La guerre sans fin est le cadeau de noël de l'impérialisme étatsunien au Yémen et ailleurs
Article originel : Endless War Is US Imperialism’s Holiday Gift to Yemen and Beyond
Par Daniel Haiphong*
American Herald Tribune
Traduction SLT**
L'Arabie saoudite est engagée dans une guerre impérialiste sanglante et impitoyable au Yémen depuis le printemps 2015. Cette guerre a été qualifiée de crise humanitaire par les Nations Unies, notamment parce que le Royaume saoudien a imposé un blocus brutal à cette nation appauvrie. Le Royaume saoudien a détruit les infrastructures et la population du Yémen grâce aux milliards de dollars d'aide militaire étatsunienne. Pourtant, même après des années de sanctions contre la famine et d'interminables opérations militaires, l'Arabie saoudite et son principal allié à Washington ne sont pas plus près d'atteindre leurs objectifs au Yémen ou dans la région. Une autre période des Fêtes s'est écoulée avec le système impérialiste déchiré par la crise qui dicte la politique à Riyad et Washington, montrant une fois de plus qu'il n'a pas d'autre cadeau à transmettre à la planète que la guerre sans fin.
Plusieurs événements laissent présager une impasse au Yémen. Premièrement, toute la base de l'invasion saoudienne a progressivement perdu de sa légitimité. Plus tôt en décembre, l'Administration Trump a exhorté l'Arabie saoudite de mettre fin au blocus contre le Yémen. Ce n'était pas un acte de paix. L'Administration Trump ne faisait que réagir à un ensemble de conditions irréconciliables. D'une part, des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes au Yémen ont déjà péri à la suite de l'invasion brutale de l'Arabie saoudite. D'autre part, l'ONU a annoncé que le blocus mettrait des millions de personnes en danger de mort prématurée par la famine, la malnutrition et des maladies évitables. Et ce seraient les Etats-Unis, allié le plus proche de l'Arabie Saoudite, qui devraient expliquer leur complicité dans la guerre contre le Yémen à un monde où la Chine et la Russie détiennent plus de poids politique.
L'impérialisme étatsunien doit également faire face à la résistance incessante du peuple yéménite. L'invasion saoudienne du Yémen, appuyée par les Etats-Unis, est venue en réponse au renversement réussi du gouvernement fantoche d'Abd Rabbuh Mansour Hadi au plus fort du soi-disant "printemps arabe". Une coalition dirigée par la majorité chiite et les régions rurales du Yémen se sont dirigées vers le palais présidentiel, forçant Hadi à démissionner. Cette résistance, menée par le mouvement Houthi, est ce qui a motivé l'intervention violente de l'Arabie saoudite. Le mouvement Houthi a été décrit par les médias de masse comme un groupe terroriste ou une force supplétive iranienne pour justifier l'assaut continu contre le peuple yéménite.
Même encore, rien n'indique que l'Arabie saoudite et son centre de commandement constitué par l'impérialisme étatsunien, se soient rapprochés de la victoire au Yémen. Le Yémen doit continuer à être encadré dans le contexte d'une guerre sectaire séculaire qui sévit largement dans la région. Le sectarisme (ou l'ethnicisme) a toujours été instrumentalisé par les guerres impérialistes depuis la la période coloniale. Depuis des années, l'impérialisme étatsuniens multiplie les frappes de drones au Yémen pour réprimer le terrorisme dans cette région déchirée par la guerre. Sous Obama, ces bombardements ont entraîné la mort de citoyens étatsuniens. Aujourd'hui, l'impérialisme étatsunien est confronté à un bourbier potentiellement déstabilisant au Yémen, qu'il a aidé à mettre en branle avec 36 milliards de dollars d'armes vendues au Royaume saoudien seulement depuis 2014.
Une défaite au Yémen couperait l'Arabie saoudite des principales ressources pétrolières et précipiterait la disparition de son Etat monarchique et oppressif. En outre, la perte du Yémen signifierait un nouveau revers pour un ordre mondial impérialiste déjà malade, dirigé par les États-Unis. L'Irak et la Syrie ont annoncé la défaite de l'Etat islamique (EI) dans leurs pays respectifs, donnant aux Etats-Unis peu de raisons de rester dans ces nations stratégiques. L'opposition de droite en Amérique latine est également en difficulté. Le gouvernement socialiste du Venezuela a repris lors des dernières élections municipales plus de quatre-vingt-dix pour cent des mairies du pays. Le Honduras est sur le point de connaître un soulèvement massif après le coup d'État, appuyé par les Etats-Unis, qui a truqué les élections présidentielles. Sans compter que chacun de ces développements donne à la Chine et à la Russie un terrain mondial plus favorable pour acquérir une puissance politique et économique.
