Syrie - Incohérent, incomplet et invraisemblable - Le rapport de l'OIAC sur Saraqib est une autre honte.
Article originel : Syria - Inconsistent, Incomplete And Implausible - The OPCW Report On Saraqib Is Another Disgrace
Moon of Alabama
Le 4 février, deux jours avant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur les questions relatives aux armes chimiques, un hélicoptère de l'armée syrienne s'est rendu dans le gouvernorat d'Idlib, détenu par Al-Qaïda. En échappant aux défenses aériennes assez efficaces des terroristes, il a largué deux bouteilles de chlore gazeux près d'un entrepôt agricole d'un intérêt militaire nul, à 40 kilomètres de la ligne de front de la guerre. Onze hommes en âge de combattre qui vivaient sur le territoire contrôlé par Al-Qaïda auraient été touchés par le gaz libéré, mais aucun d'entre eux n'a été gravement blessé.
L'histoire peu plausible ci-dessus est à la base d'un rapport récent de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. Toutes les "preuves" de l'histoire proviennent d'organisations qui ont coopéré étroitement avec Al-Qaïda et d'autres groupes militants "rebelles" en Syrie et qui sont payés par des gouvernements "occidentaux" opposés à la Syrie. L'histoire invraisemblable a été répété dans la presse "occidentale" sans aucune remise en question journalistique.
Le Guardian britannique écrit :
La mission d'enquête de l'OIAC sur l'attaque à Saraqib a permis de déterminer que "du chlore a été libéré des bouteilles par impact mécanique le 4 février", a-t-il été déclaré mercredi. Les conclusions de l'équipe étaient fondées sur la découverte de deux bouteilles dont on a déterminé qu'elles contenaient auparavant du chlore.
...
Cet incident n'est nullement la pire attaque à l'arme chimique de la guerre civile qui a duré sept ans, mais 11 personnes ont été traitées pour des difficultés respiratoires. Les observateurs occidentaux ont déclaré que l'utilisation d'hélicoptères dans l'attaque suggérait l'implication du gouvernement syrien puisque l'opposition ne disposait pas d'hélicoptères.
Saraqib dans le gouvernorat d'Idleb est aux mains de l'opposition syrienne depuis fin 2012/début 2013. En avril 2013, les forces "rebelles" syriennes ont allégué qu'une attaque chimique au Sarin avait eu lieu à Saraqib. Cependant, une seule personne est morte, prétendument d'intoxication au Sarin, alors qu'aucune trace de Sarin n'a été trouvée sur deux autres personnes affectées.
Le 4 février 2018, de nouvelles allégations ont été faites au sujet d'une "attaque chimique" à Saraqib. Le front de guerre est loin de Saraqib. Aucune opération militaire n'y a eu lieu depuis des années. Les allégations d'"attaque chimique" sont arrivées (comme d'habitude) à un moment politique opportun :
Amnesty International a accusé le régime d'Assad de faire preuve d'un "mépris total" du droit international à la suite d'une attaque au chlore gazeux sur la ville de Saraqib dimanche. Cette dernière attaque chimique survient juste un jour avant que le Conseil de sécurité de l'ONU ait échoué à s'entendre sur une déclaration proposée lundi par les États-Unis condamnant l'utilisation continue d'armes chimiques dans ce pays déchiré par la guerre.
Le rapport d'Amnesty International se fonde uniquement sur des "témoignages" anonymes d'organisations de propagande financées par des pays qui s'opposent au gouvernement syrien :
Amnesty International s'est entretenue avec un volontaire de la protection civile syrienne qui a décrit l'arrivée, quelques minutes après qu'une bombe sous forme de baril - la source apparente du gaz - ait atterri dans un champ à 50 mètres d'un entrepôt agricole. Il n'y avait aucun signe de cibles militaires à proximité du bombardement de Saraqib, qui se trouve dans la province nord-ouest d'Idlib, à 41 km de la ligne de front la plus proche.
Un deuxième membre de l'équipe syrienne de la protection civile à Saraqib a déclaré à Amnesty International qu'il avait été témoin des victimes amenées à un poste médical. "Quand ils sont arrivés, j'ai vu l'équipe de sauvetage respirer difficilement et ils se sont effondrés. Les médecins m'ont dit que les symptômes des 11 personnes - y compris les trois volontaires de la protection civile - correspondaient à une attaque chimique, probablement du chlore", a-t-il déclaré.
...
Les blessés, qui étaient tous des hommes, sont depuis lors rentrés chez eux.
La "Protection civile syrienne" est l'organisation de propagande des Casques blancs.
L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) est une organisation intergouvernementale chargée de mettre en œuvre la Convention sur les armes chimiques. Son organe actif est le Secrétariat technique qui est actuellement dirigé par le diplomate de carrière turque Ahmet Üzümcü. Il est financé par les 192 membres du congrès.
