Le Franc CFA : une monnaie néo-coloniale
Par Alain Chetaille
Hhistoirecoloniale.net, 15.04.25
Histoire coloniale s’est entretenue avec Alain Chetaille, cadre à l’Agence française du développement (AFD) de 1967 à 2001. Cet entretien a été réalisé le 30 mars 2025 par Dorothée Rivaud-Danset.
Généralement, une monnaie est abandonnée parce que les citoyens qui l’utilisent n’ont plus confiance en elle. Avec le franc CFA (F CFA), il en va différemment. Les Africains concernés veulent s’en séparer parce qu’il porte la marque de la colonisation. Pour des économistes, l’histoire de la monnaie est celle de la constitution du lien social entre les individus et entre les citoyens et l’Etat souverain. Le Franc CFA demande une grille de lecture particulière. L’Etat souverain est étranger et il a été construit pendant la colonisation par le colonisateur pour s’attacher les élites africaines. En paraphrasant Marcel Mauss, c’est un fait social colonial.
Alain Chetaille dont la carrière s’est déroulée à L’Agence française du Développement, organisme de coopération avec l’Afrique principalement, livre ici une analyse politique du franc CFA.
La plupart des ex-colonies françaises d’Afrique subsaharienne ont conservé le franc CFA comme monnaie commune à leur indépendance et le conservent encore aujourd’hui. Le principe qui est resté inchangé jusqu’en 2019 est le suivant : la mise en commun d’une partie des réserves de change sur un compte d’opérations géré par le Trésor et, en contrepartie, la convertibilité garantie et la parité fixe entre le F CFA et le franc français (FRF) puis entre le franc CFA et l’euro. A ces principes s’est ajouté celui de la liberté de circulation des capitaux. « La zone franc » se compose de deux zones monétaires : l’UMOA-Union monétaire Ouest-africaine créée en 1962, aujourd’hui UEMOA qui comprend huit Etats membres et la CEMAC – Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale – qui regroupe six pays et prend le relais de l’UDEAC créée en 1964. Chaque zone monétaire a une Banque centrale avec à sa tête un comité de politique monétaire qui comprend deux représentants par Etat membre et deux pour la France. La participation de représentants français existe toujours pour la CEMAC. A la suite de la réforme de 2019, dite réforme « Macron-Ouatara », les représentants de la France se sont retirés des organes de décision de l’UEMOA... Lire la suite