Franc CFA : la farce de mauvais goût de Macron et Ouattara
Par Fanny Pigeaud
Mediapart, 14.04.21
Le gouvernement français a rendu publics les deux principaux textes de la « réforme » du franc CFA d’Afrique de l’Ouest – dont un n’a jamais été soumis aux parlementaires. Ces documents confirment que rien ne change : le contrôle de l’État français sur cette monnaie reste identique. Emmanuel Macron et Alassane Ouattara n’ont rien fait d’autre qu’une belle opération de communication.
Il n’aura échappé à aucun observateur attentif que la France est en difficulté sur le continent africain. Son emprise sur les pays de la zone franc, ce que certains appellent son « pré carré », est de plus en plus contestée par les populations des pays concernés.
Paris a déjà été confronté à plusieurs reprises à une telle situation dans le passé. Pour s’en sortir, le gouvernement français a toujours utilisé la même recette : apporter en surface quelques modifications à son édifice néocolonial afin de faire croire qu’il prend en compte les critiques, tout en ne changeant rien au fond. L’idée est à la fois de gagner du temps et de reprendre la main, voire de resserrer son contrôle.
C’est ce procédé que les autorités françaises, sous pression, ont décidé d’appliquer à nouveau avec la réforme du franc CFA d’Afrique de l’Ouest, annoncée à Abidjan le 21 décembre 2019 par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara.
Cette réforme, adoptée par les députés français en décembre 2020 et par les sénateurs en janvier 2021, vise ainsi à débarrasser le « système CFA » de ses aspects les plus embarrassants, ceux qui ont nourri les critiques répétées des mouvements pour l’émancipation monétaire en Afrique francophone : l’acronyme franc CFA, la représentation française au sein des instances de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), l’obligation pour celle-ci de déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor français.
Mais dans le même temps, et c'est l’objectif principal, elle maintient les fondamentaux du « système CFA » : la parité fixe avec l’euro, la liberté de transfert des capitaux et revenus, et la tutelle du Trésor français sur le franc CFA et la BCEAO à travers sa prétendue « garantie » de convertibilité.
Cette stratégie apparaît de manière évidente lorsque l’on examine attentivement les nouveaux textes qui ont été adoptés et qui viennent d’être rendus publics par le gouvernement français, mais aussi quand on s’intéresse à la manière dont les parlementaires ont été utilisés, pour ne pas dire dupés.
La fausse procédure démocratique
Contrairement à ce que le gouvernement leur a fait croire, les parlementaires français n’ont pas été consultés. Le processus d’approbation auquel ils se sont soumis et auquel certains ont sincèrement cru était dans les faits sans objet et sans effet : tout avait été déjà décidé et même déjà mis en œuvre.
Regardons cela dans le détail. Il faut d’abord noter que la réforme repose sur deux nouveaux textes. Le premier est un accord de coopération monétaire, signé le 21 décembre 2019 par les ministres des Finances des huit pays de l’UMOA (Union monétaire ouest-africaine) et par le ministre français de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Lemaire. Il remplace un précédent texte datant du 4 décembre 1973. Le second document est une convention de garantie, signée le 10 décembre 2020 par Bruno Lemaire et Tiémoko Meyliet Koné, gouverneur de la BCEAO.
Cette convention de garantie prévoit, comme le faisait la convention de compte d’opérations de 1973 qu’elle remplace, que la France prête sa monnaie (des euros) à la BCEAO lorsque cette dernière manque de réserves de change pour couvrir ses engagements extérieurs. Il a fallu que le sénateur communiste Pierre Laurent insiste pour que ce texte soit rendu public.
Cet accord de coopération monétaire (AC) et cette convention de garantie (CG) sont entrés officiellement en vigueur le 1er janvier 2021 (AC, art. 10 et CG, art. 10).
Premier problème : bien que constituant le cœur de cette pseudo « réforme », le texte de la convention de garantie n’a jamais été porté à la connaissance des parlementaires – ce qu’ils n’ont pas relevé. S’il a été depuis mis en ligne par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, une annexe n’a elle pas encore été rendue publique...
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