Le rapport de l'OIAC sur le Saraqib auquel le Guardian fait référence est intitulé :
Il y a un problème immédiat avec le titre. Il insinue qu'une mission d'enquête de l'OIAC en Syrie a eu lieu. Toutefois, le rapport lui-même indique qu'aucun enquêteur de l'OIAC n'est entré en Syrie pour enquêter sur l'incident présumé à Saraqib.
Les enquêteurs de l'OIAC ont interrogé des "témoins" alors qu'ils se trouvaient à l'extérieur de la Syrie. L'accès à ces témoins a été fourni par des "organisations non gouvernementales" louches qui sont financées par des gouvernements hostiles à la Syrie. Tous les échantillons environnementaux testés par les laboratoires de l'OIAC ont été prélevés par des "volontaires" rémunérés de l'organisation de propagande des Casques blancs. Il n'y a pas de "chaîne de possession" documentée pour les échantillons.
D'après le rapport :
Le matin du 5 février 2018, la Mission d'établissement des faits (FFM) de l'OIAC a pris connaissance d'allégations d'utilisation d'un produit chimique toxique comme arme à Saraqib, dans le gouvernorat d'Idlib. La FFM a évalué la crédibilité des allégations sur la base d'informations recueillies auprès de sources ouvertes et d'informations reçues de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG).
1.2 La FFM a interrogé divers témoins, notamment des blessés, des agents de santé et des premiers intervenants. L'équipe a également reçu des échantillons environnementaux qui avaient été prélevés sur les lieux de l'incident.
Le matériel de source ouverte d'origine inconnue, les ouï-dire des témoins fournis par des ONG qui affirment qu'une partie de leur propre personnel a été affectée par l'incident, et les échantillons environnementaux d'une provenance douteuse sont tout ce que l'OIAC avait. Le fait que toute enquête ou tout rapport soit fondé sur des motifs aussi faibles est déjà préoccupant.
Le récit du rapport, présenté par les "témoins" présumés, est invraisemblable :
5.9 Vers 21 heures, huit hommes s'abritaient dans un sous-sol dans le quartier est d'Al Talil, dans la ville de Saraqib, lorsqu'un observateur leur a signalé par radio qu'un hélicoptère était entré dans l'espace aérien de Saraqib par le sud-est. Vers 21 h 15, des témoins ont rapporté avoir entendu un hélicoptère survoler la ville et le bruit de deux "barils" tombant et s'écrasant à proximité de leur emplacement. Ils ont également indiqué qu'ils n'avaient pas entendu d'explosion.
5.10 Selon les déclarations des témoins, deux cylindres (ou "barils" selon la plupart des témoins) sont tombés dans un champ ouvert entouré par des structures de construction à environ 200 mètres au sud-ouest de la Banque agricole dans la partie orientale de Saraqib (voir la figure 3 ci-dessous), et de 50 à 100 mètres au sud-ouest du sous-sol mentionné au paragraphe 5.9 ci-dessus.
5.11 Les deux points d'impact se trouvaient dans ce champ ouvert d'une dimension d'environ 200 x 200 mètres, c'est-à-dire dans une dépression de 3 à 4 mètres plus basse que la zone urbanisée environnante. Les lieux de l'impact, tels qu'indiqués par les témoins, sont illustrés à la figure 3 ci-dessous.
J'ai mis en évidence les points de la citation ci-dessus qui me permettent de douter de l'histoire :
- Aucun rapport ne fait état d'attaques aériennes ou de l'armée syrienne contre Saraqib au cours des dernières années. Saraqib est entre les mains des "rebelles" depuis fin 2012/début 2013. Les lignes de front de la guerre sont lointaines et n'ont pas bougé depuis un bon moment. Saraqib est hors de portée de l'artillerie des champs de bataille habituelle. Il n'y avait et il n'y a aucune raison pour que quiconque à Saraqib se réfugie "dans un sous-sol" et il n'y a aucune raison d'avoir "un observateur" dans la région.
- La veille de l'incident, les "rebelles" à Idlib ont abattu un avion de chasse russe. L'armée syrienne risquerait-elle qu'un hélicoptère et son équipage survolent un territoire hostile pour larguer deux barils avec un gaz militairement inefficace dans un champ ouvert loin de la ligne de front et de toute position militaire ? Pour quoi faire ? Les radars de défense aérienne russes contrôlent l'espace aérien au-dessus de la Syrie. De quel autre endroit un hélicoptère aurait-il pu venir ?
- De nombreux lecteurs de MoA reconnaîtront ce son distinct de chute de barils (vidéo). Mais peut-on vraiment entendre des barils de gaz chuter dans le ciel alors qu'on est assis dans un sous-sol à 50 à 100 mètres de distance ?
- Les bouteilles de chlore qui seraient tombées du ciel ont atterri dans une cuvette. Le chlore est plus lourd que l'air et s'accroche au sol. Le chlore s'est-il élevé de 3 à 4 mètres pour ensuite s'infiltrer dans une maison pour ensuite s'enfoncer dans un sous-sol ? Comment ? La description est incompatible avec les expériences militaires étatsuniennes documentées (vidéo) dans lesquelles une grande quantité de chlore libérée dans une cuvette ne s'élève pas à plus de 60 centimètres du sol.
