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Cinq ans plus tard, à nouveau au bord du gouffre en Syrie (Consortium News)

par Ray McGovern 3 Octobre 2018, 12:38 Syrie Russie USA Trump Poutine Tension

Cinq ans plus tard, à nouveau au bord du gouffre en Syrie
Par Ray McGovern
Consortium News, 12-08-2018

Cinq ans plus tard, à nouveau au bord du gouffre en Syrie (Consortium News)

C’est du déjà-vu encore une fois en Syrie, avec les États-Unis au bord d’une confrontation avec la Russie alors que Donald Trump doit prendre sa plus grande décision en tant que président, commente Ray McGovern.

 

Le 11 septembre 2013 le New York Times a répondu au désir du président russe Vladimir V. Poutine de « s’adresser directement au peuple américain et à ses dirigeants politiques » au sujet des « événements récents entourant la Syrie ».

L’éditorial de Poutine dans le Times est paru sous le titre : « Un appel à la prudence de la part de la Russie ». Il y mettait en garde contre le fait qu’une « frappe militaire des États-Unis contre la Syrie entraînerait davantage de victimes innocentes et une escalade, ce qui pourrait étendre le conflit bien au-delà des frontières de la Syrie… et déclencher une nouvelle vague de terrorisme. … Cela pourrait déséquilibrer tout le système du droit et de l’ordre international. »

Trois semaines avant l’éditorial de Poutine, le 21 août, il y avait eu une attaque chimique dans la banlieue de Damas de la Ghouta et le président syrien Bachar al-Assad en a été immédiatement accusé. Cependant, il est rapidement et clairement apparu que l’incident était une provocation pour impliquer directement l’armée américaine contre Assad, de peur que les forces gouvernementales syriennes ne conservent leur élan et n’infligent une défaite aux rebelles djihadistes.

Le 6 septembre, dans un mémorandum adressé au président Barack Obama cinq jours avant l’article de Poutine, les Professionnels vétérans du renseignement pour la raison (VIPS) avaient averti le président Barack Obama de la probabilité que l’incident de la Ghouta soit une attaque sous faux drapeau.

Malgré son inquiétude au sujet d’une attaque américaine, le message principal de Poutine dans son éditorial était positif, parlant d’une confiance mutuelle croissante :

« Une nouvelle occasion d’éviter une action militaire s’est présentée ces derniers jours. Les États-Unis, la Russie et tous les membres de la communauté internationale doivent profiter de la volonté du gouvernement syrien de placer son arsenal chimique sous contrôle international en vue de sa destruction ultérieure. À en juger par les déclarations du président Obama, les États-Unis y voient une alternative à l’action militaire. (Les armes chimiques de la Syrie furent en fait détruites sous la supervision de l’ONU l’année suivante.)

« Je salue l’intérêt du président à poursuivre le dialogue avec la Russie sur la Syrie. Nous devons travailler ensemble pour garder cet espoir vivant… et réorienter la discussion vers des négociations. Si nous pouvons éviter de recourir à la force contre la Syrie, cela améliorera l’atmosphère dans les affaires internationales et renforcera la confiance mutuelle… et ouvrira la porte à la coopération sur d’autres questions critiques. »

 

Obama refuse les frappes

Dans un long entretien avec le journaliste Jeffrey Goldberg, publié dans The Atlantic beaucoup plus tard, en mars 2016, Obama s’est montré très fier d’avoir refusé d’agir selon ce qu’il a appelé le « scénario de Washington ».

Clapper (extrême droite) : A coup sûr ce n’est pas Assad qui l’a fait. (Bureau du DNI)

Il a ajouté un détail éloquent qui a échappé à l’attention des médias institutionnels. M. Obama a confié à M. Goldberg qu’au cours de la dernière semaine cruciale d’août 2013, le directeur du renseignement national, M. James Clapper, avait effectué une visite inopinée au président pour l’avertir que l’allégation selon laquelle M. Assad était responsable de l’attaque chimique à Ghouta n’était « pas un coup sûr ».

M. Clapper s’est référé aux mots mêmes utilisés par l’ancien directeur de la CIA, George Tenet, lorsqu’il a décrit, à tort, la nature des preuves sur les ADM en Irak lors de son exposé au président George W. Bush et au vice-président Dick Cheney en décembre 2002. Une preuve supplémentaire que la Ghouta était un faux drapeau a été apportée en décembre 2016 lors d’un témoignage parlementaire en Turquie.

Début septembre 2013, à l’époque de l’éditorial de Poutine, Obama a résisté à la pression de la quasi-totalité de ses conseillers pour lancer des missiles de croisière sur la Syrie et a accepté l’accord négocié avec la Russie pour que la Syrie abandonne ses armes chimiques. Obama a dû endurer l’indignation publique de ceux qui veulent que les États-Unis s’impliquent militairement. De la part des néoconservateurs, en particulier, ça lui a coûté cher.

