Madagascar : différend territorial avec la France sur forte odeur de pétrole et de gaz Par Elisabeth Studer Blog Finance*
Décidément l’année 2015 sera liée aux conflits territoriaux, lesquels sont souvent quoiqu’on en dise engendrés par les nouveaux potentiels en hydrocarbures des zones concernées. Encore et toujours de fortes odeurs de gaz et de pétrole, ne nous leurrons pas …
La presse de Mayotte – île située au Nord-Ouest de Madagascar – ne s’y trompe pas, affirmant même que « la présence de George Pau Langevin dans l’océan indien est surtout un signe fort envoyé en direction de Madagascar, pour réaffirmer la souveraineté française sur les Îles Éparses. » Cela a le mérite d’être clair.
C’est le 19 octobre dernier, que les propos de l’ambassadeur de France, Vouland-Aneini, ont mis le feu aux poudres, ce dernier déclarant tout de go : « les îles éparses appartiennent à la France ». En retour, le chef de l’État malgache a annoncé que « son interlocuteur direct reste le président français élu, et non l’ambassadeur ». Rappelant parallèlement que la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en 1979 est plus que claire et qu’il n’est plus question de revendiquer quoi que ce soit.
Il a par ailleurs tenu à indiquer qu’en 2014, il a été convenu la mise en place d’une plate-forme pour traiter ce dossier. Laquelle n’a toutefois pas encore vu le jour …
Depuis le mois dernier, ce contentieux qui remonte à l’indépendance de la grande île a ainsi été remis sur la table par les Malgaches qui proposent à nouveau une cogestion sur Bassas da India, Europa, Glorieuses, Juan de Nova et Tromelin.
Pour rappel, ces îles ont été rattachées administrativement à Madagascar lorsque le pays est devenu colonie française en 1896. A la veille de l’indépendance (juin 1960), elles sont rattachées au ministère des DOM-TOM. Enfin, en 1960 elles passent sous la responsabilité du préfet de la Réunion.
Reste que la souveraineté française est contestée par Madagascar depuis 1973, l’île de Tromelin faisant pour sa part l’objet d’un différend avec la République de Maurice.
La France assure une présence militaire dans la zone, laquelle est devenue permanente depuis les années 80. Depuis la loi du 21 février 2007, les îles éparses, sont même devenues le cinquième district des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). Avec une surface de 43,2 km2, elles représentent une zone économique exclusive (ZEE) de 640.100 km2 (plus de 6% de la totalité des ZEE françaises).
Pressé de toutes parts par l’opinion publique malgache en général, par les nationalistes et les députés en particulier, le chef de l’État malgache a été récemment d’évoquer la question délicate des « Iles Eparses ». Selon le Président de la république il s’agit là de haute diplomatie, ajoutant comme il se doit qu’il a pris personnellement les choses en main.
La ministre des affaires étrangères, Béatrice Attacha, aussi a été contrainte de s’exprimer sur cet épineux dossier des îles éparses. Selon elle « il s’agit d’îles malgaches et non plus d’îles éparses ». D’après la ministre, le dossier est toujours proposé lors des sommets de l’Onu mais toujours écarté. Elle promet néanmoins que l’État malgache va tout faire pour rouvrir le dossier l’année prochaine.
On se doit toutefois de noter que les velléités territoriales des Malgaches sont relancées à un moment où la France multiplie les recherches de pétrole et de gaz autour de ces atolls.
Des prospections scientifiques tendent à confirmer l’existence d’un véritable trésor hydrocarbure : 6 à 12 milliards de barils de pétrole et 3 à 5 milliards de mètres cubes de gaz. Des recherches qui confirment aussi la présence de ressources minérales marines profondes.
- Des permis octroyés par la France en septembre 2015 dans une zone stratégique
Suivant un arrêté du 21 septembre 2015, la ministre français de l’Énergie et de l’Écologie, Ségolène Royal, a même octroyé des permis aux compagnies Sapetro et Marex Petrolium en vue d’exploiter le pétrole et le gaz de l’île Juan de Nova, dans les Iles Éparses.
