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À Ramstein, le secrétaire étatsunien à la Défense Lloyd Austin insiste : pas de recul dans la guerre avec la Russie (WSWS)

par Chris Marsden 21 Mars 2024, 20:38 Austin Ukraine Guerre Allemagne USA Russie Articles de Sam La Touch

Le secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, s’est adressé mardi à la réunion du Groupe de contact pour la défense de l’Ukraine à Ramstein (Allemagne) avec un message central: la guerre par procuration que l’OTAN mène contre la Russie en Ukraine devait être gagnée, quel qu’en soit le prix.

S’exprimant sur cette base aérienne américaine d’Allemagne, qui sert de nom à l’organisation de façade des puissances de l’OTAN et des États alliés pour mener la guerre contre la Russie en Ukraine, Austin s’est adressé brièvement aux médias avant le début des discussions privées.

Il a brossé le tableau d’un succès supposé énorme dans la réalisation de l’objectif américain de dégradation des capacités militaires de la Russie — au prix de centaines de milliers de vies ukrainiennes — faisant état d’au moins 315.000 soldats russes tués ou blessés, d’un coût de guerre direct de 211 milliards de dollars et de retombées de 1,3 billion de dollars sur «la croissance économique précédemment anticipée jusqu’en 2026».

Vinrent ensuite les mises en garde contre le repli et les implications d’une défaite. «Les États-Unis ne laisseront pas l’Ukraine échouer. Cette coalition ne laissera pas l’Ukraine échouer. Et le monde libre ne laissera pas l’Ukraine échouer», a-t-il insisté. Ce qui est en jeu, c’était «notre sécurité commune, la sécurité européenne et la sécurité mondiale… Poutine ne s’arrêtera pas à l’Ukraine… La survie de l’Ukraine est en jeu. Et notre sécurité à tous est en jeu».

Austin est venu avec deux messages de Washington, tous deux sont dictés par une crise qui met en péril les objectifs de guerre impérialistes fondamentaux des États-Unis: l’Amérique est pleinement engagée dans la guerre, mais l’Europe doit aller de l’avant.

La paralysie du financement du gouvernement Biden pour la guerre en Ukraine exige que les puissances européennes montent au créneau si l’Ukraine veut éviter le risque d’une défaite militaire catastrophique.

Austin était chargé d'apaiser les craintes européennes que la capacité de Washington à mener une guerre contre la Russie soit menacée par les querelles intestines entre démocrates et républicains aujourd'hui, et qu'elle pourrait faire naufrage si Donald Trump est élu président en novembre.

Le mois dernier, le Sénat américain a adopté un programme d’aide militaire supplémentaire de 95 milliards de dollars, dont 60 milliards destinés à la guerre en Ukraine. Mais il a été bloqué par les républicains de la Chambre des représentants, qui ne veulent l’accepter qu’à la condition que le gouvernement Biden mette en œuvre les mesures anti-immigration de Trump à la frontière américano-mexicaine.

Ce retard a accéléré la déroute de l’armée ukrainienne et sapé la confiance des capitales européennes dans l’impérialisme américain. Les États-Unis sont de loin le principal bailleur de fonds et fournisseur de la guerre. Ils se sont engagés à fournir plus de 44 milliards de dollars d’aide à la sécurité de l’Ukraine depuis l’invasion russe provoquée par l’OTAN le 24 février 2022, soit environ 2 milliards de dollars par mois. Pourtant, à Ramstein, Austin à été contraint de saluer 300 millions de dollars d’aide supplémentaire à la sécurité de l’Ukraine, dont il a admis que les États-Unis «ne pouvaient la soutenir qu’en identifiant des économies imprévues sur les contrats».

Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré que cette aide fournirait à l’Ukraine des munitions pour «quelques semaines».

Les craintes d’une défaite ukrainienne ont été renforcées par le retrait, le mois dernier, de la ville d’Avdiivka, dans l’est du pays, après un conflit de quatre mois. Le directeur de la CIA (Central Intelligence Agency) William Burns a déclaré au Congrès que les unités ukrainiennes lui avaient dit qu’il ne leur restait que quelques dizaines d’obus d’artillerie.

CNN a rapporté le 11 mars que la Russie produit presque trois fois plus de munitions d’artillerie que les États-Unis et l’Europe réunis — 3 millions contre 1,2 million — et que l’Europe n’a fourni qu’un tiers des obus promis pour cette année, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Hier, CNN a demandé à un responsable européen combien de temps l’Ukraine «pourrait être en mesure de poursuivre la lutte contre la Russie sans un soutien accru des États-Unis», celui-ci répondant que c’était «une question de semaines ou de mois».

Burns s’est exprimé au nom de la CIA aux côtés de la directrice du renseignement national Avril Haines, lors d’une réunion de la Commission du renseignement du Sénat la semaine dernière qui a été largement rapportée par l’organe de propagande officiel du gouvernement américain, Voice of America.

