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L'Israëlgate caché derrière le Russiagate (Consortium News)

par Dennis J. Bernstein 25 Décembre 2017, 12:48 Israelgate Russiagate Flynn Mueller Enquête Loi Logan Kushner Netanyahu Lobby israélien Colonialisme Collaboration USA Articles de Sam La Touch

L'Israëlgate à côté du Russiagate
Article originel : The Israel-gate Side of Russia-gate
Entretien avec David Silverstein par Dennis J. Bernstein*
Consortium News, 23.12.17


Traduction SLT

L'Israëlgate caché derrière le Russiagate (Consortium News)

Alors que des affirmations non prouvées de l'ingérence russe dans la politique étatsunienne ont provoqué une frénésie à Washington, beaucoup moins d'attention a été accordée aux preuves réelles de l'ingérence israélienne dans la politique étatsunienne, comme le décrit Dennis J. Bernstein.

 

En enquêtant sur l'ingérence présumée de la Russie dans les affaires politiques étatsuniennes, le procureur spécial Robert Mueller a découvert des preuves que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a exercé des pressions sur l'équipe de transition de Trump pour saper les plans du président Obama visant à permettre aux Nations unies de blâmer Israël pour sa construction illégale de colonies de peuplement en Cisjordanie palestinienne, découverte mentionnée dans l'accord pour plaider coupable du premier conseiller du président Trump en matière de sécurité nationale, Michael Flynn.

A la demande de Netanyahu, Flynn et le gendre du président Trump, Jared Kushner, auraient pris la tête du lobbying pour mettre à mal la résolution de l'ONU, dont Flynn a discuté par téléphone avec l'ambassadeur russe Sergey Kislyak (dans laquelle le diplomate russe a rejeté l'appel de Flynn à bloquer la résolution).

J'ai parlé le 18 décembre avec le journaliste et blogueur indépendant Richard Silverstein, qui écrit sur la sécurité nationale et d'autres sujets pour un certain nombre de blogs à Tikun Olam.

 

Dennis Bernstein : Une partie du plaidoyer de Michael Flynn portait sur certaines actions qu'il a entreprises avant de prendre le pouvoir concernant Israël et les Nations Unies. Veuillez expliquer.

Richard Silverstein : L'administration Obama négociait au Conseil de sécurité de l'ONU, juste avant son départ, une résolution condamnant les colonies israéliennes. De toute évidence, le gouvernement israélien ne voulait pas que cette résolution soit adoptée. Au lieu de s'adresser directement à l'administration Obama, avec laquelle ils avaient des relations épouvantables, ils se sont plutôt tournés vers Trump. Ils ont approché Michael Flynn et Jared Kushner s'est impliqué là-dedans. Pendant qu'ils étaient en transition et avant d'avoir une fonction officielle, ils ont négocié avec divers membres du Conseil de sécurité pour tenter d'annuler la résolution.

L'une des questions ici peu connues est la loi Logan, qui a été adoptée à la fondation de notre république et qui visait à empêcher les citoyens d'usurper les prérogatives de l'exécutif en matière de politique étrangère. Elle criminalise tout citoyen qui tente de négocier avec un pays ennemi sur toute question de politique étrangère.

Dans ce cas-ci, ce que Flynn et Kushner ont fait, consistaient à aller directement à l'encontre de la politique étrangère des États-Unis, parce que Obama voulait que la résolution soit adoptée; il ne voulait néanmoins pas voter pour parce que cela dérangerait le lobby israélien aux États-Unis. Les États-Unis ont finalement fini par s'abstenir sur la résolution et elle est passée 14-0.

Mais avant que cela ne se produise, Flynn s'est rendu chez les Russes et en Égypte, tous deux membres du Conseil de sécurité, et a essayé de faire retarder la résolution. Mais toutes les machinations d'Israël pour empêcher cette résolution ont échoué et c'est ce sur quoi Mueller enquêtait, l'intervention et la perturbation de la politique étrangère étatsunienne par des citoyens privés qui n'avaient aucun rôle officiel.

Cela en dit long sur le pouvoir du lobby israélien et d'Israël lui-même pour perturber notre politique étrangère. Très peu de personnes ont jamais été accusées d'avoir commis un acte illégal en défendant les intérêts d'Israël. C'est l'une des raisons pour lesquelles cette évolution est si importante.Jusqu'à présent, le lobby a vraiment régné sur la question d'Israël et de la Palestine dans la politique étrangère étatsunienne. Il est maintenant possible qu'un simple citoyen soit amené à rendre des comptes pour cela.

Il s'agit d'une évolution importante parce que le lobby a jusqu'à présent fait fi de notre politique étrangère dans ce domaine et que cela peut agir comme une mesure restrictive contre les perturbations flagrantes de la politique étrangère étatsunienne par des personnes comme celles-ci.