Au sommet du bâtiment de CNN à Washington, DC, le soir du 9 septembre, deux jours avant l’éditorial de Poutine, j’ai eu l’occasion fortuite de voir de près et personnellement l’amertume et le dédain avec lesquels Paul Wolfowitz et Joe Lieberman ont insulté Obama comme étant trop « lâche » pour attaquer.

Cinq ans plus tard

Dans son appel à la coopération avec les États-Unis, Poutine aurait écrit ces mots lui-même :

« Ma relation professionnelle et personnelle avec le président Obama est caractérisée par une confiance croissante. C’est une chose que j’apprécie. J’ai soigneusement étudié son discours à la nation mardi. Et je suis plutôt en désaccord avec un argument qu’il a avancé sur l’exceptionnalisme américain, affirmant que la politique des États-Unis est “ce qui rend l’Amérique différente”. C’est ce qui nous rend exceptionnels. Il est extrêmement dangereux d’encourager les gens à se considérer comme exceptionnels, quelle que soit leur motivation. Il y a de grands pays et de petits pays, riches et pauvres, ceux qui ont de longues traditions démocratiques et ceux qui sont encore en train de trouver leur voie vers la démocratie. Leurs politiques diffèrent aussi. Nous sommes tous différents, mais quand nous demandons les bénédictions du Seigneur, nous ne devons pas oublier que Dieu nous a créés égaux. »

Ces derniers jours, le conseiller à la sécurité nationale du président Donald Trump, John Bolton, n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il est la mascotte de l’exceptionnalisme américain. Son corollaire est le « droit » de Washington d’envoyer ses forces, sans y être invité, dans des pays comme la Syrie.

« Ces derniers jours, nous avons essayé de faire passer le message que s’il y a une troisième utilisation d’armes chimiques, la réaction sera beaucoup plus forte », a déclaré M. Bolton lundi. « Je peux dire que nous avons eu des entretiens avec les Britanniques et les Français qui se sont joints à nous lors de la deuxième attaque et qu’ils sont également d’accord sur le fait qu’un autre emploi d’armes chimiques entraînera une réaction beaucoup plus forte. »

Comme en septembre 2013, les forces gouvernementales syriennes, avec le soutien de la Russie, ont mis les rebelles sur la défensive, cette fois dans la province d’Idlib où la plupart des djihadistes restants ont été relégués. Dimanche a commencé ce qui pourrait être la dernière épreuve de force après cinq années de guerre. La mise en garde de Bolton contre une attaque chimique d’Assad n’a guère de sens, car Damas est clairement en train de gagner et la dernière chose qu’Assad ferait serait de déclencher des mesures de représailles de la part des États-Unis.

Haley : Elle sait déjà qui l’a fait. (Photo ONU)

L’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, a déjà, avec une remarquable prescience, accusé Damas pour toute attaque chimique qui pourrait avoir lieu. Les avertissements d’une implication directe de l’armée américaine, plus importante que les deux attaques précédentes de Trump, invitent les djihadistes acculés à lancer une autre attaque sous faux drapeau pour précisément y parvenir.

Malheureusement, non seulement la confiance grandissante observée par Poutine il y a cinq ans s’est évaporée, mais la probabilité d’un affrontement militaire américano-russe dans la région est aussi plus dangereusement élevée que jamais.

Sept jours avant la parution de l’article de Poutine, Donald Trump a tweeté : « De nombreux “rebelles” syriens sont des djihadistes radicaux. Ce ne sont pas nos amis & les soutenir ne sert pas notre intérêt national. Restez en dehors de la Syrie ! »

En septembre 2015, Trump a accusé ses principaux opposants républicains de vouloir « déclencher la troisième guerre mondiale à travers la Syrie. Lâchez-moi un peu. Vous savez, la Russie veut avoir l’EI, n’est-ce pas ? Nous voulons avoir l’EI. La Russie est en Syrie – peut-être devrions-nous les laisser faire ? Laissons-les faire. »

La semaine dernière, Trump a averti la Russie et la Syrie de ne pas attaquer Idlib. En tant que président, Trump est peut-être confronté à son plus grand défi : est-il capable de résister à ses conseillers néoconservateurs et de ne pas attaquer massivement la Syrie, comme Obama l’a choisi, ou de risquer cette guerre plus large qu’il a accusé ses opposants républicains de fomenter ?

 

 

*Ray McGovern travaille avec Tell the Word, une maison d’édition de l’Église œcuménique du Sauveur dans le centre-ville de Washington. Il a été officier d’infanterie et de renseignement de l’Armée de terre, puis analyste de la CIA pendant 30 ans au total, et a été porte-parole présidentiel de 1981 à 1985.

 

 

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.

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