Exclusif : Les lanceurs d'alerte de l'OIAC font face aux attaques de la direction et à la dissimulation de la tromperie de Douma
Article originel : Exclusive: OPCW whistleblowers confront leadership’s attacks, cover-up of Douma deception
Par Aaron Maté
The Gray zone
La direction de l'OIAC a tenté de discréditer deux officiels chevronnés qui ont dénoncé la dissimulation de leur enquête sur les armes chimiques à Douma, en Syrie. Ils répondent dans de nouvelles lettres obtenues exclusivement par The Grayzone.
Deux inspecteurs lanceurs d'alerte au centre d'un scandale de dissimulation de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) exigent que leurs conclusions supprimées soient entendues de manière équitable, transparente et scientifique. Dans des lettres officielles adressées au directeur général de l'OIAC, les deux officiels chevronnés ont également réfuté les efforts de la direction de l'OIAC pour mettre en doute leur crédibilité.
"Pourquoi deux des meilleurs chefs d'équipe d'inspection, tous deux avec des états de service impeccables, se mettraient soudainement à ... devenir des escrocs", a écrit un lanceur d'alerte dans sa lettre.
"Pourquoi prendrions-nous tant de risques ?" demandait l'autre, répondant : "Quelque chose a mal tourné au sein de l'OIAC."
Les deux inspecteurs faisaient partie de l'équipe qui s'est déployée en Syrie pour enquêter sur les allégations d'une attaque aux armes chimiques dans la banlieue est de Damas, à Douma, en avril 2018. Le gouvernement étatsunien a accusé le gouvernement syrien d'une attaque chimique, justifiant les tirs de missiles sur le pays par Washington et ses alliés européens (France et Grande-Bretagne, ndt).
Mais les inspecteurs de Douma ont trouvé des preuves qui ont fait sérieusement douter qu'une attaque chimique ait jamais eu lieu, et qui ont plutôt mis en évidence la mise en scène de l'incident par des extrémistes anti-Assad. Leurs conclusions ont été supprimées par les dirigeants de l'OIAC qui ont réécrit leur rapport initial, puis ont exclu les enquêteurs du processus qui a suivi.
Les lettres des deux lanceurs d'alerte sont une réponse à une enquête récente de l'OIAC qui les a rejetés comme des acteurs voyous "qui ne pouvaient pas accepter que leurs opinions ne soient pas étayées par des preuves", et qui les a accusés sans fondement de "violations délibérées et préméditées de la confidentialité".
Le couple d'inspecteurs vétérans est décrit par l'OIAC comme étant "l'inspecteur A" et "l'inspecteur B". Les lettres officiellement adressées au directeur général de l'OIAC, Fernando Arias, ont été obtenues par The Grayzone et sont accessibles ci-dessous :
L'inspecteur A est Ian Henderson, ingénieur sud-africain et ancien fonctionnaire de l'OIAC. Henderson est l'auteur d'une évaluation technique détaillée des deux bouteilles de gaz trouvées sur les lieux des attaques présumées à Douma.
Le rapport final de l'OIAC de mars 2019 a conclu que les cylindres ont probablement été largués des airs, cependant, Henderson a trouvé qu'il y avait "une plus grande probabilité que les deux cylindres aient été placés manuellement" - probablement par des militants de l'opposition à Douma. Le rapport final de l'OIAC a omis cette conclusion.
Les conclusions de Henderson ont été révélées après qu'elles aient été communiquées à un groupe d'universitaires britanniques dissidents, un groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias, qui a publié son rapport en mai 2019. Henderson et l'inspecteur B démentent tous deux avoir divulgué l'étude, et l'enquête de l'OIAC ne prétend pas qu'ils l'ont fait.
L'inspecteur B est un autre fonctionnaire chevronné de l'OIAC et un expert en armes chimiques qui a cherché à rester anonyme. "B" a joué un rôle important dans l'enquête Douma de l'OIAC en tant que principal auteur du rapport initial de l'équipe Douma. Par la suite, des fonctionnaires de haut niveau ont pris le contrôle du processus et ont exclu ses conclusions les plus essentielles.
