Le plan de la Corée du Nord et son prochain lancement de satellite (Moon of Alabama)

Le plan de la Corée du Nord et son prochain lancement de satellite
Article originel : North Korea's Game Plan And Its Upcoming Satellite Launch
Moon of Alabama

John Bolton a gagné. Après une courte période de calme et de pourparlers entre les États-Unis et la Corée du Nord, les deux parties se dirigent à nouveau vers un conflit. Mais une chose importante a changé.

Les récents pourparlers entre le président Donald Trump et le président Kim Jong-un à Hanoi ont échoué lorsque les États-Unis ont surjoué leur jeu. Dans son discours du Nouvel An, Kim avait déjà prévenu qu'il était prêt à prendre une "nouvelle voie" si un tel problème devait survenir. Comme nous l'avons écrit :

    L'histoire montre que la Corée du Nord a toujours joué de tels pourparlers. Elle est toujours prêt à les laisser échouer et à passer à l'étape suivante lorsque cela se produit. La "nouvelle voie" pourrait bien favoriser le test d'une nouvelle arme par la Corée du Nord. Les missiles de croisière pourraient être un candidat possible.

Il n'y a pas (encore) de missiles de croisière mais un lancement de satellite qui est censé faire pression sur Trump pour qu'il revienne à la table :

    L'imagerie satellitaire commerciale du 6 mars de la station de lancement de satellite de Sohae (Tongchang-ri), en Corée du Nord, indique que des travaux de reconstruction du pas de tir et du banc d'essai du moteur ont commencé avant que le Sommet de Hanoi ne se poursuive à un rythme rapide. Étant donné que la construction et l'activité dans d'autres secteurs du site, Sohae semble être revenue à un état opérationnel normal.

Il y a également des signes d'activité nouvelle à l'usine de missiles de Sanumdong, qui produit à la fois des lanceurs spatiaux et des missiles balistiques.

Les médias étatsuniens transforment le prochain lancement spatial en une autre histoire effrayante sur la Corée du Nord. Citant les "experts" habituels anti-coréens, NBCNews écrit :

    La Corée du Nord poursuit la "reconstruction rapide" du site de lancement de la fusée à longue portée de Sohae Launch Facility, selon de nouvelles images commerciales et une analyse des chercheurs de Beyond Parallel.

    Sohae Satellite Launching Station, la seule installation de lancement spatiale opérationnelle de la Corée du Nord, a été utilisée dans le passé pour le lancement de satellites. Ces lancements utilisent une technologie similaire à celle utilisée pour les missiles balistiques intercontinentaux.
    ...
    "L'activité qu'ils entreprennent actuellement est conforme aux préparatifs d'un essai, bien que l'imagerie ne montre pas jusqu'à présent qu'un missile soit déplacé vers la rampe de lancement ", a déclaré Victor Cha, l'un des auteurs du rapport.

    "L'activité sur le terrain, a déclaré Cha, nous montre qu'ils disposent d'une capacité (missile balistique nucléaire intercontinental) qui n'est pas seulement en phase de développement, mais aussi en phase de prototype. Ils en ont déjà testé quelques-uns et on dirait qu'ils préparent le pas de tir pour un autre acte."

Les phrases surlignées sont fausses. C'est de la propagande de guerre. Les missiles balistiques utilisent des technologies différentes de celles des lanceurs spatiaux :

    Un ICBM nécessite un temps de combustion court des moteurs de fusée afin de minimiser les pertes gravitationnelles et le risque d'interception précoce en phase de propulsion par des systèmes antimissiles balistiques (ABM). Le temps de combustion typique d'un moteur de missiles ICBM est d'environ 180-320 secondes.

    La phase de propulsion de l'Unha-3 est estimée entre 550 et 570 secondes.

Les missiles balistiques ont généralement des moteurs différents de ceux des lanceurs spatiaux. Il y a aussi différents problèmes structurels, des différences dans les systèmes de contrôle, des trajectoires de lancement différentes. Regardez ici, ici et ici. Plus important encore, les missiles balistiques doivent rentrer dans l'atmosphère pour transporter leur charge utile. C'est seulement là que la Corée du Nord a encore des problèmes pour les utiliser. Les lanceurs spatiaux ne sont pas adaptés pour tester la phase de rentrée.

De plus, l'installation de Sohae n'a jamais été utilisée pour lancer des missiles balistiques. Pour des raisons géographiques, il est exclusivement utilisé pour les lancements spatiaux.

Pour comprendre pourquoi la Corée du Nord utilise ce lancement de satellite pour ramener les États-Unis à la table des négociations, nous devons revenir aux négociations entre les deux parties.

Avant le premier sommet entre Trump et Kim à Singapour, les deux parties ont convenu que les États-Unis gèleraient les manœuvres à grande échelle à l'intérieur et autour de la Corée et que la Corée du Nord mettrait fin aux essais de missiles balistiques ainsi qu'aux essais nucléaires. Cet accord de "gel pour gel" a été retardé depuis lors. Trump a récemment reconfirmé qu'aucune manœuvre importante n'aurait lieu.

