Solidarité avec le peuple Chilien! El pueblo unido, jamás será vencido!
AfrOuest-Actu François Fabregat
Nous publions ci-dessous un entretien entre Romain Migus et Emilia Tijoux, sociologue, professeure à l'Université du Chili à Santiago, qui analyse le mouvement social qui se déroule au Chili et s’interroge sur la perspective politique du pays. Emilia Tijoux lance un appel à la solidarité internationale.
Auparavant un décryptage succinct des raisons qui ont conduit à la situation actuelle. L’augmentation des tarifs des transports en commun, le 6 octobre 2019, a jeté la jeunesse chilienne dans la rue. Depuis le 17 octobre, la colère sociale populaire ne faiblit pas : manifestations massives, répression violente et brutale, au moins 18 morts, des centaines de manifestants blessés, et près de 3 000 personnes arrêtées par les forces de l'ordre.
Une situation qui par le réveil instinctif d’une réaction de défense, rappelle aux plus anciens, les heures sombres du 11 septembre 1973 lorsque le président Salvador Allende est mort les armes à la main dans le palais présidentiel de la Moneda, assailli par les forces armées au service du coup d’état mené par la junte du général Augusto Pinochet (1973-1990).
Quel rapport entre 11 septembre 1973 et le 17 octobre 2019 ? Une longue nuit néolibérale qui commence en 1973, durant laquelle aussitôt après avoir mis fin aux réformes économiques et sociales menées par le président Salvador Allende, démocratiquement élu trois ans plus tôt, la junte militaire de Pinochet, entre 1973 et 1990, va expérimenter en grandeur nature et mettre en application les théories néolibérales de l’Ecole de Chicago. Celles-ci seront déployées avec le concours de jeunes loups dépêchés tout exprès des Etats-Unis à Santiago dès les premiers jours qui succèdent au coup d’état. Au moment même où s’abat à Santiago une répression sans pitié sur les démocrates chiliens. Ces réformes seront réalisées sous la houlette et la supervision de Milton Friedman et Friedrich Hayek les fondateurs de la Société du Mont Pèlerin[i] et de l’école de Chicago. Hayek visita à plusieurs reprises le chili à partir de 1973 et rencontra plusieurs fois Pinochet, lequel étant un grand admirateur de Hayek, l’invita à venir lui rendre visite au chili, invitation que l'économiste accepta d’honorer. Hayek aurait-il pu imaginer qu’un dirigeant politique accepterait de mettre en œuvre ses théories en bloc, comme le fit Pinochet, avec le zèle que l’on sait aujourd’hui. Emporté par l’enthousiasme d’un tel « succès » Hayek n’hésitera pas à renier la lutte contre le totalitarisme qu’il déployait en 1944 pour accorder un satisfecit à Pinochet : « Personnellement je préfère un dictateur libéral plutôt qu'un gouvernement démocratique manquant de libéralisme. Mon impression personnelle est que […] au Chili par exemple, nous assisterons à la transition d'un gouvernement dictatorial vers un gouvernement libéral.» La dictature au nom de la liberté, il fallait oser un tel concept disruptif ! Après le Chili de Pinochet les théories de Friedman et Hayek feront florès aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne en devenant le crédo de Ronald Reagan et Margareth Thatcher.

