Les dégâts dans l'usine pétrolière saoudienne pointent vers une attaque groupée bien ciblée (Moon of Alabama)

Les dégâts dans l'usine pétrolière saoudienne pointent vers une attaque en essaim bien ciblée
Article originel : Damage At Saudi Oil Plant Points To Well Targeted Swarm Attack
Moon of Alabama

L'attaque de samedi contre la station saoudienne de traitement du pétrole et du gaz à Abqaiq a touché son installation de stabilisation :

    Le processus de stabilisation est une forme de distillation partielle qui adoucit le pétrole brut "acide" (élimine le sulfure d'hydrogène) et réduit la pression de vapeur, rendant ainsi le pétrole brut sûr pour le transport en citernes. Les stabilisants maximisent la production d'hydrocarbures liquides de valeur, tout en rendant les liquides sûrs pour le stockage et le transport, et en réduisant les émissions atmosphériques d'hydrocarbures volatils. Les usines de stabilisants sont utilisées pour réduire la volatilité du pétrole brut et des condensats stockés.

Peu après l'attaque, le secrétaire d'État US Mike Pompeo s'est mis à blâmer l'Iran :

    Secrétaire d'Etat Pompeo @SecPompeo - 21:59 UTC - 14 sept 2019
    Téhéran est à l'origine de près de 100 attaques contre l'Arabie saoudite, tandis que Rouhani et Zarif font semblant de s'engager dans la diplomatie. Au milieu de tous les appels à la désescalade, l'Iran a maintenant lancé une attaque sans précédent sur l'approvisionnement énergétique mondial. Il n'y a aucune preuve que les attaques provenaient du Yémen.
    Nous appelons toutes les nations à condamner publiquement et sans équivoque les attaques de l'Iran. Les États-Unis travailleront avec leurs partenaires et alliés pour veiller à ce que les marchés de l'énergie demeurent bien approvisionnés et à ce que l'Iran soit tenu responsable de son agression.

Abqaiq est au cœur de l'infrastructure pétrolière saoudienne. Elle traite plus de la moitié de la production pétrolière saoudienne.

Le gouvernement étatsunien a publié deux photos détaillées du résultat de l'attaque.

Les photos montrent 17 points d'impact. Il y a des voitures visibles dans la deuxième image plus détaillée qui montrent la taille gigantesque de l'endroit. Les cibles ont été soigneusement sélectionnées. Au moins 11 d'entre elles étaient des réservoirs en forme d'œuf d'un diamètre d'environ 30 mètres (100 pieds). Il s'agit probablement de réservoirs de gaz sous pression (liquide) qui reçoivent la vapeur de condensat provenant du processus de stabilisation. Ils ont tous des trous bien nets dans leur coquille supérieure.

La tuyauterie vers les réservoirs en forme d'œuf montre que ceux-ci ont été configurés en groupes à double redondance. Deux réservoirs l'un à côté de l'autre se partagent un système de tuyauterie. Deux de ces réservoirs jumeaux sont adjacents l'un à l'autre et sont reliés à leur chaîne de traitement. Il existe au total trois groupes de ce type. L'endommagement d'un réservoir ou d'un groupe de réservoirs n'arrêterait pas le processus de production. Les produits seraient acheminés vers un autre réservoir ou groupe similaire. Mais avec la mise hors service de tous les réservoirs de ce type spécial, la chaîne de production est maintenant interrompue.

Deux zones de traitement ont été touchées et montrent des dommages causés par le feu. Au moins, l'équipement de contrôle des deux a probablement été complètement détruits :

    Le consultant Rapidan Energy Group a déclaré que les images de l'installation d'Abqaiq après l'attaque montraient qu'environ cinq de ses tours de stabilisation semblaient avoir été détruites et qu'il faudrait des mois pour les reconstruire, ce qui pourrait réduire la production pendant une période prolongée.