La Corée du Nord souhaite maintenir en vie l'accord "gel pour gel". Un lancement de satellite n'est pas contraire à cet accord. Malheureusement, certains responsables étatsuniens, comme John Bolton, et des faucons nord-coréens comme Victor Cha pourraient bien vouloir utiliser un lancement de satellite pour le déclarer mort.

Le premier sommet s'est conclu par la signature d'une déclaration commune, un accord en quatre étapes dans lequel les États-Unis ont promis de lever certaines sanctions (1) et de mettre fin à l'état de guerre (2) tandis que la Corée du Nord s'est engagée "à travailler à la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne" (3) et à récupérer les restes des personnes étatsuniennes tuées pendant la guerre de Corée (4).

Trump avait demandé et obtenu une faveur personnelle supplémentaire. Kim a promis à Trump de faire sauter les tunnels d'essais nucléaires de la Corée du Nord et de démanteler un banc d'essai de moteurs de missiles. Il a accompli les deux, mais il revient maintenant sur le deuxième point.

Les États-Unis n'ont pas rempli leur part du marché. L'administration Trump exige toujours la "dénucléarisation complète" de la Corée du Nord avant la levée des sanctions. Cette position est en contradiction avec la Déclaration commune. C'est aussi tout à fait illusoire. La Corée du Nord n'a jamais accepté et n'acceptera jamais de se dénucléariser complètement. Le meilleur accord que les États-Unis puissent obtenir (pdf) est celui qui limite l'étendue de l'arsenal nucléaire de la Corée du Nord et empêche la prolifération de sa technologie nucléaire. La logique est simple :

    La Corée du Nord a la bombe. C'est ainsi que la dissuasion fonctionne. Si Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi avaient terminé leurs bombes, ils seraient probablement toujours là.

Lors du récent sommet de Hanoi, la Corée du Nord a proposé de détruire son plus grand complexe nucléaire, qui comprend le réacteur Yongbyon utilisé pour produire du plutonium et un site d'enrichissement d'uranium. En tant que "mesure correspondante", elle exigeait la levée des sanctions les plus directement préjudiciables à son peuple. Mais les États-Unis n'étaient pas prêts à accepter cet accord :

    Alors que Trump s'apprêtait à quitter l'hôtel, le vice-ministre nord-coréen des Affaires étrangères Choe Son-hui a rapidement transmis à la délégation étatsunienne un message de Kim, de deux hauts fonctionnaires de l'administration et d'une personne informée sur le sujet. Il s'agissait d'une tentative ultime des Nord-Coréens de parvenir à un accord sur un allégement des sanctions en échange du démantèlement du complexe nucléaire de Yongbyon.

    Les responsables étatsuniens et nord-coréens avaient marchandé sur une définition commune du site étendu de 5 km carrés[Yongbyon] et l'ouverture de dernière minute visait à faire avancer la proposition des Nord-Coréens de le démanteler. Mais le message n'indiquait pas clairement si les Nord-Coréens partageaient la définition large de l'installation donnée par les États-Unis et les responsables étatsuniens ont demandé des éclaircissements.

    Choe s'est précipité pour obtenir une réponse. Kim a répondu qu'elle comprenait tout ce qui se trouvait sur le site.

    Mais même lorsque Choe est revenu avec cette réponse, la délégation étatsunienne n'était pas impressionnée et ne voulait pas reprendre les négociations. En quelques heures, Trump serait en chemin vers Washington.

    "Nous devions en avoir plus que ça", a déclaré Trump lorsqu'on lui a posé des questions sur Yongbyon avant de quitter Hanoi. "Il nous fallait plus que ça parce qu'il y a d'autres choses dont vous nous avez pas parlé, que vous n'avez pas écrites, que nous avons trouvées."

La destruction du complexe de Yongbyon en échange de la levée de certaines sanctions aurait été considérable. Les États-Unis ont tout fait foirer.

Lors d'une conférence de presse, le ministre des Affaires étrangères de Corée du Nord, Ri Yong-ho, a déclaré que c'était le meilleur accord que les États-Unis pourraient obtenir. Il a déclaré que la Corée du Nord s'attendait à ce que les États-Unis prennent des " mesures correspondantes " en échange de la destruction de Yongbyon, mais que les États-Unis n'étaient pas disposés à en offrir.

Dans un entretien ultérieur, la vice-ministre des Affaires étrangères Choe Son-hui a accusé les États-Unis de déplacer les poteaux de but :

    "Je me demande si (nous devons) poursuivre les pourparlers ", a-t-elle déclaré, rappelant le message du Nouvel An du dirigeant Kim Jong-un, dans lequel il déclarait que son régime n'aurait d'autre choix que de poursuivre une " voie différente " vers le dialogue si les États-Unis ne prennent pas des mesures réciproques.
    ...
    En l'absence de tout signe indiquant que l'ONU lèvera les sanctions, les États-Unis sont allés trop loin dans leur " affirmation téméraire " selon laquelle la Corée du Nord devrait démanteler les installations nucléaires et de missiles, a déclaré Choe.