En d'autres termes, les seigneurs de la guerre perdent du terrain malgré le naufrage provoqué par la politique impérialiste. L'impérialisme étatsunien est le maître de la discorde et du chaos dans le monde entier au service des entrepreneurs militaires, des monopoles pétroliers et des entreprises de Wall Street qui récoltent les fruits d'un budget militaire bipartite de 700 milliards de dollars. Cependant, le chaos a ses limites. La chute de l'Union soviétique et du bloc socialiste a précipité le déchaînement enragé des forces productives et militaires de l'impérialisme étatsunien à travers la planète. Des masses de gens dans le monde entier ont souffert du fait que des États souverains sont tombés un par un sous l'orbite de l'impérialisme. L'influence sans entrave des Etats-Unis sur le continent africain s'est faite aux dépens de six millions de Congolais morts depuis seulement 1996. Des millions de personnes ont été assassinées en Irak, en Afghanistan et dans l'ensemble de la région par les forces militaires étatsuniennes depuis 2003 seulement. Cependant, les peuples d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique n'ont jamais cessé de lutter pour une véritable indépendance, et le Yémen en est un excellent exemple.
Si la guerre sans fin est le cadeau des Fêtes de l'impérialisme étatsunien à l'humanité, alors le Père Noël doit être tué. Le peuple yéménite continuera de souffrir, quel que soit le président étatsunien qui occupera le bureau ovale. Les enquêtes sur les liens politiques de Trump avec la Russie ne sont que des écrans de fumée pour les intérêts objectifs de l'impérialisme étatsunien. Ces intérêts sont enracinés dans l'essence même du système. La formule est simple, mais les méthodes sont complexes. L'impérialisme exige une expansion militaire sans fin pour assurer la rentabilité nécessaire aux banques de Wall Street et aux monopoles parasitaires. Certains de ces monopoles, comme Raytheon, vendent des produits (armes) conçus pour détruire des nations entières.
L'Arabie saoudite reçoit des milliards de dollars en technologie de Raytheon et d'autres entrepreneurs militaires pour faire la guerre au peuple du Yémen. Il en va de même pour le gouvernement réactionnaire du Rwanda, la dictature de droite au Honduras et l'État colonisateur d'Israël. Ces États dépendent de l'aide militaire étatsunienne et la classe dirigeante étatsunienne dépend de ces États pour assurer le terrain politique et économique nécessaire à l'exploitation des entreprises. L'instabilité mondiale est le produit des contradictions qui s'accentuent entre la sphère d'influence étatsunienne et la résistance des peuples. Cette résistance est importante parce qu'elle révèle les alliés potentiels sur lesquels les peuples luttant contre l'impérialisme pourraient compter pour parvenir à des fins communes.
Il y a de nombreux points de convergence que les peuples opprimés des Etats-Unis partagent avec les peuples du monde. La première est le fait que le plan fiscal de l'Administration Trump n'est pas la seule politique orientée vers la distribution d'encore plus de richesses aux capitalistes les plus riches de la planète. Les dépenses militaires étatsuniennes sont financées par les impôts étatsuniens saisis sur les salaires des travailleurs. L'armée étatsunienne est présentée comme un corps armé héroïque qui défend les citoyens contre les menaces à leur existence. Cependant, l'existence aux Etats-Unis est devenue plus précaire pour la plupart des travailleurs, en particulier pour les Noirs. Cela fait que l'énorme somme dépensée pour la guerre n'est rien d'autre qu'une botte sur le cou des ouvriers et des opprimés du continent étatsunien.
La richesse des Noirs étatsuniens est de plus en plus faible et avoisine le zéro. Les soins de santé, le logement et l'éducation sont des privilèges que seuls les riches peuvent se permettre tandis que les pauvres ont du mal à décider s'ils doivent payer le loyer ou la facture de leur médecin. La dette étudiante et la dette médicale demeurent une bulle de billions de dollars qui entraîne des millions de personnes dans la ruine et la faillite. Le chômage et le travail à bas salaire dominent le paysage économique en cette ère du high-tech et d'un capitalisme dans l'impasse, si désireux de remplacer le travail pour accélérer l'exploitation à des fins lucratives. L'emprisonnement et la terreur policière ont été les seules récompenses récoltées par les sans-papiers, les Noirs et les Amérindiens dans le cadre de cet arrangement.
Tout mouvement social-démocrate de masse qui surgit dans cette période devra affronter le projet de guerre sans fin de l'impérialisme étatsunien à l'étranger, et pas seulement parce qu'il coûte cher. Il existe une relation dialectique entre les nations opprimées à l'étranger et les opprimés vivant au sein des nations impérialistes. Le lien commun est l'appareil d'État. L'appareil d'Etat n'est rien d'autre que l'organisation de la violence contre les classes opprimées, coordonnée par les salariés de la classe dirigeante. Cet appareil terrorise les Palestiniens, les Syriens et les Libyens avec la même intention et la même force matérielle qui laisse les Noirs étatsuniens en danger perpétuel de mort prématurée aux mains de la police.
Il n'y a donc qu'un seul cadeau qui vaut vraiment la peine d'être offert en cette période des Fêtes et au-delà : l'unité. L'unité ne peut pas être achetée, mais plutôt construite par le développement d'une conscience révolutionnaire qui reconnaît (et dénonce) la guerre sans fin qui se livre sur le monde. Le système en place doit être condamné et jugé, pas seulement ses symptômes. Les anniversaires de la Révolution haïtienne et de la Révolution cubaine sont à l'horizon, marquant le début d'une nouvelle année. Notre cadeau à l'humanité, et la résolution la plus importante pour l'année à venir, est de construire notre propre révolution dans le but d'orienter le cours de l'histoire vers un monde sans exploitation.
*Danny Haiphong est un activiste et journaliste radical dans la région de Boston.