    "Cependant, Saudi Aramco conserve une certaine redondance dans le système pour maintenir la production pendant la maintenance ", a ajouté Rapidan, ce qui signifie que les opérations pourraient revenir aux niveaux d'avant attaque plus tôt.

Le ciblage de cette attaque a été fait avec une connaissance détaillée du processus et de ses dépendances.

La flèche au nord sur ces images pointe vers la gauche. Les ombres visibles confirment la direction. Les trous dans les réservoirs sont du côté ouest. Ils ont été attaqués par l'ouest.

Les coups ont été extrêmement précis. Les forces armées yéménites ont affirmé avoir attaqué l'installation avec 10 drones (ou bien avec des missiles de croisière). Mais les impacts sur ces cibles ne ressemblent à aucun des deux. Un total de 17 coups avec un ciblage aussi précis me permet de supposer qu'il s'agissait d'une sorte de drones ou de missiles à contrôle humain dans la boucle. Ils ont peut-être été lancés depuis l'Arabie saoudite.

Il n'y a pas encore d'informations sur les dégâts à Khurais, la deuxième cible des attaques.

Les États-Unis et Israël sont capables de commettre de telles attaques. L'Iran probablement aussi. Il semble peu probable que le Yémen dispose de cette capacité s'il ne bénéficie pas d'un soutien important d'autres pays. La planification de cette opération a dû prendre des mois.

Un producteur de la BBC au Moyen-Orient fait des remarques :

    Riam Dalati @Dalatrm - 22:44 UTC - 15 sept. 2019
    17 points d'impact. Aucun drones ou missiles n'ont été détectés/interceptés. Les Saoudiens et les Etatsuniens ne savent toujours pas d'où l'attaque a été lancée. #KSA a sérieusement besoin de magasiner ailleurs et de remplacer le Patriot ou de le renforcer avec un réseau de canons AA à radar comme l'Oerlikon.
    Une source familière avec la situation de #Aramco nous a dit plus tôt aujourd'hui qu'il s'agissait d'une "attaque d'essaim", un mélange de > 20 drones et missiles, dont au moins la moitié étaient des drones "suicide". #USA & #KSA, dit-il, sont 'certains' que l'attaque a été lancée depuis #Irak mais 'qu'il manque toujours des armes à feu'.
    Ils sont également " assez certains " que les CGRI étaient derrière l'opération parce que, même si les missiles utilisés étaient identiques à ceux des Houthis, une inspection des débris trouvés dans le désert a révélé " quelques nouvelles mises à jour " et une " manœuvre nettement meilleure ".

Le Wall Street Journal décrit les dégâts :

    Les frappes ont détruit 5,7 millions de barils de production quotidienne, et les responsables ont déclaré qu'ils pensaient encore pouvoir la remplacer complètement dans les jours à venir. Pour ce faire, il faudrait exploiter les stocks de pétrole et utiliser d'autres installations pour traiter le pétrole brut. L'une des principales cibles de l'attaque était une grande usine de traitement de brut à Abqaiq.
    ...
    "C'est certainement pire que ce à quoi nous nous attendions dans les premières heures qui ont suivi l'attentat, mais nous veillons à ce que le marché ne connaisse pas de pénurie tant que nous ne serons pas complètement remis en service ", a déclaré un responsable saoudien.
    ...
    Même si les autorités saoudiennes parviennent à rétablir la totalité ou la majeure partie de la production perdue, l'attaque démontre une nouvelle vulnérabilité aux lignes d'approvisionnement à travers le golfe riche en pétrole.

    Les pétroliers paient des primes d'assurance nettement plus élevées, tandis que les taux d'expédition ont grimpé en flèche dans la région après une série d'attaques maritimes contre des navires chargés de pétrole, que les États-Unis ont imputées à l'Iran.
    ...
    Khuraïs produit environ 1,5 million de barils par jour et Abqaiq, la plus grande installation de stabilisation de brut au monde, traite sept millions de barils de pétrole saoudien par jour, transformant le brut en qualités spécifiques, comme l'Arabian Extra Light.

