Sahel, les arrière pensées économiques et militaires de la présence française
Mondafrique, 25.01.22
La présence militaire française au Sahel n’a pas d’autres objectifs que de sécuriser les intérêts économiques français et d’expérimenter des nouveaux armements.

Une chronique de Mustapha Saha, écrivain, peintre et sociologue-conseiller de François Hollande à l’Élysée
La région des trois frontières est également un espace d’expérimentation des nouvelles techniques de guerre. Au Sahel, une bonne partie des bombardements sont effectués par des drones. Etrange coïncidence, les premiers drones, conçus par Général Atomics, sont livrés pour l’intervention au Niger et au Mali. Le MQ-9 Reaper (reaper se traduit par faucheuse, allégorie de la mort) est un drone volant à moyenne altitude avec 24 heures d’autonomie. Il sert aussi bien au recueil de renseignements et de données qu’à l’attaque avec un armement progressif. Il contient des capteurs embarqués ultra sophistiqués, une boule optronique avec des caméras jour, des infrarouges et un radar SAR-GMTI. En jargon militaire, SAR signifie « Synthetic Aperture Radar », un radar à ouverture synthétique. L’équipage est composé de quatre aviateurs à distance, un pilote, un opérateur capteur, un coordinateur tactique, un opérateur image. L’actuel drone Reaper est armé de bombes GBU12 à guidage laser.
Avec plusieurs milliers de missions effectuées chaque année, le drone bombardier est au cœur des opérations sahélo-saharienne. Il peut réaliser des sorties à deux mille kilomètres de sa base aérienne projetée (BAP) de Niamey.

En novembre 2021, une nouvelle insolite fait le tour du monde, Aliou, un adolescent burkinabé de treize ans, est porté en héros par la foule dans la ville de Kaya au Burkina Faso parce qu’il a abattu, avec son lance-pierre, un drone français qui surveillait les nombreux manifestants rassemblés depuis la veille pour empêcher le passage d’un convoi d’une centaine de véhicules de l’armée française. Partis de Côte d’Ivoire en direction du Niger, les militaires français avaient déjà été bloqués plusieurs heures à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou les jours précédents.
L’exploit du jeune Aliou prouve que les drones de surveillance, militaires et policiers, qui se répandent partout dans le monde, sont plus vulnérables qu’ils ne paraissent. Au Niger, où le convoi militaire français avait prévu de transiter, les manifestations se multiplient contre « l’occupation militaire de la France » et contre la volonté déclarée de la présidence française de faire du Niger son pays pivot dans la région. L’armée française est accusée d’avoir tiré sur des civils désarmés.
Un communiqué du ministère de l’intérieur nigérien reconnaît la gravité de l’événement : « Dans la matinée de ce samedi 27 novembre 2021, le convoi de la force française Barkhane, sous escorte de la gendarmerie nationale, en route pour le Mali, a été bloqué par des manifestants à Téra, région de Tillabéri, où elle a passé la nuit. Dans sa tentative de se dégager, elle a fait usage de la force. On déplore la mort de deux personnes et 18 blessés, dont onze graves ». Le président nigérien exprime, le même soir, « sa reconnaissance envers la France dont il salue les sacrifices dans les pays du Sahel » (AFP, 27 novembre 2021)...
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