Les dirigeants étatsuniens soutiennent et sont complices de crimes de guerre au Yémen
Article originel : US Leaders Aid and Abet War Crimes in Yemen
Par Marjorie Cohn*
Truth Out
Les dirigeants étatsuniens qui ont apporté un soutien militaire à la coalition saoudienne qui a bombardé des civils au Yémen en août dernier pourraient être accusés d'avoir aidé et encouragé la perpétuation de crimes de guerre en vertu du droit international coutumier, qui fait partie du droit étatsunien.
La bombe MK 82 de 225 kilos guidée par laser, que la coalition a larguée le 9 août, a tué 51 personnes, dont 40 enfants. Le bombardement constituait un crime de guerre.
"Ils sont venus à l'hôpital en voiture et en ambulance" a déclaré Marta Rivas Blanco, une infirmière du Comité international de la Croix-Rouge qui travaille à l'hôpital Al Talh, dans le journal britannique The Guardian. "Certains criaient, d'autres avaient peur, beaucoup sont allés directement à la morgue."
Lockheed Martin, l'un des principaux sous-traitants de la défense étatsunienne, a fabriqué la bombe, qui faisait partie d'une vente d'armes entre les États-Unis et les Saoudiens l'année dernière.
Aide et complicité à l'égard d'un crime de guerre
Selon le droit international coutumier, l'aide et la complicité d'un crime de guerre requiert trois éléments : 1) il faut qu'une personne ou une entité ait commis un crime de guerre ; 2) il faut qu'un autre acteur ait commis un acte qui a eu un effet important sur la réalisation du crime de guerre ; et 3) il faut que l'autre acteur ait su que l'acte aiderait ou aurait une probabilité importante d'aider à la réalisation du crime de guerre. Ces trois éléments étaient réunis lors du bombardement du 9 août 2018.
Premièrement, la coalition a commis un crime de guerre. L'assassinat délibéré et le ciblage de civils constituent des violations graves de la quatrième Convention de Genève. La loi étatsunienne sur les crimes de guerre définit les violations graves de Genève comme des crimes de guerre.
Le fait de cibler un autobus rempli d'enfants dans un marché achalandé est un crime de guerre. Le gouvernement saoudien l'a qualifié "d'action militaire légitime", prétendant avoir ciblé "les dirigeants des Houthis qui étaient responsables du recrutement et de la formation de jeunes enfants, puis de les envoyer sur les champs de bataille".
Deuxièmement, les dirigeants étatsuniens ont fourni les moyens de commettre le crime de guerre. L'achat de la bombe faisait partie d'un accord d'armement avec l'Arabie saoudite que le Département d'État US a validé. En mai 2017, lors de son premier arrêt à l'étranger après son entrée en fonction, Trump a signé un contrat d'armement de 110 milliards de dollars avec le roi saoudien à Riyad.
Troisièmement, l'armée étatsunienne savait que la fourniture de la bombe à la coalition était susceptible d'entraîner la commission d'un crime de guerre. Une bombe similaire a tué 155 personnes dans un salon funéraire au Yémen en octobre 2016.
Après le bombardement de 2016, l'administration Obama, invoquant des "préoccupations en matière de droits de l'homme", a interdit la vente à l'Arabie saoudite de technologies militaires guidées avec précision. Cette interdiction a été annulée le même mois où Trump a conclu son accord à Riyad, et le gouvernement étatsunien a autorisé à nouveau la fourniture de munitions guidées par laser Paveway à l'Arabie saoudite.
L'aide des États-Unis facilite la multiplication des crimes de guerre
L'attentat à la bombe contre un autobus scolaire le 9 août constitue l'une des 50 frappes aériennes sur des véhicules civils par la coalition jusqu'à présent en 2018. Amnesty International a documenté 36 frappes aériennes de la coalition, dont beaucoup peuvent constituer des crimes de guerre.