La société Marex Petrolium est une société US, basée au Texas, qui intervient dans les recherches pétrolières du Bassin Aquitain, en France donc …
Sapetro – South Atlantic Petroleum – compagnie pétrolière du Nigeria, détient quant à elle une participation de 90% dans le contrat de Partage de Production de Belo Profond (PSC ou Production Sharing Contract ), lequel est situé en eau profonde au large de Madagascar, dans le canal du Mozambique. Lequel Mozambique est un pays doté d’une importance géo-stratégique et géopolitique majeure dont je tiens à vous faire part déjà depuis quelques semaines dans des articles dédiés.
Sapetro considère que ce bloc contient une portion significative d’une nouvelle province d’exploration en eaux profondes, adjacente aux récentes découvertes de l’italien ENI et de l’américain Anadarko en Afrique de l’Est.
A noter qu’en 2006, Marex avait répondu à un appel d’offres en partenariat avec la société australienne Roc Oil en vue d’obtenir un permis pour Juan de Nova. Ce dernier, couvrant une superficie de 53,000 km2 fut octroyé en Décembre 2009. Marex avait également répondu avec le même partenaire pour le permis de Belon Profond offshore, contigu de celui de Juan de Nova, couvrant une aire de 17 000 km2. Le permis fut octroyé à la mi-2007. En 2010, Roc Oil décida de sortir du continent africain et fut remplacé sur les deux permis par South Atlantic Petroleum (SAPETRO).
- Madagascar : un important potentiel d’hydrocarbures
Au delà des Iles Éparses, on se doit en effet de rappeler que, selon les estimations, Madagascar devrait produire 6 000 barils par jour de pétrole à partir de l’année 2016. La production devrait passer à 10 000 barils par jour en 2018, et 25 000 à 50 000 barils par jour pour l’année 2020.
Les réserves de Tsimiroro atteint les 600 millions de barils. La population espère quant à elle espère que l’exploitation ait un impact sur l’économie : construction de routes, emplois … Rêver, c’est déjà çà …
- Total vivement intéressé par le potentiel énergétique du Canal de Mozambique
« Les potentiels sur une région vue désormais comme un nouveau Moyen-Orient énergétique, sont suffisamment alléchants pour que Total se soit montré prêt à racheter 20% des droits de l’opérateur ENI sur les énormes champs gaziers offshore nouvellement découverts au large du Mozambique pour un montant de 2,6 milliards de dollars », indiquait quant à elle en août 2012 la presse malgache. Ajoutant : « ces montants reflètent ce que la société Total S.A reconnait elle-même : la nécessité urgente de rattraper son retard sur l’offshore de l’Afrique de l’Est. »
Retard que le pétrolier français comptait rattraper en répondant à un appel d’offre en partenariat avec Sonangol. sur l’Angoche basin A5-B .
Alors que trois majors étaient en lice pour le même bloc offshore, ExxonMobil , en partenariat avec Rosneft, Eni avec les partenaires Sasol et Statoil, et Total, au final, ce sont les géantes majors pétrolières russe Rosneft et américaine ExxonMobil qui viennent de remporter ensemble les licences d’exploitation de ces trois blocs sur l’Angoche basin A5-B, l’italien Eni remportant la mise sur l’Angoche basin A5-A.
Des contrats d’un enjeu d’autant plus important que les découvertes de gaz offshore au Mozambique pourraient devenir une ressource stratégique pour le futur approvisionnement en énergie de l’Afrique du Sud, lequel doit faire face à une crise énergétique sévère. Russes et Américains, pour une fois réunis visent donc via cet accord bien plus loin que le Mozambique mais le formidable marché offert par la pénurie sud-africaine, laquelle affecte l’industrie minière du pays. C’est donc tout un processus en cascade qui est en œuvre désormais dans une stratégie mûrement réfléchie et riche d’intérêts à plus d’un titre.
Sources : Mayotte 1ere, madagascar-tribune.com, Sapetro, Marex Petroleum
Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 9 novembre 2015
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