Pendant qu’Israël bombarde des ambulances et détruit un camp de réfugiés, les deux principaux partis américains invitent Netanyahou à s’adresser au Congrès américain
Par Oscar Grenfell
WSWS, 04.06.24
Le bilan de l’offensive israélienne sur Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza, comme des attaques menées dans toute l’enclave continue de s’alourdir ; des informations font état ces derniers jours de nombreux morts et blessés parmi les enfants, les travailleurs humanitaires et d’autres civils.
Signalant leur soutien continu à l’assaut meurtrier, la direction du Parti démocrate et celle des républicains ont publié hier une lettre ouverte effusive au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, le saluant comme le leader d’une lutte mondiale contre le «terrorisme» et l’invitant à s’adresser au Congrès américain.
Cette invitation fut lancée le lendemain de la publication par la Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP) d’une déclaration détaillant l’assassinat délibéré de deux de ses auxiliaires médicaux dans la zone de Tel Sultan, à l’ouest de Rafah.
Selon la SCRP, le 29 mai, un convoi de trois ambulances a été bombardé par des avions de guerre israéliens. Lorsque l’une des ambulances a pris feu et que les secouristes ont tenté d’éteindre l’incendie, des soldats israéliens «ont ouvert un feu nourri en direction des équipes, les obligeant à se retirer du site avant de pouvoir récupérer les corps des secouristes, qu’on a retrouvés déchiquetés ce matin».
La SCRP note qu’avec ces derniers meurtres, elle avait perdu, tués par Israël, 19 travailleurs paramédicaux. On estime à 270 travailleurs les humanitaires assassinés dans ce génocide. Le Croissant-Rouge palestinien a déclaré qu’il «tenait la communauté internationale pour entièrement responsable de ce que l’occupation israélienne continue de viser les équipes, installations et ambulances de la [SCRP], clairement marquées de l’emblème du Croissant-Rouge, protégé par le droit humanitaire international».
Les deux secouristes faisaient partie des 113 Palestiniens au moins tués de l’après-midi du 29 à celui du 31 mai, selon le ministère de la Santé de Gaza, auxquels s’ajoutaient 637 blessés. Ils rejoignent les plus de 36.000 morts palestiniens recensés au cours des sept derniers mois, mais comme l’information s’est effondrée, on estime que le véritable bilan s’élève à des dizaines de milliers de morts de plus.
Les Nations unies et les agences d’aide mettent en garde contre le fait qu’en plus des tueries directes, l’offensive contre Rafah crée une crise humanitaire massive. L’assaut a déplacé environ 1 million des 2,1 millions d’habitants de Gaza; les livraisons de nourriture et d’autres produits de première nécessité ont été restreintes et les groupes humanitaires contraints de se retirer.
Mercredi, l’Organisation mondiale de la santé a rapporté que seuls trois de ses camions d’aide avaient pu entrer dans la bande de Gaza depuis le début de l’assaut sur Rafah, et que 60 autres étaient bloqués à la frontière égyptienne.
Cette situation a poussé le World Food Program (Programme alimentaire mondial) à cet avertissement: «L’accès limité aux zones méridionales de Gaza risque de provoquer les mêmes niveaux catastrophiques de famine que ceux observés dans le nord», où l’on avait vu des scènes choquantes de gens mourir de faim, des centaines de milliers de gens étant forcés de subsister avec l’équivalent de moins d’une petite boîte de haricots par jour.
Jeudi, Médecins sans Frontières a fermé son centre de soins primaires à Al Mawasi, une parcelle de terre désertique située à l’extrême sud-ouest de la bande de Gaza où Israël fait affluer des centaines de milliers de gens depuis Rafah. L’organisation médicale a indiqué que son centre avait traité plus de 33.000 personnes depuis février. Sa fermeture forcée marquait «une nouvelle étape dans le démantèlement systématique par Israël du système de santé de Gaza».
Plus tôt dans la semaine, l’association avait été contrainte de mettre fin aux activités d’un centre de stabilisation à Tel Sultan. Le groupe SOS Villages d’enfants, qui fournit une assistance concentrée sur les enfants aux personnes déplacées, a elle aussi annoncé qu’elle évacuait Rafah.
Pendant ce temps, le système de santé est au bord de l’effondrement total. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a rapporté dimanche que «des services de santé essentiels, tels que la dialyse, l’imagerie médicale, la chirurgie, la médecine interne, les soins maternels et pédiatriques, ne sont plus disponibles, et de nombreux médecins et soignants hautement qualifiés ont été déplacés de la ville. Avec l’arrêt des activités de la maternité Al Emirati, les trois hôpitaux de Rafah qui fonctionnaient partiellement avant l’opération militaire israélienne sont désormais hors service».
Alors qu’Israël assiège les habitants de Rafah, il intensifie également ses opérations dans le centre et le nord de la bande de Gaza, que beaucoup ont été contraints de fuir. L’objectif est clairement de rendre la bande de Gaza totalement inhabitable et d’achever le nettoyage ethnique des Palestiniens.