46 ans plus tard, en 2019 dans ce même Chili, confronté à un soulèvement populaire comme ses homologues latino-américains néolibéraux Jaïr Bolsonaro au Brésil ou Lenín Moreno en Equateur, face au peuple qui exige sa démission, le président multimilliardaire, Sebastián Piñera, qui occupe le palais de la Moneda depuis mars 2018, n’hésite pas à déclarer qu’il est « en guerre contre un ennemi puissant et implacable », en fait contre son peuple. Il instaure le couvre-feu, décrète l’état d’exception, militarise les rues en déployant 20 000 militaires et policiers dans le pays. Pas étonnant qu’Emilia Tijoux fasse part de son émotion et rappelle que devant un tel déploiement, les gens de sa génération se remémorent immédiatement 1973, éprouvant la crainte légitime d’un retour à la violence d’état. Jusqu’à présent les annonces faites dans l’urgence par Piñera s’apparentent davantage à des actions de saupoudrage qu’à des véritables réformes : augmentation immédiate de 20 % du salaire minimum, création d’un impôt complémentaire sur les revenus supérieurs à 9 886 euros et stabilisation des tarifs électriques… Elles n’ont pas réussi à désarmer l’ardeur du peuple en révolte, malgré que depuis sa déclaration de guerre contre le peuple, Pinera ait « demandé pardon » — dans l’espoir de mettre un coup d’arrêt au soulèvement populaire. !
Dans le laboratoire du néolibéralisme, qu’est devenu le Chili, la peur a enfin changé de camp. Des portraits d’Allende sont exhibés dans les cortèges et les manifestants reprennent les chansons de Victor Jara, assassiné par les putschistes entre le 14 et le 16 septembre 1973. Le 25 octobre, le pays connait la plus grande manifestation de son histoire ; trois jours plus tard, huit ministres sont limogés. Le consensus libéral implose, au Chili comme partout ailleurs. Les manifestants exigent la démission du président Sebastián Piñera et des changements structurels. Une nouvelle page d’histoire est en train de s’écrire ! F.F.

François FABREGAT
3 novembre 2019
Note
1 La Société du Mont-Pèlerin (en anglais Mont Pelerin Society, MPS) est un groupe de réflexion créé en 1947 et composée d'économistes (dont 8 prix de la banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel), d'intellectuels ou de journalistes. Fondée par, entre autres, Friedrich Hayek, Karl Popper, Ludwig von Mises, ou Milton Friedman, la Société du Mont-Pèlerin revendique défendre des valeurs libérales, telles que l'économie de marché, la société ouverte et la liberté d'expression.

ANALYSE DE LA SITUATION AU CHILI
Romain Migus 23 oct. 2019 https://www.youtube.com/watch?v=PWgt2R_7n5w&feature=youtu.be

Emilia Tijoux, sociologue, professeure à l'Université du Chili, analyse avec nous en français le mouvement social actuel au Chili, la répression, et le futur politique du pays. La sociologue chilienne insiste sur la nécessité de la solidarité internationale, alors fais un geste, et partage cette vidéo dans tes réseaux.
00:01 : Romain Migus : bonjour, pour comprendre ce qui se déroule actuellement au Chili nous avons la chance d’être avec Emilia Tijoux qui est sociologue, professeur universitaire à Santiago au Chili donc. Emilia Tijoux merci beaucoup d’être avec nous, bonjour. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire déjà sur la vie de tous les jours en ce moment, comment vivez-vous les événements actuels à Santiago et dans toutes les villes du Chili ?