Haines a insisté pour dire que le programme d’aide militaire de 60 milliards de dollars «est absolument essentiel à la défense de l’Ukraine en ce moment» et que «les pertes territoriales de ces dernières semaines ont mis en évidence l’érosion des capacités militaires de l’Ukraine».

Burns a fait cette mise en garde: «Les conséquences ne seront pas seulement pour l’Ukraine ou pour la sécurité européenne, mais pour l’ensemble de la région inde-pacifique. S’il apparaît que nous nous éloignons de l’Ukraine, cela alimentera non seulement les doutes de nos alliés et partenaires dans la région inde-pacifique, mais encore les ambitions des dirigeants chinois dans des zones allant de Taïwan à la mer de Chine méridionale».

À Ramstein Austin a donc tout particulièrement appelé les puissances européennes à «intensifier l’assistance vitale à la sécurité de l’Ukraine». Il a cité l’acquisition par la République tchèque de 800.000 obus d’artillerie et les récents programmes d’aide militaire de l’Allemagne, de la France, du Danemark et de la Suède. Il a également annoncé que la première réunion du Capability Coalition Leadership Group avait eu lieu le matin même. Ce groupe, composé de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Italie, de la Pologne et de divers petits États, est une nouvelle version de la «coalition des volontaires» formée pour mener la guerre en Irak en 2003.

«Nous continuerons à travailler avec toutes les coalitions de capacités pour identifier les lacunes, répondre aux besoins transversaux et aider l’Ukraine à constituer une force redoutable pour l’avenir», a déclaré Austin.

S’il a bien salué publiquement les efforts des pays européens, il aura clairement indiqué en privé qu’on attendait bien plus d’eux. Le ‘Kiel Institute for the World Economy’ a rapporté dans les dernières estimations de son ‘Ukraine Support Tracker’, que l’Europe devrait doubler le niveau et le rythme actuels de son aide en armement à l’Ukraine pour compenser la perte du financement américain.

Les États membres de l’UE ont fourni plus de 30 milliards de dollars d’aide militaire au cours des deux dernières années, dont 19 milliards de dollars proviennent de l’Allemagne, le deuxième plus grand donateur d’aide, le Royaume-Uni arrivant en troisième position avec 10 milliards de dollars. Une fois de plus, c’est l’Allemagne qui a apporté la seule réponse concrète aux demandes d’Austin, le ministre de la défense Boris Pistorius ayant annoncé un programme d’aide de 500 millions d’euros pour l’Ukraine, comprenant, selon lui, 10.000 cartouches de munitions.

Il a également souligné devant les médias qu’il était convaincu que les États-Unis restaient un partenaire fiable. «Je n’ai aucun doute sur la fiabilité des Américains. Il y a des particularités dans les systèmes politiques, et nous devons y faire face», a-t-il déclaré.

Lors d’une réunion publique organisée après le sommet, Austin s’est vanté du fait que les États membres du Groupe de contact pour la défense de l’Ukraine avaient pris plus de 88 milliards de dollars d’engagements en matière d’assistance militaire au cours des deux dernières années, et que 15 alliés avaient alloué plus de fonds à l’Ukraine que les États-Unis, en proportion de leur PIB.

Même les grandes lignes de cette réunion confidentielle ont révélé que, quels que soient leurs désaccords tactiques, les impérialistes américains et européens sont unis dans leur détermination à faire la guerre à la Russie, quelles que soient les conséquences.

Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est livré des querelles publiques avec le président français Emmanuel Macron, tandis que celui-ci s’est tardivement positionné comme le plus ardent défenseur de la guerre contre la Russie, y compris en envoyant des troupes au sol en Ukraine. La Grande-Bretagne a ouvertement critiqué la réticence de Scholz à envoyer des missiles Taurus capables de frapper Moscou et qui exigent la présence de personnel allemand en Ukraine, car cela risquait une guerre ouverte avec l’OTAN.

Mais il s’agit là de querelles tactiques sur la rapidité avec laquelle on peut intensifier le conflit avec la Russie, même au risque d’une guerre totale avec une puissance nucléaire. Ce qu’un responsable français a décrit de manière grotesque au Washington Post comme un effort pour «utiliser toutes les marges» et un «processus de gestion des risques» constitue une menace existentielle pour le monde entier. Comme l’a souligné ce même responsable dans un langage identique à celui de ses homologues américains, «ce soutien ne peut cesser parce que nous savons tous que nous ne pouvons pas nous permettre de laisser la Russie gagner».

Ce danger croissant doit être contré par le développement d’un mouvement anti-guerre de masse dans la classe ouvrière européenne, américaine et internationale.

(Article paru en anglais le 19 mars 2024)

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