Cette semaine, Israël a mis fin au siège du camp de réfugiés de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, qu’il avait entamé le 11 mai. Au cours de ces trois semaines, les forces sionistes ont procédé à des rafles massives, à des exécutions et à des tirs aveugles, tuant des centaines de personnes.
L’opération terminée, une équipe de terrain d’Euro-Med Monitor, qui a recensé les dégâts, a rapporté que «pas un seul bâtiment d’habitation n’a été épargné par les bombardements, les bulldozers ou les opérations incendiaires».
L'article poursuit ainsi :
La destruction complète de l’infrastructure de la zone était évidente, tout comme l’incendie du marché principal et des magasins dans les rues qui l’entourent, à tel point qu’il est devenu impossible de marcher sur les routes de la plupart des «blocs» du camp en raison des décombres et des destructions massives.
Le siège du Bureau de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) a été complètement démoli par des tirs d’obus systématiques et des incendies criminels à l’essence, de même que six bâtiments scolaires.
Dans la dernière étape de cette campagne de destruction, au moins quatre civils palestiniens, dont un enfant, ont été tués mardi dernier par les forces israéliennes.
L’OCHA a encore rapporté que dans le centre de Gaza, «quatre Palestiniens, dont deux femmes, auraient été tués et 15 blessés lorsqu’une maison a été touchée dans le bloc C du camp de réfugiés d’An Nuseirat, à Deir al Balah», jeudi. Cinq personnes avaient été tuées la veille dans la ville de Gaza lorsqu’une bombe a été larguée sur une habitation.
Dans la ville méridionale de Khan Younis, que nombre de ceux présents à Rafah ont fuie, au moins 12 civils dont deux enfants ont été tués mercredi dans des bombardements distincts de deux immeubles d’habitation.
Si les dirigeants impérialistes, américains et autres, ont versé des larmes de crocodile cyniques sur l’assaut contre Rafah, ils continuent de superviser le génocide, qui a été facilité militairement, politiquement et diplomatiquement par l’impérialisme américain et ses alliés.
La lettre commune adressée à Netanyahou par les démcorates et les republicains témoigne du rapprochement en cours. Elle est signée du président républicain fasciste de la Chambre Mike Johnson, du leader républicain au Sénat Mitch McConnell, du leader de la majorité sénatoriale démocrate Charles Schumer, et de celui de la minorité démocrate de la Chambre Hakeem Jeffries.
Invitant le meurtrier de masse israélien à s’adresser à une session conjointe spéciale du Congrès, les dirigeants démocrates et républicains se sont ainsi réjoui:
Pour renforcer notre relation durable et souligner la solidarité de l’Amérique avec Israël, nous vous invitons à partager la vision du gouvernement israélien sur la défense la démocratie, le combat contre le terrorisme et l’instauration d’une paix juste et durable dans la région.
L’analogie historique qui se présente serait une invitation faite à Hitler ou à Mussolini pour qu’ils expliquent leur «vision de la paix».
La lettre établit un lien entre cette approbation du génocide et la campagne de guerre plus large de l’impérialisme américain, qui inclut ses manœuvres visant à provoquer un conflit avec l’Iran au Moyen-Orient et sa confrontation avec la Russie et avec la Chine. Ces trois pays y sont mentionnés comme menace pour «la sécurité, la paix et la prospérité… dans le monde entier».
La lettre montre à nouveau clairement que le soutien des États-Unis à Israël est lié à leur programme plus large de guerre mondiale. Celui-ci comprend l’intensification de la guerre menée par procuration contre la Russie en Ukraine et le renforcement militaire continu dirigé contre une Chine considérée comme la principale menace pour la domination capitaliste des États-Unis.
La «solution» israélienne au «problème palestinien» est vue comme un moyen de préparer le terrain pour permettre au régime sioniste et aux États-Unis de mettre ce programme en œuvre plus directement au Moyen-Orient, y compris à travers une guerre contre l’Iran.
En plus de soutenir une frappe israélienne sur l’Iran le mois dernier, les États-Unis sont déjà engagés dans une guerre avec des forces alignées sur l’Iran dans toute la région. Dimanche, les Houthis ont rapporté que les frappes conjointes américaines et britanniques sur le Yémen la veille avaient tué au moins 16 personnes et blessé 42 autres. Selon le communiqué des Houthis, les frappes aériennes ont touché un bâtiment abritant la radio de Hodeidah et des habitations civiles dans cette ville portuaire de la mer Rouge.
Des responsables américains ont confirmé que les frappes avaient été menées par des avions de chasse F/A-18 ayant décollé du porte-avions USS Dwight D. Eisenhower en mer Rouge, ainsi que d’autres navires de guerre américains stationnés dans la région, d’où ils peuvent mener des attaques non seulement contre les Yéménites opprimés, mais aussi potentiellement contre d’autres pays.
(Article paru en anglais le 31 mai 2024)