00:37 : Emilia Tijoux : Merci beaucoup, pour me donner la possibilité de dire quelque chose, un point de vue parce que l’on n’a pas de leader à la tête, ni rien pour le moment. En fait le Chili a changé très, très, vite après l’explosion sociale qui a commencé avec les jeunes étudiants lycéens en fait, et encore une fois, je commence toujours par cela, dire que ce sont les jeunes qui ont ouvert en fait ces demandes de justice, d’égalité en fait entre les chiliens. Et c’est à propos de l’augmentation du billet de métro que l’explosion a commencé. Mais ce n’est pas ça la cause en fait. A mon point de vue il y a deux grandes choses à considérer. D’abord une question structurelle d’inégalités, d’injustices, de maltraitance vers les secteurs les plus pauvres qui est vieille. C’est quelque chose qui ne commence pas en 1973, c’est historique, cette ségrégation, division des classes sociales entre le peuple chilien et entre une société chilienne qui aujourd’hui effectivement, vous pouvez la voir dans les grandes villes et ailleurs comment est marquée cette ségrégation. Et qui est aussi économique, sociale et culturelle. Mais après, nous avons pendant la dictature deux moments très importants, en plus de la constitution de 1980 dans laquelle essentiellement il n’y a pas de grands changements jusqu’à aujourd’hui, donc la constitution de 1980 de Pinochet, et en dehors de ça nous avons deux grands moments de privatisations. Un moment de privatisation de l’essentiel, l’eau, l’électricité, le gaz, et après la privatisation de la vie, les pensions, la santé, l’éducation, l’habitat, les transports, etc. Et pendant très longtemps, l’histoire de la peur installée par cette dictature qui s’est déployée dans toute la société chilienne nous laisse comme une société obéissante, tranquille, ou peu de choses se passent, on a exhibé aussi cette société comme une société politiquement sure, économiquement stable, etc., etc., mais la vie des gens tous les jours est une vie extrêmement difficile à vivre. Avec une grande souffrance sociale généralisée et qui a fait que des gens vivent aujourd’hui dans la rue, avec les vols les abus, les humiliations, et la quantité de morts. Par exemple des personnes qui meurent dans les salles d’attente des hôpitaux publics, avec une privatisation qui fait que les médicaments sont impossibles à acheter, et en fait on voit souvent les gens dans les pharmacies avec la prescription médicale à la main qui demandent monsieur combien cela coûte ?, le pharmacien lui réponde et la personne s’en va…, ça on le voit tous les jours. C’est-à-dire qu’il y a une situation profonde. Et donc les corps, les esprits, des chiliens sont arrivés à un point ou ça a éclaté. Et aujourd’hui ce que l’on peut voir c’est une rébellion nationale, je ne sais pas le nom que l’on va donner à ce qui se passe, on parle de désobéissance civile, je pense que ce n’est pas ça, c’est rébellion accompagnée de chansons, d’instruments de musique, de danses, dans les rues de tout le pays.
04:53 : R.M : surtout une rébellion peut-être contre un système. Je crois qu’il est bien de rappeler à ceux qui nous écoutent que le néolibéralisme est né au Chili, c’est-à-dire que le chili est le premier à avoir expérimenté ce modèle avec la dictature de Pinochet et généralement le chili était considéré dans les médias comme le bon élève, comme l’exemple à suivre et peu de gens savent que c’est le pays le plus inégalitaire d’Amérique latine, donc c’est aussi une rébellion peut-être contre ce système. Et puis la question des jeunes, je crois qu’elle est importante parce qu’on a toujours tendance à dire qu’au Chili la jeunesse ne connait pas ce qui s’est passé avec Allende, que c’est une jeunesse apathique. Donc là vous confirmez qu’il y a peut-être une véritable prise de distance de la population et puis de la jeunesse par rapport au modèle hérité de la dictature et finalement à cette continuité économique qui s’est exprimée depuis la dictature ?
05:56 : E.T : Vous le dites très bien. Il y a un système économique, où règne le capital, c’est le centre de la vie, le néolibéralisme chilien est le plus mûr du monde il ne faut pas l’oublier, il a voulu être imité et ça n’a pas marché. C’est un néolibéralisme d’une telle envergure, qu’il a aussi mercantilisé les citoyens comme un objet d’échange. C’est très profond cela, cette idée d’oublier qu’il est toujours très bizarre d’être vu comme un pays calme et démocratique etc., et d’autre part être avec un niveau de santé mentale terrible, déficit des vieux quand ils commencent à avoir leur pension de misère, qui ont augmenté… Si c’est des jeunes et des enfants en fait, une santé mentale pénible au niveau national, comme disait Robert Castel au Chili c’est l’insécurité sociale, c’est l’insécurité de la vie, c’est pas l’insécurité pensée comme on va nous faire du mal…, c’est le mal que nous-mêmes nous nous faisons par exemple avec le discours si individualiste, aujourd’hui ce qui se passe il y a quelque chose qui a éclaté les gens s’aident les gens se sourient. Dans tous les coins. Il y a des gens des quartiers beaucoup plus privilégiés qui sont dans la rue aujourd’hui, qui ont défilé dans les quartiers que l’on a toujours appelés les quartiers riches. Et jamais on ne les avait vu sortir dans la rue massivement, il y a une partie de la droite qui n’est pas d’accord avec Pinera. C’est-à-dire qu’il y a quelque chose de social, mais en fait c’est plus que cela, une expression amicale, familiale, mais qui est très réprimée en même temps. C’est-à-dire ça c’est le côté merveilleux de la chose que personne ne peut nier.
