La France et la rançon exigée d’Haïti
Par Gilles Manceron
Histoire coloniale.net, 15.02.25
Bien peu de Français savent que les esclaves de la principale colonie française de Saint-Domingue au XVIIIème siècle se sont soulevés dans les années 1790 pour leur liberté et leur indépendance, encouragés en cela par les nouvelles qui ont fini par leur parvenir de la Déclaration des droits de l’homme et de la Révolution française. Peu savent que lorsqu’ils ont proclamé la République d’Haïti en 1804, la France a refusé de reconnaitre celle-ci et a interdit tout commerce avec elle durant une vingtaine d’années. Et que, le 17 avril 1825, une ordonnance du roi Charles X lui a imposé pour prix de sa reconnaissance diplomatique et de son droit à commercer, une lourde rançon qu’elle a dû payer jusqu’au début du XXème siècle et qui a gravement entravé son développement.
Nous reproduisons ci-dessous l’article intitulé « La France et la rançon exigée d’Haïti » que Gilles Manceron avait publié sur Mediapart en novembre 2013, deux-cent-dix ans après la première défaite d’un corps expéditionnaire français envoyé combattre une guerre d’indépendance d’un peuple colonial. En effet, le 18 novembre 1803, a eu lieu, un siècle et demi avant Diên Biên Phu, la bataille de Vertières, la première défaite d’un corps expéditionnaire français envoyé combattre une guerre d’indépendance d’un peuple colonial. Par la victoire de Vertières, Saint-Domingue est devenue quelques semaines plus tard, en janvier 1804, il y a plus de 220 ans, la première colonie française à conquérir son indépendance.
Différentes initiatives vont être organisées à Paris en mars et en avril 2025 pour demander la reconnaissance de cette injustice et l’instauration nécessaire de la part de la société française et de nos institutions d’un débat sur les réparations qui s’imposent comme la conséquence logique de ce sombre épisode de l’histoire de la France.
Bien peu de Français savent qu’il y a tout juste deux-cent-dix ans, le 18 novembre 1803, a eu lieu, un siècle et demi avant Diên Biên Phu, la première défaite d’un corps expéditionnaire français envoyé combattre une guerre d’indépendance d’un peuple colonial : la bataille de Vertières. Par elle, quelques semaines plus tard, Saint-Domingue, devenue Haïti en janvier 1804, a été la première colonie française à conquérir son indépendance.
Mais pour prix de son indépendance et afin de permettre que d’autres États la reconnaissent à leur tour, la France lui a imposé en 1825 le paiement d’une somme de 150 millions de francs « destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité ».
Haïti dut emprunter – en l’occurrence auprès de banques françaises – pour payer cette somme, qui fut réduite en 1838 par un traité inégal, imposé par la France, à 120 millions au total, auxquels s’ajoutaient les intérêts de l’emprunt qu’Haïti avait dû contracter pour effectuer le premier versement. Du fait de ce paiement qui, sous la Troisième République, a duré jusqu’en 1883, suivi de celui des intérêts versés à des banques françaises jusqu’en 1915, la France a infligé à Haïti un coût à son indépendance qui a considérablement entravé son développement. Ce préjudice historique n’a été que partiellement reconnu dans le rapport remis en 2004, à la demande du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, par le Comité indépendant de réflexion et de proposition sur les relations franco-haïtiennes, rédigé par Régis Debray.
Ces faits sont emblématiques du « trou de mémoire » des institutions et de la société française vis-à-vis des crimes et des forfaits que la politique coloniale les ont conduit à commettre dans le passé. Mettre fin à leur déni et à leur occultation implique, avant tout, leur reconnaissance par nos institutions et la diffusion dans notre société du XXIe siècle de la connaissance de ces faits qui font partie de notre histoire.
Mais la Ligue des droits de l’Homme estime aussi que la France pourrait faire un geste fort, de nature à renforcer l’image et la crédibilité internationale en affirmant sa volonté d’en finir avec les rapports de force coloniaux et d’assumer réellement aujourd’hui son attachement aux principes des droits de l’Homme dont l’esclavage et la politique coloniale l’ont fait s’écarter dans le passé. Il pourrait consister à poser le principe d’un remboursement des sommes indûment exigées de son ancienne colonie d’Haïti pour le prix de son émancipation.
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