Bernstein : Donc, cette information fait partie du plaidoyer de Michael Flynn. Quiconque étudierait cette affaire apprendrait quelque chose sur Michael Flynn et cela ferait partie de l'enquête du ministère public.

Silverstein : C'est tout à fait exact. Une chose à noter ici, c'est que ce sont les journalistes qui ont soulevé la question de la loi Logan, et non pas le personnel de Mueller ou Flynn ou quiconque dans l'administration Trump. Mais je pense que la loi Logan est une partie très importante de ce plaidoyer, même si cela n'est pas mentionné explicitement.

Bernstein : Si le procureur spécial disposait d'informations sur les armes à feu que l'administration Trump avait partager avec la Russie, comme elle l'a fait avec Israël avant de prendre le pouvoir, ce serait une révélation énorme. Mais c'est certainement de la connivence quand il s'agit d'Israël.

Silverstein : Absolument. Si c'était la Russie, ce serait à la une de tous les grands journaux des États-Unis et à la une des journaux télévisés. Parce qu'il s'agit d'Israël et parce que nous avons des relations particulières avec le lobby israélien et qu'ils ont tant d'influence sur la politique étatsunienne concernant Israël, cela est resté en veilleuse. Seuls deux ou trois médias autres que le mien ont soulevé cette question de la loi Logan et des problèmes de collusion. Kushner et Flynn pourraient être les premiers citoyens étatsuniens accusés en vertu de la loi Logan d'ingérence au nom d'Israël dans notre politique étrangère. Il s'agit d'un énorme problème qui n'a pratiquement pas été soulevé.

Bernstein : Comme vous le savez, Rachel Maddow de MSNBC a fait carrière en enquêtant sur les accusations portées contre la Russie. Elle dit qu'elle a lu tous ces documents attentivement, elle a donc dû lire tous ceux concernant Flynn à propos d'Israël, mais je ne l'ai pas du tout entendue à ce sujet.

Silverstein : Même les journalistes progressistes, dont on aurait pu croire qu'ils s'en prendraient à cette affaire avec célérité, sont effrayés par le fait que le lobby peut effectuer des représailles sérieuses sur eux. Ainsi, à part des médias comme The Intercept et Electronic Intifada, il y a beaucoup d'hésitation à s'en prendre au lobby israélien. Les gens ont peur parce qu'ils savent que le prix à payer est élevé. Cela va du simple journalisme à la vendetta personnelle et politique lorsqu'ils vous mettent en scène. En fait, l'une des raisons pour lesquelles je pense que mon blog est si important, c'est que je conteste la politique israélienne et l'intervention israélienne là où elle n'a pas sa place.

Bernstein : Jared Kushner est l'homme de pointe pour l'administration Trump sur Israël. Il a parlé d'avoir une "vision pour la paix". Pensez-vous qu'il est problématique que cette personne entretienne des relations étroites et de longue date avec le premier ministre d'Israël et qu'elle dirige en fait une fondation qui investit dans la construction de colonies israéliennes illégales ?  Est-ce que cela pourrait poser problème ?

Silverstein : En fait, c'est assez infâme. Quand Jared Kushner était adolescent, Netanyahu avait l'habitude de séjourner chez la famille Kushner lorsqu'il se rendait aux États-Unis. Cette relation avec l'une des figures politiques les plus d'extrême droite en Israël remonte à des décennies. Et ce n'est pas seulement Kushner lui-même, mais tout le personnel administratif qui s'occupe de ces prétendues négociations de paix, y compris Jason Greenblatt et David Friedman, l'ambassadeur. Ce sont tous des Juifs orthodoxes qui ont tendance à avoir des opinions très nationalistes en ce qui concerne Israël. Ils soutiennent tous financièrement les implantations coloniales par l'entremise de fondations. Ce ne sont pas des courtiers honnêtes.

Nous pourrions parler longuement de l'histoire du personnel étatsunien qui a été négociateur de la paix au Moyen-Orient. Tous ont été favorables à Israël et responsables devant le lobby israélien, y compris Dennis Ross et Makovsky, qui ont servi dans la dernière administration.  Ces personnes sont des partisans ultra-nationalistes favorables aux colonies[israéliennes]. Ils n'ont aucun rôle à jouer dans la négociation d'un accord de paix.

Je prévois depuis le début que ces négociations de paix n'aboutiront à rien, même si elles semblent avoir acheté la coopération de l'Arabie saoudite, ce qui est quelque chose de nouveau dans le processus. Les Palestiniens ne pourront jamais accepter un accord qui a été négocié par Kushner et consor parce qu'il sera beaucoup trop favorable à Israël et qu'il négligera totalement les intérêts des Palestiniens.


Bernstein : Il a été révélé que Kushner soutient la construction de colonies en Cisjordanie.  La plupart des gens ne comprennent pas la politique de ce qui se passe là-bas, mais cela semble faire partie d'un nettoyage ethnique.