Au moment où nous sommes en train de parler, la manifestation est nationale. En ce moment même nous avons le centre du Chili rempli de gens, partout.
08:25 : R.M : il semble qu’il y ait une grève en ce moment et demain aussi…
08:28 : E.T : Il y a une grève nationale, ce sont les travailleurs du port, comme d’habitude, ce sont les syndicats, ce sont les travailleurs des mines, les gardiens de prison… Nous avons un monde…, les gens demandent au président de renoncer, je ne pense pas que cela va se faire, ou bien sortir de son ministère les personnes les plus nocives qu’il a pu avoir comme ministres. Jusqu’ici il n’y a pas eu un geste à ce propos, je pense qu’il aurait pu le faire. D’autre part c’est un homme assez seul, il fait penser à Bolsonaro et Trump et je ne vois pas quels sont soutiens internationaux qu’il peut avoir… – ceux de lima déjà – ça ne fait pas beaucoup – oui effectivement cela ne fait pas beaucoup… – Mais nous nous avons besoin…, la société chilienne a besoin du soutien des gouvernements du monde. En ce moment c’est hyper important que l’on arrive à avoir ces soutiens, parce que la chose la plus terrible qu’il peut nous arriver, moi je viens de cette génération-là, parce que nous avons vécu le coup d’état, on sait très bien ce que cela veut dire les militaires dans la rue qui sont chargés de l’ordre du pays. Et nous avons en ce moment beaucoup d’excès qui sont en train de se commettre, on vient de trouver dans une station de métro qui s’appelle Baquedano, en ce moment l’institut National des Droits de l’homme, un endroit où ils avaient commencé à amener des gens pour les torturer, maintenant, aujourd’hui. Et l’annonce a été faite publiquement. Il y a eu des arrestations sommaires, il y a des séquestrations de gens dans leurs domiciles, des maisons complètement abimées ou les policiers sont rentrés et on tout cassé, il y a des gens portés disparus, que leurs familles n’ont pas encore retrouvé. Et à la porte de l’institut médico-légal il y a plusieurs familles qui attendent de savoir si les cadavres qui sont à l’intérieur ce sont les cadavres de personnes de leur famille. C’est-à-dire on est en train de présenter la violation des droits de l’homme dans toute sa dimension au Chili, mais nous avons besoin que tout cela se dise à l’extérieur. Parce qu’il y a comme je vous disais ce côté merveilleux de lutte sociale, mais le peuple est en train d’en payer le prix. Surtout les personnes des quartiers les plus démunis, et les jeunes dirigeants, par exemple hier les jeunes dirigeants lycéens ont été sortis de chez eux, les informations sont là dans les réseaux sociaux, qui montrent comment on enlève une fille et on l’amène dans un endroit, on ne sait où. Ce sont des jeunes. Je ne dis pas qu’on puisse comparer ce qui s’est passé en 1973 avec aujourd’hui, parce que sinon on serait déjà dans un stade, mais la façon dont les choses se passent lorsque l’on donne l’autorité aux forces armées, voilà le résultat que nous avons aujourd’hui et ça c’est très important.
