n’était pas représentatif de l’ONU dans son ensemble. « Vous avez raison de dire que le CERD est un organe indépendant », nous a écrit Gronnevet. « Les commentaires cités ont été faits pendant les sessions publiques du Comité, lorsque les membres procédaient à leur examen des États-membres. » Le HCDH a donc implicitement reconnu que les commentaires de McDougall, seul membre américain d’un comité indépendant, n’étaient pas représentatifs des conclusions de l’ONU dans son ensemble. Le rapport de Reuters est donc tout simplement faux."
Grayzone Project va plus loin dans ses allégations en déclarant que les soit disant « rapports crédibles » émanent d’un groupe d’opposition financé par le gouvernement étatsunien sans aucune transparence : "Outre ces fausses déclarations irresponsables, Reuters et d’autres médias occidentaux ont tenté de combler les lacunes laissées par McDougall en se référant aux rapports du Network of Chinese Human Rights Defenders (Réseau des défenseurs chinois des droits de l’homme, CHRD). L’information selon laquelle cette organisation a son siège à Washington, DC a bizarrement été omise. Le CHRD, qui reçoit des centaines de milliers de dollars de financement de gouvernements non nommés, milite à plein temps contre le gouvernement chinois et a passé des années à faire campagne au nom de figures de l’opposition d’extrême droite. Le CHRD n’est pas du tout transparent en ce qui concerne son financement ou son personnel. Ses rapports annuels comprennent des notes selon lesquelles « ce rapport a été produit avec le soutien financier de généreux donateurs ». Mais les donateurs en question ne sont jamais nommés. Les formulaires fiscaux détenus par l’IRS (les services fiscaux des USA, NdT) accessibles au public et examinés par Grayzone démontrent que l’organisation est financée en grande partie par des subventions gouvernementales. En fait, en 2015, la quasi-totalité des revenus de l’organisme provenait de subventions gouvernementales (US). "
Le financement de ce groupe d'opposants chinois émanerait de la NED : "Toutefois, il semble probable que le financement du CHRD provienne de la National Endowment for Democracy (Fondation nationale pour la démocratie, NED), un organisme émanant du gouvernement des USA."
Et Grayzone Project d'alléguer que ce groupe d'opposants chinois (CHRD) financé par les Etats-Unis est lié à Human Rights Watch qui aurait refusé de répondre aux auteurs de l'article sur leur lien avec le CHRD : "Sur ses formulaires fiscaux, l’adresse que donne le CHRD est celle du bureau de Human Rights Watch à Washington, DC. HRW est critiqué depuis longtemps pour ses portes tournantes avec le gouvernement américain et sa focalisation excessive sur des ennemis désignés de Washington comme la Chine, le Venezuela, la Syrie et la Russie. Human Rights Watch n’a pas répondu à un courriel de Grayzone qui lui demandait des précisions sur ses relations avec le CHRD. Les formulaires fiscaux du CHRD révèlent également que le conseil d’administration de l’organisation est un Who’s Who de militants antigouvernementaux chinois en exil."
Enfin Grayzone accuse cet organisme d'être très proche des mouvements néocons étatsuniens pro-guerre. The Grayzone Project (ici traduit simplement par « Grayzone ») est un site d’informations en ligne dédié au journalisme d’investigation. Il est dirigé par le journaliste primé et auteur de best-sellers Max Blumenthal.
Alors s'agit-il d'une fausse information relayée par les médias atlantistes et si il s'agit d'une fausse information pourquoi les médias qui les ont repris n'ont pas jugé nécessaire de le mentionner dans le corps des articles en question contribuant ainsi les lecteurs à les croire ? Ou bien s'agit-il d'une nouvelle théorie complotiste de la part de journalistes d'investigations mal informés ?
Entendons nous bien, il ne s'agit pas de remettre en cause les allégations selon lesquelles la minorité Ouïghour serait persécutée en Chine mais les articles des médias de masse alléguant que des "dizaines de milliers à un million de Ouïghours sont enfermés dans des camps en Chine selon les Nations Unies"
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