- Le chlore, comme dans les nettoyeurs de toilettes, a une odeur forte même à très faible concentration. Il n'a d'effet sur la santé qu'à des concentrations assez élevées. Il suffit de s'éloigner d'un rejet de chlore et de se déplacer vers un terrain plus élevé pour être en sécurité.
Les autres descriptions du rapport par les "témoins" et des symptômes présumés des victimes par le "personnel médical" n'ont pas non plus de sens.
Le Royaume-Uni a exploité des "Casques blancs" (appelés à tort "Défense civile syrienne" dans le rapport de l'OIAC), a pris des photos de deux bouteilles de gaz jaunes endommagées posées dans un champ et a fourni divers échantillons à l'OIAC. L'OIAC a remis les échantillons à deux de ses laboratoires certifiés pour analyse.
Daniel Schulz, un post-doc allemand spécialisé en biologie cellulaire, souligne plusieurs problèmes avec les analyses chimiques documentées dans le rapport de l'OIAC :
〕Daniel Schulz〔 @daniesch - 11:30 UTC - 16 mai 2018
Curieusement, l'un des laboratoires désignés a trouvé beaucoup de produits de dégradation du "Sarin" alors que l'autre n'en n'a pas retrouvé. Tableau 4.
De plus, et c'est curieux, le rapport affirme catégoriquement qu'aucune explosion n'a été entendue par des "témoins". Comment expliquez-vous le fait de trouver du TNT dans les échantillons fournis ? Tableau 4.
De plus, rappelez Chimie 101. Si le Chlore (Cl2) réagit avec l'humidité du sol, il faut s'attendre à une augmentation des ions Cl-. Mais d'où vient l'excès de K+ ? C'est presque comme si quelqu'un avait versé du KCl sur le sol ? Tableau 6.
Une autre incohérence surprenante est la teneur en Cl- dans les lingettes de l'intérieur des cylindres (rouge) et la façon dont elle ne correspond pas à la contamination du sol (vert). Tableau 5.
Le rapport de l'OIAC ne répond à aucune des questions soulevées ci-dessus. Il conclut plutôt :
7.4 La FFM a déterminé que le chlore, libéré des bouteilles par impact mécanique, a probablement été utilisé comme arme chimique le 4 février 2018 dans le quartier Al Talil de Saraqib.
...
7.5 La FFM a également noté la présence de produits chimiques qui ne peuvent être expliqués ni comme étant présents naturellement dans l'environnement, ni comme étant liés au chlore. De plus, certains des signes et symptômes médicaux signalés étaient différents de ceux auxquels on pourrait s'attendre d'une exposition au chlore pur. Il n'y avait pas suffisamment d'informations et de preuves pour permettre à la FFM de tirer d'autres conclusions sur ces produits chimiques à ce stade.
Le dernier paragraphe est dévastateur. Comment l'OIAC peut-elle dire que le chlore a été "probablement" utilisé comme arme chimique alors qu'elle n'a aucune explication, aucune, concernant les incohérences des rapports des "témoins" et des échantillons qui lui ont été fournis ?
La crédibilité de l'OIAC a déjà été entachée dans son enquête sur l'incident de Khan Cheykhoun. Selon le rapport sur cette affaire, la moitié des "victimes" de l'incident sont arrivées dans les hôpitaux avant que l'incident présumé ne se produise. Le rapport a remarqué cette incohérence, mais ne l'a pas expliquée.
Les deux rapports de l'OIAC, Saraqib et Khan Cheykhoun, prétendent fournir des preuves scientifiques claires. En lisant au-delà des résumés, on constate que les deux sont pleins d'incohérences et d'invraisemblances. Les questions importantes soulevées dans les rapports eux-mêmes ne reçoivent pas de réponse. Les contradictions dans les délais et les preuves documentées ne sont pas résolues. Aucune explication n'est donnée pour expliquer les raisons pour lesquelles quelqu'un aurait pu ordonner une attaque militaire sur des cibles de valeur militaire nulle. Les conclusions des deux rapports suggèrent un degré de certitude qui n'est pas du tout justifié.
Depuis 2011, le gouvernement turc du futur sultan Erdogan apporte un soutien de toutes sortes aux "rebelles syriens" radicaux qui attaquent l'Etat syrien. La Turquie occupe actuellement le nord-ouest de la Syrie et compte au moins douze points d'observation dans le gouvernorat d'Idlib. Le gouvernement turc continue d'être hostile au gouvernement syrien du président Assad.
Le fait que l'OIAC ostensiblement neutre soit dirigée par un diplomate de carrière turque alors qu'elle enquête sur un incident chimique présumé en Syrie est déjà très problématique. Il est honteux que ses rapports sur de tels incidents, fondés sur des ouï-dire, des preuves douteuses et des sources ouvertes non vérifiées, tirent des conclusions qui insinuent la culpabilité du gouvernement syrien tout en ignorant de graves incohérences.
Il est grand temps d'amener cette organisation à des bases neutres et scientifiques.
Traduction SLT