La révolte de Wagner pourrait fragiliser Poutine (Daily Beast)

La révolte de Wagner pourrait laisser Poutine sur un terrain instable
Article originel : Wagner Revolt Could Leave Putin Pal on Shaky Ground
Par Shannon Vavra
Daily Beast 2.07.23

Bien qu’il se soit vanté de mettre fin au soulèvement en Russie, l’homme fort biélorusse Loukachenko s’est peut-être placé dans une situation d’instabilité politique, affirme un ambassadeur étatsunien au Daily Beast.

En dépit du coup de poigne de l’homme fort biélorusse Alexander Loukachenko au sujet de son implication dans la négociation d’une fin au soulèvement en Russie du patron de Wagner, Yevgeny Prigojine, cela risque de créer une instabilité politique, déclare un haut diplomate étatsunien au Daily Beast.
 

Loukachenko acceptant que Prigojine soit exilé en Biélorussie — et possiblement que des combattants de Wagner déménagent en Biélorussie —, il y a probablement des politiciens biélorusses d’élite dans le cercle de Loukachenko qui regardent avec un grand dégoût le résultat de ces négociations selon les déclarations de l’ambassadeur des États-Unis, Michael Carpenter au Daily Beast.

« Je suis sûr que la plus grande puissance de la nomenklatura en Biélorussie examine très attentivement ce qui s’est passé », a déclaré Carpenter, qui suit les tenants et aboutissants du règne de Loukachenko depuis des années, au Daily Beast. « Certains d’entre eux sont redevables à la Russie et d’autres souhaitent vivement tracer la voie à suivre pour un Bélarus indépendant et souverain. »

Et avec les mercenaires de Wagner potentiellement en route pour se réinstaller en Biélorussie après le soulèvement, de nombreux Biélorusses d’élite sont probablement à risque d’avoir sur leur territoire des tueurs et des condamnés avec des réputations brutale selon Carpenter.

« Vous avez un groupe de mercenaires armés qui a prouvé qu’il est prêt à prendre le pouvoir à celui qui l’a soutenu pendant longtemps. Cela ne semble pas être une très bonne décision » de les avoir en Biélorussie, a dit Carpenter. « Cela ne semble certainement pas être une excellente idée pour quiconque en Biélorussie. »

Loukachenko est intervenu la semaine dernière pour aider le président russe Vladimir Poutine à parler de Prigojine alors que le chef Wagner a ordonné à ses mercenaires de marcher vers Moscou, appelant à la destitution du ministre russe de la Défense Sergueï Shoigu. Et depuis qu’il a aidé à négocier l’accord qui a amené Prigojine à annuler la révolte, Loukachenko se vante de ses compétences en négociation.

Ses efforts pour le présenter comme une victoire importante pour la Biélorussie, cependant, pourraient démentir les véritables complications politiques que l’accord pourrait introduire dans le pays.

« Il a fait de la propagande en disant que c’était une sorte de coup diplomatique… mais certainement pas du point de vue biélorusse », a déclaré Carpenter.

La mutinerie en Russie, qui représente peut-être le plus grand défi pour l’emprise de Poutine sur le pouvoir, a laissé la dynamique du pouvoir et la stabilité de toute la région incertaine. On ne sait pas où les mercenaires de Wagner iront dans les jours et les semaines à venir, et on ne sait pas où se trouve Prigojine en ce moment.

Il en va de même pour la dynamique interne du pouvoir en Biélorussie, a averti Carpenter.

« Qu’est-ce que cela change? Je pense qu’il est un peu trop tôt pour le dire », a dit Carpenter. « Parce que cela dépend de la nature du soi-disant pouvoir vertical en Russie et de la façon dont cela influence le pouvoir vertical en Biélorussie. »

Bien que Loukachenko ait affirmé en début de semaine que Prigojine était arrivé en Biélorussie, le Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche a noté vendredi qu’il n’a pas de certitude sur l’endroit où se trouve Prigojine. « Nous n’avons pas de renseignements que nous jugeons suffisamment fiables » pour confirmer où il se trouve, a déclaré John Kirby, coordonnateur du Conseil de sécurité nationale, lors d’un appel avec des journalistes.

Mais des rapports ont émergé ces derniers jours suggérant que des camps de campagne sont mis en place pour les combattants Wagner en Biélorussie, avec des images satellites montrant d’autres préparatifs probables.

Loukachenko est depuis longtemps redevable aux caprices politiques de Poutine. Mais au cours des années précédentes, Loukachenko a voulu maintenir une certaine ouverture à l’Ouest et se défiler de l’influence de Poutine, ont déclaré d’anciens responsables étatsuniens qui ont essayé de travailler avec Loukachenko au Daily Beast.

Cette mutinerie, et son rôle apparent dans la négociation de la fin de celui-ci, montre un Loukachenko sortant avec un peu de levier sur Poutine, a déclaré Evelyn Farkas, l’ancienne secrétaire adjointe à la défense pour la Russie, l’Ukraine et l’Eurasie.

« La souveraineté de la Biélorussie ne tient qu’à un fil. Et s’il a Prigojine sous sa garde… alors ce serait peut-être ajouter un fil de plus à sa dépendance. Ou… une autre carte qu’il peut jouer », a déclaré Farkas au Daily Beast.

« Loukachenko s’efforce de montrer au monde que la Biélorussie est toujours un pays souverain, qu’il peut encore prendre des mesures indépendantes, ce qui est très limité », a ajouté Mme Farkas.

Mais il est peu probable que Loukachenko soit intéressé à faire des concessions légitimes à l’Ouest à ce stade, malgré ses antécédents, a prédit Farkas.

« Avoir Prigojine sous sa garde… il pourrait livrer Prigojine aux tribunaux internationaux, il pourrait livrer Prigojine à l’Occident, il pourrait libérer Prigojine en Ukraine… il pourrait finir par subir les pressions de Poutine pour que les Wagner franchissent sa frontière », a-t-elle déclaré.

Carpenter n’est pas convaincu qu’il y ait de la place pour Loukachenko pour faire ce genre d’ouvertures à l’Ouest en ce moment.

« Il est vrai qu’au cours de son règne, il a essayé de jouer avec différents camps et de gagner une certaine latitude », a déclaré Carpenter, mais « il y a très peu de possibilités pour Loukachenko à ce stade, et très peu d’occasions réelles pour lui de tracer une voie [autre que] celle sur laquelle il est actuellement, qui est l’alignement avec le Kremlin sur presque toutes les questions politiques. »

Traduction SLT