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Placement en garde à vue d’un chercheur, François Burgat, pour "apologie du terrorisme" suite à ses propos sur l'attaque du 7 octobre

par SLT 10 Juillet 2024, 10:08 Burgat Gaza Garde à vue Répression Israël France Colonialisme Palestine Articles de Sam La Touch

Placement en garde à vue d’un chercheur, François Burgat
Par
Jean-François Bayart

La garde à vue de François Burgat, venant après celle d’étudiants, de syndicalistes ou de militants défendant les droits de la nation palestinienne, critiquant la politique du gouvernement d’Israël ou contestant du point de vue du droit international l’occupation israélienne de la Cisjordanie, est une atteinte claire à la liberté scientifique. Une conférence de presse est prévue jeudi matin, à 9h à 12h,  à la Bourse du Travail de Paris.

François Burgat, chercheur internationalement reconnu pour ses travaux sur l’islam politique (et, pourrais-je ajouter, internationalement contesté d’un point de vue strictement universitaire) a été placé en garde à vue à Aix-en-Provence pour « apologie du terrorisme » à la suite de ses déclarations et écrits au lendemain du 7 octobre. Sans entrer dans le vain débat sur la teneur de ses propos – vain parce que complètement faussé par la pression des réseaux français d’influence du gouvernement israélien, par l’alignement des autorités politiques françaises sur Tel Aviv (ou plutôt Jérusalem…) et par le traumatisme des Juifs français ou israéliens à la suite des crimes contre l’humanité dont se sont rendus coupables le Hamas et diverses milices criminelles gazaoui – on peut considérer comme absurde et diffamatoire l’accusation selon laquelle François Burgat cautionnerait les horreurs commises le 7 octobre et en ferait l’ « apologie » (apologie : « Discours, écrit visant à défendre, à justifier et par extension à louer une personne, une doctrine ».). Il faut le répéter sans relâche aux émules trop zélés ou intéressés de Manuel Valls : expliquer n’est pas justifier.

            On peut ne pas être d’accord avec les thèses ou les affirmations de François Burgat. Tel est très souvent mon cas, ce qui ne m’a pas empêché de le publier, comme directeur de collection aux éditions Karthala – et j’en reste fier. Mais leur critique relève du débat scientifique – quand il s’agit d’écrits scientifiques – ou public – quand François Burgat intervient dans celui-ci comme « intellectuel spécifique » (Michel Foucault), sur la base de ses recherches.  En aucun cas elle n’appartient aux instances judiciaires ni ne relève de l’appréciation des autorités politiques.

            La garde à vue de François Burgat, venant après celle d’étudiants, de syndicalistes ou de militants défendant les droits de la nation palestinienne, critiquant la politique du gouvernement d’Israël ou contestant du point de vue du droit international l’occupation israélienne de la Cisjordanie, est une atteinte claire à la liberté scientifique.

            Elle confirme les craintes que nous pouvions nourrir à ce sujet depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy et surtout depuis le déclenchement de la campagne de rectification idéologique qu’Emmanuel Macron a lancée contre l’ « islamo-gauchisme », par le truchement de ses chiens courants Jean Castex, Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal, en 2020 (je me permets de renvoyer à mon blog et aux pages 99-142 de mon recueil de chroniques Malheur à la ville dont le Prince est un enfant. De Macron à Le Pen ? 2017-2024, Karthala, 2024).

            Avec la garde à vue de François Burgat, la France rejoint le peloton de tête de l’illibéralisme universitaire aux côtés de la Hongrie de Viktor Orban, de l’Italie de Giorgia Meloni, de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan et de l’Israël de Benjamin Netanyahou. Les autorités politiques prétendent écrire et imposer leur vérité historique. La défaite électorale du Rassemblement national n’a encore rien changé à l’attaque frontale, depuis une dizaine d’années, contre la liberté de la pensée, de l’expression et de la recherche dont un nombre croissant d’universitaires sont victimes quand ils travaillent non seulement sur le Moyen-Orient ou l’islam mais aussi sur les mobilisations sociales, les pratiques policières, les questions environnementales, le genre ou la colonisation.

            Devant la menace de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national un Comité de vigilance s’est constitué. Il tient une conférence de presse jeudi matin de 9h à 12h,  salle Tollet de la Bourse du Travail de Paris, rue du Château-d’Eau, dans le Xe arrondissement. La garde à vue de François Burgat en démontre l’importance et la nécessité de s’y rendre.

Jean-François Bayart

Professeur à l’IHEID (Genève)

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