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Football, Guerre et Corruption. Qatar Connection : Quand la France et le Qatar programmaient la guerre en Libye et... la coupe du monde au Qatar (Blast)

par Blast 13 Octobre 2022, 20:53 Qatargate Libye Sarkozy Qatar Guerre Football Platinie Néocolonialisme Françafrique France Articles de Sam La Touch


Lors du déjeuner à l’Elysée de novembre 2010, sur lequel la justice française enquête, Nicolas Sarkozy et le futur émir du Qatar n’ont pas parlé uniquement de football : le renversement du colonel Kadhafi aurait également été au menu de cette rencontre, d’après un nouveau document que Blast révèle. Il porte la signature de l'ancien président et du prince héritier.

Le 19 mars 2011, le président de la République Nicolas Sarkozy annonce l’engagement de forces françaises pour raisons humanitaires : il s’agit de protéger la population de Benghazi. L’histoire est en route. Vidéo BFM TV.

Une décade plus tard, il est possible de reconstituer la mécanique à l’origine de l’engagement militaire de la France en Libye, au moins partiellement. En réalité, depuis quatre mois, Paris se préparait à renverser le chef d’Etat libyen. Bien avant le déclenchement des printemps arabes, qui a servi de paravent à cette opération. C’est une nouvelle révélation de notre saga sur la Qatar Connection. 

UN COMPTE-RENDU

Notre source, celle qui a confié à Blast les documents que nous révélons depuis avril dernier sur l’argent noir du Qatar, nous a cette fois remis quelques pages d’un compte-rendu. Il a été rédigé par les autorités qataries à la sortie du déjeuner organisé à l’Elysée le 23 novembre 2010.

Cette rencontre sous les ors de la République française réunissait notamment Nicolas Sarkozy, son président et l’hôte du jour, Michel Platini, alors à la tête de la puissante UEFA (l’organisation dirigeant le football européen), Claude Guéant, homme à tout faire de Nicolas Sarkozy et alors secrétaire général de la présidence de la République (1), et le futur émir du Qatar, le prince héritier Sheikh Tamim Bin Khalifa Al, présenté dans le document comme l’émissaire de son père le Sheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani.

Sous la mention « confidentiel », la page de garde aux armoiries du ministère des Affaires étrangères du Qatar du « Procès-verbal d’accord » rédigé le 23 novembre 2010 « entre Son Altesse le Sheikh Tamim Bin Hamad Al Thani Que Dieu le protège Et Son Excellence Nicolas Sarkozy Président de la République française ». Document Blast.

Sous la mention « confidentiel », la page de garde aux armoiries du ministère des Affaires étrangères du Qatar du « Procès-verbal d’accord » rédigé le 23 novembre 2010 « entre Son Altesse le Sheikh Tamim Bin Hamad Al Thani Que Dieu le protège Et Son Excellence Nicolas Sarkozy Président de la République française ». Document Blast.

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Blast a déjà raconté documents à l’appui comment ce rendez-vous a été décisif pour permettre à l’Etat du Golfe, grâce au soutien apporté par la France, d’enlever au nez et à la barbe des Etats-Unis la 22ème coupe du monde de football, qui doit être organisée fin 2022 dans des stades flambants neufs construits à marche forcée. Et également comment cette même réunion avait été décisive dans le rachat du PSG par QSI, la branche sports du fonds souverain qatari QIA – avec le rôle central joué par Nasser Al-khelaifi, l’actuel patron du club parisien, nouvel étendard en Europe de la puissance qatarie. Mais à notre grande surprise, nous avons découvert que les discussions n’avaient ce jour-là apparemment pas porté uniquement sur ces affaires footballistiques.

 
 L’incontournable Confidentiel défense

D’après les documents que nous publions aujourd’hui, un autre sujet aurait été abordé par le chef de l’Etat et ses invités royaux. Cette nouvelle pièce éclaire un peu plus les conditions et circonstances hors-norme de ce déjeuner de l’Elysée, au cours duquel des accords majeurs ont été scellés dans le plus grand secret. Si ce compte-rendu tombé entre nos mains reflète fidèlement les propos tenus ce jour-là, on comprend mieux pour quelles raisons notre confrère du Monde Rémi Dupré s’est vu refuser l’accès à sa version française – sa demande de communication des archives de l’Elysée s’étant cassée les dents sur l’incontournable Confidentiel défense, qui lui a alors été opposé. 

Le procès-verbal d’accord : « Des entretiens secrets ont eu lieu aujourd’hui le 23/11/2010 à l’Elysée, sous la présidence de Nicolas Sarkozy et de son Excellence le Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani en présence de Mr Claude Guéant, Secrétaire général de l’Elysée et de Mr Michel Platini, Président de l’UEFA »... Document Blast.

Le procès-verbal d’accord : « Des entretiens secrets ont eu lieu aujourd’hui le 23/11/2010 à l’Elysée, sous la présidence de Nicolas Sarkozy et de son Excellence le Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani en présence de Mr Claude Guéant, Secrétaire général de l’Elysée et de Mr Michel Platini, Président de l’UEFA »... Document Blast.