Les réparations à Abqaiq prendront probablement des semaines, voire des jours. Les prix à terme du Brent ont augmenté de 19,5 % pour atteindre 71,95 $ le baril, soit la plus forte hausse depuis le 14 janvier 1991 :

    Aramco n'a donné aucun délai pour la reprise de la production. Une source proche de l'affaire a dit à Reuters que le retour à la pleine capacité pétrolière pourrait prendre "des semaines, pas des jours".

    Riyad a déclaré qu'elle compenserait les dommages subis par ses installations en puisant dans ses stocks, qui s'élevaient à 188 millions de barils en juin, selon les données officielles.

Le président étatsunien Donald Trump a été beaucoup plus prudent dans l'attribution de la frappe que son secrétaire d'État.

    Donald J. Trump @realDonaldTrump - 0:50 UTC - 16 sept 2019
    L'approvisionnement en pétrole de l'Arabie saoudite a été attaqué. Il y a des raisons de croire que nous connaissons le coupable, que nous sommes bloqués et concentrés en fonction des vérifications, mais que nous attendons des nouvelles du Royaume pour savoir qui, à leur avis, est la cause de cette attaque et à quelles conditions nous allons procéder !

Toute attaque directe contre l'Iran aurait pour conséquence que des essaims de missiles frapperaient les installations militaires étatsuniennes dans les Émirats arabes unis et au Qatar. Les usines de dessalement d'eau de mer, les raffineries et les ports saoudiens seraient également visés.

On peut douter que Trump ou les Saoudiens soient prêts à risquer une telle réponse.

L'attaque d'Abqaiq n'a pas été la dernière et toutes les installations saoudiennes sont extrêmement vulnérables :

    Les rebelles yéménites des Houthis ont déclaré que les installations pétrolières en Arabie saoudite restent parmi leurs cibles après les attaques contre deux sites majeurs qui ont réduit de moitié la production du royaume et provoqué une hausse des prix du brut.

    Le groupe rebelle soutenu par l'Iran, cité par la chaîne de télévision des Houthis, a déclaré que ses armes peuvent atteindre n'importe où en Arabie saoudite. Les attaques de samedi ont été menées par des "avions" utilisant de nouveaux moteurs, a déclaré le groupe, se référant probablement à des drones.

Middle East Eye, un média financé par le Qatar, a rapporté hier que l'attaque a été lancée depuis l'Irak par l'Iran, qui a aligné ses forces pour venger les attaques israéliennes en Syrie. L'auteur, David Hearst, est connu pour ses reportages souvent critiqués. L'article est basé sur une seule source de renseignement irakienne anonyme. Le Qatar, qui lutte avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pour son soutien aux Frères musulmans, aimerait voir un conflit plus vaste impliquant ses rivaux à l'est et à l'ouest du golfe Persique. L'article ne devrait donc pas être pris en considération.

L'Arabie saoudite n'a aucune défense contre ce type d'attaques. Les États-Unis n'ont pas de système qui pourrait être utilisé à cette fin. La Russie est le seul pays qui peut fournir l'équipement nécessaire. Il serait extrêmement coûteux, et encore insuffisant, de protéger toutes les installations vitales de l'Arabie saoudite contre des attaques d'essaims similaires.

De telles attaques ne prendront fin que lorsque l'Arabie saoudite fera la paix avec le Yémen et que les États-Unis mettront fin à leurs sanctions contre les exportations de pétrole en provenance d'Iran. Comme l'a dit le président iranien Rouhani :

    "Si un jour ils veulent empêcher l'exportation du pétrole iranien, alors aucun pétrole ne sera exporté du Golfe Persique"

Il est grand temps que des faucons comme Pompéo reconnaissent que l'Iran est sérieux et qu'il a les outils nécessaires pour tenir cette promesse.

Traduction SLT

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