12:05 : R.M : on a pu écouter des déclarations qui font un peu froid dans le dos et finalement qui révèlent le morcèlement d’un modèle économique et social. Lorsque la première dame du Chili, a propos des manifestations fait référence à des hordes d’aliens ou à une invasion étrangère, c’est finalement des gens dont elle ne supposait pas l’existence qui sont dans la rue. Et la réponse qu’a donnée son mari c’est d’être en guerre contre un « ennemi puissant », cet ennemi puissant c’est le peuple chilien tout entier, et là je voulais justement venir sur une question Emilia Tijoux : qui manifeste ? Est-ce qu’il y a un parti ou des partis politiques qui arrivent à canaliser cette manifestation ou c’est une manifestation du peuple de manière spontanée ? Qu’est-ce qui structure les manifestations au Chili en ce moment ? Est-ce qu’on peut déjà le dire ?
13:10 : E.T : Ce n’est pas structuré. C’est cela qui est le plus intéressant. Mais c’est aussi inquiétant. C’est une manifestation massive. C’est-à-dire vous allez dans la rue, la personne qui est là est avec vous et continue avec vous. Est-ce une manifestation spontanée ?, pas tellement parce que c’est le résultat de tout ce qui s’est passé, mais où il y a des organisations sociales, des groupes des jeunes des centres culturels, des partis politiques aussi, mais qui ne représentent pas en ce moment une issue, je ne peux pas parler d’un leader, d’un nom, d’un projet, parce que la grande question qui se pose pour nous c’est qu’est-ce qui va se passer demain ? On sait ce qui se passe aujourd’hui, par exemple quand je parle avec vous il y a les hélicoptères au-dessus de ma maison, on est avec ce climat de coup d’état déjà, pour nous les plus vieux. Mais pour les jeunes, malgré l’instauration de l’état de siège, qui se commence à 20 heures au Chili, à 2h du matin les gens sont encore en train des chanter avec des guitares un peu partout. Evidemment les militaires arrivent et tirent, il y a quelques blessés, d’autres courent, mais les gens n’ont pas fait attention à l’heure de l’état de siège, 18h, mais après 18h et jusqu’à je ne sais pas quelle heure les gens étaient dans les rues et dans les quartiers populaires les gens sont toute la nuit en train de danser, de chanter, se réunissent, tout le monde crie et tout le monde tape sur des casseroles avec sa cuillère de bois pendant des heures. Vous allez dans la rue, vous passez à côté d’un camion, d’un bus ou d’une voiture, vous faites un signe et les gens klaxonnent pour soutenir. Ça c’est l’ambiance qui existe, mais je pense que politiquement les gens ont perdu la confiance dans les partis politiques. Des partis qui n’ont pas fait grand-chose pour changer cela avant. C’est cela qui est terrible. On a tout laissé entre les mains d’un président qui ne sait pas gouverner, qui n’a pas senti, qui n’a pas eu la sensibilité sociale de sentir ce qui se passait contre lui. Alors ce que sa femme peut dire, ça correspond exactement à ce que vous signalez, ils n’ont jamais vu qu’il y avait un pays qui existait qu’il y avait des questions sociales, qu’on était dans les hôpitaux, qu’on allait prendre le métro le matin qu’on était là dans la rue, ils n’ont jamais vu. C’est aujourd’hui qu’ils le voient, qu’ils le sentent, dans les positions que vous voyez déjà. On dit jour à jour, et on voit que chaque jour la répression s’organise. Qu’elle s’organise de mieux en mieux chaque jour. Donc je ne sais pas ce qui va se passer d’ici une semaine ou un mois. Mais sinon on va continuer chez nous, on sera arrêtés de nouveau, c’est possible, tout le monde a cela dans la tête. Il se peut qu’ils viennent demain, qu’ils viennent après-demain, qu’ils arrivent, investissent ta maison, t’amènent je ne sais pas où. C’est tout à fait possible et j’espère que cela ne se passera pas. Parce qu’il faut voir que les militaires aujourd’hui ne sont pas non plus très contents d’avoir eu tout le poids de la responsabilité de ce qui s’est passé avec les civils, qui passent leur vie super-bien et qui n’ont pas été touchés. Donc je ne sais pas non plus ce qu’il y a dans la tête des militaires car je n’ai aucun rapport avec eux, mais j’imagine qu’il y a des choses qu’ils doivent quand même penser. Alors la répression ici vient non-seulement des forces armées ou de quelques personnes des forces armées, mais aussi de la police chilienne qui est connue à ce propos comme toutes les polices ou la police française, mais une police hyper violente. Aujourd’hui ils peuvent faire ce qu’ils veulent avec les gens, donc il y a beaucoup de blessés, il y a des morts, on ne sait pas exactement la quantité ?, on est en train de hurler pour savoir qui, mai il y a d’un autre côté une solidarité que l’on n’avait jamais vue, les avocats jeunes et vieux réunis, pour savoir qui il faut aller défendre, ou il faut aller, comment il faut les chercher, les médecins également, ou il faut soigner quelqu’un, c’est-à-dire vraiment cela je ne l’avais jamais vu. C’est la première fois que je le vois.