Le 23 avril 2018, un avion saoudien a largué des bombes à fragmentation fabriquées par Raytheon lors d'un mariage au Yémen, tuant 22 personnes, dont des enfants. Lorsqu'elles explosent, les bombes à fragmentation dispersent de minuscules bombes. Certains restent non explosés et explosent lorsque des personnes les écrasent accidentellement ou lorsque des enfants les ramassent par terre. Ces armes sont interdites par la Convention sur les armes à sous-munitions, qui interdit toute utilisation, stockage, production et transfert d'armes à sous-munitions.
La guerre saoudienne contre le Yémen ne pourrait pas continuer sans le soutien des États-Unis et du Royaume-Uni (et de la France, NdT), selon Bruce Riedel de la Brookings Institution.
L'assistance militaire étatsunienne à la coalition comprend le ravitaillement en vol des avions saoudiens et des Émirats arabes unis, le soutien logistique et l'échange de renseignements. Mais la participation des États-Unis dans la guerre s'est intensifiée à la fin de l'année dernière lorsqu'une équipe de Bérets verts est secrètement arrivée à la frontière entre le Yémen et l'Arabie saoudite.
Au moins 6 385 civils ont été tués et 10 000 blessés depuis le début de la guerre. Les frappes aériennes de la coalition dirigée par les Saoudiens représentent plus de 60 % des victimes civiles.
Le Yémen connaît l'une des plus grandes crises humanitaires au monde. Au moins 22,2 millions de personnes - et presque tous les enfants yéménites - ont besoin d'aide humanitaire, et on soupçonne que plus d'un million de personnes souffrent du choléra. Néanmoins, la coalition restreint l'aide et les importations de nourriture, de médicaments et de carburant.
Le 15 mars 2018, le Conseil de sécurité de l'ONU a publié une déclaration appelant à un accès humanitaire et commercial complet et toutes les parties à se conformer à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.
Le Congrès condamne le rôle des États-Unis au Yémen
La Chambre des représentants des États-Unis a adopté à l'unanimité une résolution non contraignante en novembre 2017, appelant les forces militaires étatsuniennes à se retirer des "hostilités non autorisées" au Yémen. Elle a déclaré que l'aide militaire étatsunienne à la coalition dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen n'était pas sanctionnée par des autorisations préalables du Congrès. La résolution condamne le ciblage des civils et exhorte toutes les parties à "redoubler d'efforts pour adopter toutes les mesures nécessaires et appropriées afin de prévenir les pertes civiles et d'accroître l'accès humanitaire".
Le 13 août 2018, Trump a signé le 2019 National Defense Authorization Act (NDAA), qui contient une allocation de 717 milliards de dollars pour l'armée U.S. Dans cette législation, le Congrès a inclus plusieurs dispositions visant à rendre compte du soutien apporté par les États-Unis à la coalition dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen.
L'article 1274 ordonne au ministère de la Défense d'examiner si les forces de la coalition étatsunienne ou saoudienne au Yémen violent le droit étatsunien ou international.
Mais lorsque Trump a signé le projet de loi, il a joint une déclaration signée indiquant que son administration traiterait les dispositions de l'article 1274 "conformément au pouvoir constitutionnel du président de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation pourrait porter atteinte à la sécurité nationale, aux relations étrangères, à l'application de la loi ou à l'exercice des fonctions constitutionnelles du président".
L'article 1290 exige que le secrétaire d'État certifie que l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis fassent des efforts de bonne foi pour mettre fin à la guerre civile au Yémen ; prennent des mesures appropriées pour atténuer la crise humanitaire ; entreprennent des actions démontrables pour réduire le risque de dommages aux civils ; se conforment aux lois concernant les achats militaires des États-Unis ; et prennent des mesures appropriées pour éviter des dommages disproportionnés aux civils.
Trump a également joint une déclaration signée à cette disposition, disant que toute certification que l'article 1290 prétendait exiger devrait être "conforme aux pouvoirs constitutionnels du président en tant que commandant en chef et en tant que seul représentant de la nation dans les affaires étrangères".
