L’instauration d’une « paix française »au Niger: du pur colonialisme
Le Monde / Le Figaro, 17.08.23
Plusieurs déclarations gouvernementales françaises du mois d’août ont laissé entendre que la France pourrait s’impliquer militairement au Niger afin d’y ramener l’ordre constitutionnel. Une pure folie!
Renaud Girard,
une chronique internationale du Figaro du 16 août 2023,
Le 26 juillet 2023 un putsch de l’armée nigérienne a déposé le président Mohamed Bazoum, qui avait été élu au suffrage universel en avril 2021, avec 55% des voix au second tour. Depuis, ce pays sahélien musulman, grand comme deux fois et demi la France et peuplé de 25 millions d’habitants, est gouverné par une junte de généraux. Elle a pris le nom de Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). Elle vient de nommer un technocrate premier ministre. Cet ancien ministre des finances est à la tête d’un gouvernement de 21 membres. Les portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur ont été donnés à des généraux membres de la junte.
Malgré son lointain passé bonapartiste, la France a raison de ne pas aimer les coups d’Etat militaires, de préférer les démocraties aux dictatures. Celles-là sont incontestablement plus efficaces que celles-ci pour assurer aux nations paix et prospérité. Il est sain que les universités et les médias publics de France propagent, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, l’idée que le langage des urnes est partout préférable à celui des armes.
Ce serait une pure folie pour la France d’intervenir militairement pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger, ne fût-ce qu’en appui à un groupe de pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Une guerre intra-africaine produirait un bain de sang, sans qu’on ait la moindre assurance qu’elle améliorerait à moyen terme le bien-être des populations nigériennes. Et, à la fin, la France seule serait rendue responsable de ce désastre humanitaire.
Vouloir imposer, par la force, le droit et la paix française en Afrique, cela a un nom, cela s’appelle la colonisation. A juste titre, nous considérons qu’il n’est pas civilisé de renverser par la force un gouvernement élu démocratiquement. Mais vouloir remettre Mohamed Bazoum sur son trône légitime, par la force de l’armée française et de trois contingents africains – qui seraient aussitôt vus comme des supplétifs français -, cela s’appelle une mission coloniale. L’homme de gauche qu’était Jules Ferry parlait de « la mission civilisatrice de la colonisation »...