Ensemble, Henderson et "B" étaient les inspecteurs les plus expérimentés de la mission Douma. Le duo a récemment fourni au journaliste britannique Peter Hitchens une réponse annotée à l'enquête de l'OIAC.
Pourquoi risquerions nous autant ? ... Quelque chose a mal tourné au sein de l'OIAC
Les deux nouvelles lettres publiées par The Grayzone apportent un éclairage nouveau sur les efforts des dénonciateurs pour contester la dissimulation de l'OIAC et obtenir une audience équitable pour leurs conclusions.
"Nous sommes des partisans de longue date et dévoués de l'OIAC", a écrit Henderson. "Nous avons tous les deux une multitude de documents tels que des évaluations de performance, des courriels, des lettres de recommandation et autres, qui reflètent un historique de service au plus haut niveau en termes de qualifications, de compétences, d'expertise, de leadership, d'intégrité et de professionnalisme tout au long de notre séjour à l'OIAC".
"Cela ne place-t-il pas les efforts déployés par certains pour salir notre réputation, sur un terrain douteux ?" a-t-il poursuivi. "En tant que directeur, en tant que plus haut fonctionnaire de l'Organisation, cela ne conduit-il pas à se poser la question : Pourquoi deux des meilleurs chefs de l'équipe d'inspection, tous deux avec un dossier impeccable... deviendraient soudainement des escrocs ?"
"Notre seul devoir est d'être fidèle aux faits et à la science, et une fois que cela aura été fait, nous accepterons volontiers les résultats scientifiques prouvés et convenus", a-t-il souligné.
Henderson a également ajouté un détail non divulgué auparavant qui remet en question la probabilité d'une attaque au chlore sur le site 2. Un cylindre a été trouvé sur le balcon du bâtiment ; selon les activistes de l'opposition, le chlore s'est déchargé de ce cylindre, puis a fait son chemin vers le bas et a tué plusieurs dizaines de personnes dans ses escaliers. Mais Henderson a expliqué pourquoi ce scénario est très douteux, voire impossible : "les parties supérieures du bâtiment et le sous-sol n'étaient pas reliés (c'est-à-dire que le gaz devait sortir du bâtiment dans la rue et rentrer par la porte du sous-sol)".
La lettre de l'inspecteur B fait écho à l'appel lancé par Henderson pour que le public puisse voir les preuves et les conclusions scientifiques supprimées.
"Vous avez l'assurance absolue, Monsieur, qu'aucun d'entre nous n'a jamais tenté de nuire à votre, ou devrais-je dire, à notre Organisation", écrit B. "Nous étions là lors de sa création. Nous avons grandi comme elle a grandi. Nous avons vu trois directeurs généraux aller et venir, et nous avons, comme maintenant, cru avec ferveur à sa mission - un objectif commun que vous êtes chargé de poursuivre et auquel nous avons tant contribué".
"Il suffit de voir nos résultats impeccables et le soutien que nous avons apporté au TS pendant près de 30 ans", poursuit B. Que nous soyons soudainement devenus des "escrocs" à l'automne de notre carrière, sans rien à gagner et tout à perdre, défie toute logique. Pourquoi prendrions-nous tant de risques ? Pour imposer une "vision" personnelle ? A peine".
B a ajouté : "Quelque chose a mal tourné au sein de l'OIAC, monsieur. Et nous voulions que vous le sachiez. C'est aussi simple que ça."
Lisez le précédent rapport exclusif d'Aaron Mate sur la première série de fuites qui ont sapé l'enquête de la direction de l'OIAC sur les lanceurs d'alertes.
*Aaron Maté est journaliste et producteur. Il anime Pushback avec Aaron Maté sur The Grayzone. Il est également collaborateur du magazine The Nation et ancien animateur/producteur de The Real News et de Democracy Now ! Aaron a également présenté et produit pour Vice, AJ+ et Al Jazeera.
Traduction SLT
Contact : samlatouch@protonmail.com
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