Demande de la mise en place d'une enquête indépendante
Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a condamné l'attentat du 9 août et a appelé à une enquête indépendante. L'Arabie saoudite dit qu'elle mènera sa propre enquête. Et le secrétaire étatsunien à la Défense, James Mattis, a promis d'envoyer un général trois étoiles à Riyad pour aider les Saoudiens dans leur enquête.
"Ce dont les Yéménites ont vraiment besoin, c'est d'une enquête indépendante, qui a déjà été présentée deux fois à l'ONU et a été rejetée par la coalition dirigée par les Saoudiens tandis que les États-Unis ont malheureusement couvert la coalition dirigée par les Saoudiens à l'ONU", a déclaré Shireen al-Adeimi, militante-chercheure yéménite et professeure adjointe à l'Université de l'État du Michigan, à Amy Goodman à Democracy Now !
Après le bombardement du 9 août, trois lettres écrites par des membres du Congrès de la Chambre et du Sénat ont demandé des enquêtes, des explications et des séances d'information sur le soutien des États-Unis à la coalition dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen.
Trente démocrates de la Chambre ont signé une lettre au ministre de la Défense James Mattis, au secrétaire d'État Mike Pompeo et au directeur du renseignement national Dan Coats, exprimant "une inquiétude croissante concernant la crise humanitaire au Yémen" et demandant un briefing pour tous les membres de la Chambre au cours de la première semaine de septembre" sur les objectifs politiques des États-Unis à l'égard du Yémen". Dans la lettre, les membres du Congrès ont cité les articles 1274 et 1290 de la NDAA.
En outre, le député Ted Lieu (Démocrate-Californie) a écrit une lettre demandant à l'inspecteur général du ministère de la Défense d'ouvrir une enquête pour déterminer si les opérations de la coalition au Yémen violaient le droit étatsunien et/ou international. Ted Lieu a déclaré qu'il était "profondément préoccupé par le fait que la poursuite du ravitaillement en carburant, les fonctions de soutien opérationnel et les transferts d'armes pourraient être considérés comme une aide et une complicité dans ces crimes de guerre potentiels".
Ted Lieu a fait référence à la conclusion du groupe d'experts de l'ONU sur le Yémen selon laquelle toutes les parties au conflit, y compris la Coalition soutenue par les Etats-Unis, étaient impliquées dans des "violations généralisées" du droit international et que les mesures visant à minimiser les pertes civiles restaient "largement inefficaces ".
La sénatrice Elizabeth Warren (Démocrate-Massachusetts) a écrit au général Joseph Votel, chef de l'US Central Command (Centcom), pour lui demander de clarifier son allégation selon laquelle le Centcom ne peut déterminer si les États-Unis ont fourni de l'aide pour les frappes de coalition ayant entraîné la mort de civils.
Dans sa lettre, Warren cite un article de The Intercept, citant un rapport de renseignement avec "ce qui semble être des commentaires d'un analyste étatsunien du renseignement" qui a supervisé une frappe en mai 2018 à partir d'un centre de commandement de la coalition à Riyad, qui suggérait que les observateurs militaires étatsuniens possèdent des informations détaillées sur la manière dont les frappes sont menées.
L'essentiel est que le Congrès doit immédiatement mettre fin à toute implication des États-Unis dans la guerre au Yémen et refuser de financer les ventes d'armes à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis pendant qu'ils continuent de bombarder et de bloquer le Yémen.
* Marjorie Cohn est professeure émérite à la Thomas Jefferson School of Law, ancienne présidente de la National Lawyers Guild, secrétaire générale adjointe de l'International Association of Democratic Lawyers et membre du comité consultatif de Veterans for Peace. Une édition mise à jour de son livre, Drones and Targeted Killing : Legal, Moral, and Geopolitical Issues, a été publié récemment.
Traduction SLT avec DeepL.com
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