Silverstein : Les colonies ont toujours été une violation du droit international, depuis qu'Israël a conquis la Cisjordanie en 1967. Les Conventions de Genève ordonnent à une puissance occupante de se retirer d'un territoire qui n'était pas le sien. En 1967, Israël a envahi les États arabes et conquis la Cisjordanie et Gaza, mais cela n'a jamais été reconnu ni accepté par aucune nation jusqu'à présent.

Le fait que Kushner et sa famille sont intimement impliqués dans le soutien des colonies - tout comme David Friedman et Jason Greenblat - est tout à fait scandaleux. Aucun membre d'une administration étatsunienne antérieure n'aurait été autorisé à participer à ce type d'investissement financier pour soutenir les colonies. Bien sûr, Trump ne comprend pas la notion de conflit d'intérêts parce qu'il est lui-même très impliqué dans de tels conflits. Mais aucune partie au Moyen-Orient, à l'exception d'Israël, ne va considérer les États-Unis comme un intermédiaire honnête et acceptable en tant que médiateur.

Lorsqu'ils annonceront cet accord en janvier prochain, personne dans le monde arabe ne l'acceptera, à l'exception peut-être de l'Arabie saoudite, car ils ont d'autres vues notamment sur l'Iran. Les trois prochaines années vont être intéressantes, en supposant que Trump aille jusqu'à la fin de son mandat. Je prévois que le plan de paix échouera et qu'il conduira à une augmentation de la violence au Moyen-Orient. Cela ne conduira pas seulement à un vide, mais aussi à une détérioration des conditions.


Bernstein : L'équipe de transition de Trump a en fait été contactée directement par le gouvernement israélien pour tenter d'intercéder en sa faveur auprès des Nations unies.

Silverstein : Je suppose que c'est Netanyahu qui est allé directement vers Kushner et Trump. Maintenant, nous n'avons pas encore découvert que Trump était au courant, mais il est très difficile de croire que Trump ne l'était pas et ne l'a pas approuvé. Maintenant que nous savons que Mueller a eu accès à tous les courriels de l'équipe de transition, il ne fait aucun doute qu'il ait pu percer leur affaire. L'appel de Flynn signifiait qu'ils l'avaient eu pour de bon. Il reste à voir ce qui va se passer avec Kushner, mais je pense que cela pourrait jouer un certain rôle dans la poursuite de Kushner ou dans le cadre d'un accord pour plaider coupable.

Bernstein : L'autre grande histoire, bien sûr, est la décision de l'administration Trump de déplacer l'ambassade étatsunienne de Tel-Aviv à Jérusalem. Y a-t-il eu collusion pré-électorale à cet égard et quelles en sont les conséquences ?

Silverstein : Eh bien, c'est une décision terrible qui va à l'encontre de quarante à cinquante ans de politique étrangère étatsunienne. Elle porte également atteinte à la compréhension internationale. Tous nos alliés de l'Union européenne et d'ailleurs sont consternés par cette évolution. Il y a maintenant une campagne au Conseil de sécurité des Nations Unies pour faire adopter une résolution condamnant l'annonce, auquelle nous mettrons notre veto, mais la prochaine étape sera d'aller à l'Assemblée générale, où une telle résolution sera facilement adoptée.

La question est de savoir dans quelle mesure la colère, la violence et les perturbations que cela va provoquer dans le monde entier, en particulier dans le monde arabe et musulman.  C'est un fusible à combustion lente. Il ne va pas exploser maintenant. La question de Jérusalem est tellement vitale qu'il ne s'agit pas d'une question qui va tout simplement disparaître. Cela va devenir un véritable fléau dans le monde musulman et parmi les Palestiniens. Nous avons déjà été témoins d'attaques contre des soldats et des citoyens israéliens et il y en aura beaucoup d'autres.

Quant à la collusion dans tout cela, puisque Trump a toujours dit pendant la campagne que c'était ce qu'il allait faire, il pourrait être difficile de traiter cela de la même façon que la résolution des Nations Unies.  Personne n'a jamais entendu parler de la résolution de l'ONU et personne ne connaissait le rôle que Trump jouait dans les coulisses, contrairement à Trump qui disait dès le départ que Jérusalem allait être reconnue comme la capitale de Jérusalem.

Ce faisant, ils ont complètement abrogé tout intérêt palestinien à Jérusalem. C'est une décision catastrophique qui exclut vraiment les États-Unis d'être un arbitre honnête et qui montre à quel point nous sommes pro-Israéliens.

*Dennis J Bernstein est un animateur de "Flashpoints" sur le réseau radio Pacifica et l'auteur de Special Ed: Voices from a Hidden Classroom. Vous pouvez accéder aux archives audio sur www.flashpoints.net.

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