    Elle a accusé l'administration de Trump d'avoir déplacé les poteaux de but, disant qu'elle avait initialement parlé de démanteler le complexe nucléaire de Yongbyon et qu'elle s'oppose maintenant aussi à d'autres sites.

Les États-Unis continuent de s'éloigner  la déclaration conjointe signée par Trump à Singapour et de proférer à nouveau des menaces :

    Le conseiller étatsunien pour la sécurité nationale, John Bolton, a averti la Corée du Nord qu'elle devait être prête à renoncer complètement à son programme d'armement nucléaire, faute de quoi elle risquerait des sanctions encore plus sévères.

    "S'ils ne sont pas prêts à le faire, le président Trump a été très clair : ils ne seront pas soulagés des sanctions économiques écrasantes qui leur ont été imposées", a déclaré Bolton au Fox Business Network mardi soir. "Et nous allons envisager d'intensifier ces sanctions, en fait."

La Corée du Nord n'a jamais promis d'arrêter ses lancements spatiaux. Elle va bientôt les relancer. Les États-Unis, en particulier John Bolton et d'autres faucons, utiliseront le prochain lancement spatial pour prétendre qu'il s'agit d'un " essai de missile balistique " et que l'accord de " gel pour gel " devrait donc prendre fin. De nouvelles manœuvres à grande échelle seront organisées pour s'entraîner à l'invasion de la Corée du Nord et le régime de sanctions étatsunien sera encore renforcé.

Une situation similaire s'est déjà produite au début de 2012. Peu de temps après que Kim Jong-un ait été officiellement déclaré nouveau dirigeant de la Corée du Nord, des pourparlers entre les États-Unis et la Corée du Nord ont eu lieu à Beijing. En février, le "Leap Day", les deux parties se sont mises d'accord sur un accord. La Corée du Nord promettait un moratoire sur les essais nucléaires et les essais de missiles balistiques à longue portée en échange d'importants approvisionnements alimentaires étatsuniens. Un mois plus tard, la Corée du Nord annonce ses plans pour un lancement spatial. Deux semaines plus tard, les États-Unis mettent un terme à l'approvisionnement alimentaire promis. En avril, la Corée du Nord tente de lancer un satellite météorologique. Le lancement spatial échoue, mais les Etats-Unis l'utilisent pour intensifier la pression de l'ONU contre la Corée du Nord dans le cadre de son "développement de missiles balistiques". Un autre lancement de satellite plus tard dans l'année se traduit par une pression accrue. En février 2013, la Corée du Nord a procédé à un nouvel essai nucléaire.

Il est maintenant fort probable que cette situation se reproduise. Les États-Unis sont déjà revenus sur la Déclaration de Singapour signée. Ils n'ont pas accepté l'offre tout à fait raisonnable faite à Hanoi. Ils refusent de prendre des "mesures correspondantes" jusqu'à ce que la Corée du Nord se dénucléarise complètement, ce qu'elle ne fera jamais.

Le prochain lancement spatial nord-coréen sera utilisé par Bolton et d'autres pour condamner la Corée du Nord pour les essais de " missiles balistiques ". Les États-Unis déclareront probablement l'accord de " gel pour gel " mort et recommenceront leurs manœuvres. Le Nord prendra les "mesures correspondantes" et relancera les essais nucléaires et de missiles. Les sanctions étatsuniennes vont encore augmenter.

Nous reviendrons à la situation du début de 2018, lorsque les deux parties se sont insultées l'une l'autre et que Trump menacera de faire la guerre.

Mais une chose importante aura changé.

Au cours du dernier cycle, la Chine, la Russie et la Corée du Sud étaient du côté des États-Unis. Aujourd'hui, après que la Corée du Nord ait démontré qu'elle était raisonnable et avait fait de bonnes offres pour parvenir à un accord, ni la Chine ni la Russie ne soutiendront de nouvelles sanctions. En effet, la Chine demande déjà instamment la levée des sanctions en réponse à la " volonté positive " dont fait preuve la Corée du Nord.

La Chine est le principal partenaire commercial de la Corée du Nord. Si elle rouvre sa frontière au commerce nord-coréen, toutes les sanctions étatsuniennes seront vaines.

En allant trop loin dans ses revendications, Donald Trump, le "grand négociateur", aura perdu son plus grand atout de négociation, la solidarité internationale qui a retardé les sanctions.

Comme nous l'avons dit plus haut :

    L'histoire montre que la Corée du Nord a toujours joué de tels pourparlers.

Traduction SLT avec DeepL.com

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