18:09 : R.M : est-ce que vous pensez que c’est un mouvement qui est parti pour durer ? Parce que s’il n’y a pas de parti politique ou de structure qui puisse capitaliser ce que vous venez de nous dire, est-ce que le mouvement est parti pour durer ou ça va finir par s’essouffler ou par une répression gigantesque ?
18:27 : E.T : c’est la grande question.
18:29 : R.M : qu’est-ce qui a été semé dans la société chilienne avec ce mouvement-là ?
18:34 : E.T : vous posez la grande question. Jusqu’ici ça dure et ça grandit, ça grandit tous les jours, ça grandit vraiment, mais je ne sais pas si cela va tenir en grandissant parce que je ne sais pas si de l’autre côté ils veulent que les gens se lassent, qu’ils soient fatigués. Ça c’est aussi une technique. Mais jusqu’ici cela grandit tous les jours. C’est de plus en plus grand. Et donc on se pose la question s’ils ne vont pas sortir dans la rue et tuer des milliers de personnes ? C’est trop de monde. Il faut voir que dans des régions hyper lointaines, dans des petits villages, c’est ce qui s’est passé à Punta Arenas qui est de l’autre côté du Chili dans le sud, au nord aussi à Arica, ils nous arrivent des villages ou il y a deux-cents personnes dans la rue, le maire compris, et parfois avec le soutien des policiers, c’est quelque chose d’inimaginable. Mais ma grande inquiétude et c’est pour cela que j’appelle à la solidarité internationale, c’est les excès, la répression, les formes de répression et la violence contre les personnes aujourd’hui, surtout des jeunes, des dirigeants lycéens, des dirigeants universitaires, des dirigeants qui luttent pour l’eau, les écologistes. Ça aussi il ne faut pas l’oublier parce qu’ils ont été attaqués aussi.
20:14 : R.M : merci Emilia Tijoux, vous l’avez entendu ce que nous a dit Emilia Tijoux, on réclame depuis le Chili de la solidarité internationale, ça passe avant tout par une meilleure communication, donc n’hésitez pas à partager cette vidéo, à la faire connaitre autour de vous en solidarité à ce peuple chilien, ce peuple merveilleux qui se lève contre les ravages du néolibéralisme qui a détruit son pays depuis maintenant trop longtemps. Merci Emilia Tijoux, j’espère qu’on aura l’occasion de revenir discuter avec vous.
20:46 : E.T : merci Romain Migus, je veux vous dire aussi que l’on vous remercie, les liens entre le Chili et la France existent depuis quand même très longtemps, merci pour toute la solidarité que nous avons eue en 1973 et après, mais aujourd’hui on a besoin de vous, je pense que c’est important. A bientôt !
21:06 : R.M : à bientôt !
Romain Migus est également animateur du Blog Venezuela en Vivo
Contact : samlatouch@protonmail.com
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