Un déjeuner... renversant

 

Que dit-il ce document qui porte les signatures du président de la République et du prince héritier, si sensible que sa lecture (sa copie française) ne saurait être autorisée quand un journaliste soucieux de faire son travail en demande lecture ? Selon la traduction réalisée à la demande de Blast, le déjeuner du 23 novembre 2010 aurait aussi porté sur le renversement du colonel Kadhafi ! Mais la discussion n’en serait pas restée à de simples considérations de repas : Nicolas Sarkozy aurait en effet accepté d’organiser l’opération destinée à sceller par les armes la fin du dictateur libyen. Et les pièces rendues publiques par Blast vont plus loin, encore : en contrepartie, c’est ce qu’indique le procès verbal, l’émirat aurait promis de financer le coût de la guerre ! Un montant est d’ailleurs évoqué dans le compte-rendu qui nous a été remis - 300 millions d’euros. Coïncidence, cette somme correspond aux dépenses engagées par la France en Libye au cours de l’opération Harmattan, selon l’estimation qui en a été faite fin octobre 2011 par Gérard Longuet, alors ministre de la Défense. 

La dernière page du PV d’accord, avec les signatures du prince héritier et de Nicolas Sarkozy : « Il a été convenu que l’Etat du Qatar se charge de tous les frais des opérations militaires et de sécurité en Libye », peut-on lire. « L’Etat du Qatar verse la somme de 300 millions d’euros à son Excellence le Président Nicolas Sarkozy ». Document Blast.

La dernière page du PV d’accord, avec les signatures du prince héritier et de Nicolas Sarkozy : « Il a été convenu que l’Etat du Qatar se charge de tous les frais des opérations militaires et de sécurité en Libye », peut-on lire. « L’Etat du Qatar verse la somme de 300 millions d’euros à son Excellence le Président Nicolas Sarkozy ». Document Blast.

colas Sarkozy ». Document Blast.
 
 Kadhafi ne voulait pas de l’émirat 
 

Evidemment, la nature de l’engagement qui aurait été acté à l’Elysée et la gravité de ces révélations, si elles sont fondées, méritent explications. Alors, pour quelles raisons le Qatar aurait-il demandé à la France la tête de Mouammar Kadhafi ? « La Libye est un pays riche en hydrocarbures et le Qatar voulait absolument participer à un gros contrat en cours de négociations entre Total, Paris et Tripoli, nous a affirmé notre source. Mais le colonel Kadhafi ne voulait pas de l’émirat ». « Le but n’était pas de mettre la main sur le gaz libyen mais de déstabiliser un concurrent potentiel, comme le Qatar cherche d’ailleurs à le faire actuellement avec l’Algérie », précise à Blast une autre source, proche celle-là de la famille Kadhafi. 

 

Desserte finale

 

Finalement, le déclenchement des manifestations à Benghazi le 17 février 2011, après l’arrestation d’un avocat des droits de l’homme, va faciliter la mise en œuvre du plan qui, selon notre document, aurait été élaboré antérieurement lors du déjeuner de l’Elysée. Dès lors, tout s’enchaîne : la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera assure la couverture, orchestrant une manipulation médiatique de grande ampleur en annonçant des massacres dont l’armée se serait rendue coupable contre la population civile ; ces informations non vérifiées, qui préparent l’opinion publique, sont relayées fidèlement par Bernard-Henri Lévy, autoproclamé porte-parole des insurgés ; le terrain préparé, débordant largement le mandat donné par l’ONU, la France entre alors dans la partie en entraînant et armant des milices islamistes, pour leur permettre de prendre le pouvoir... 

 
Mouammar Kadhafi, sa légende, ses frasques, son pétrole et ses provocations
 

Mission accomplie le 23 août 2011, avec la prise capitale de Tripoli par la rébellion. La voie est libre, désormais : le 15 septembre, accompagné par David Cameron, le Premier ministre britannique, Nicolas Sarkozy vient sur place contempler son œuvre et, après un bain de foule, féliciter le conseil national de transition à Benghazi. C’est un triomphe. Cette fois, ça en est fini de Mouammar Kadhafi, sa légende, ses frasques, son pétrole et ses provocations, et aussi ses amitiés à géométrie variable, dont il n’a su se prévenir et qui, au final, ont signé sa perte.

 

 

Le camp du Bien a officiellement triomphé. Pour les Libyens libérés, et au-delà pour les pays de la zone, l’avenir s’annonce forcément radieux. En France, sur toutes les chaînes de télévision et les plateaux de radio, c’est le même son, la même propagande. Et peu importe si le Parlement anglais établira en 2016 via une commission d’enquête que les fameux évènements et « le martyre » annoncé de Benghazi n’ont pas existé tel qu’ils ont été présentés pour justifier l’engagement de l’Alliance : documentée dans un rapport implacable d’une cinquantaine de pages pointant les ambiguïtés des motivations françaises, l’affaire passera largement hors des radars en France.

 

Quant aux acteurs de cette histoire sous-terraine, ce 15 septembre 2011, jour de triomphe à Benghazi, ils ont le regard déjà tourné ailleurs. Vers la suite de l’histoire, qu’ils ont bien l’intention de continuer à écrire, forts de leur avantage. La prochaine cible est toute désignée…

 

(1) Claude Guéant nie avoir participé à ce déjeuner. Joint par Blast lors d’un précédent volet de notre enquête sur le Qatar, au sujet d’un ordre de paiement mentionnant son nom suite à cette réunion à l’Elysée, il s’était contenté alors d’une réponse elliptique : « jamais entendu parler d’une telle intention ».

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